À BEAUMONT-DU-PÉRIGORD, chef-lieu de canton de Dordogne, les 1 000 habitants restaient privés lundi d’électricité, tout comme 680 000 foyers dans régions sinistrées par la tempête Klaus qui a frappé le sud de l’Europe et, en France, les régions d’Aquitaine, du Midi-Pyrénées, du Languedoc-Roussillon, et du Poitou-Charentes. « Grâce à la solidarité entre les habitants et aux leçons qui ont été retenues de la tempête de 1999, témoigne le Dr Henri Carrera, l’un des deux généralistes qui exerce dans le canton, tout le monde fait à peu près face. Passé les urgences de samedi et dimanche, le nombre des visites et des consultations est revenu à un niveau normal. Mais nous restons vigilants, avec le risque d’intoxication au monoxyde de carbone lié aux groupes électrogènes. Je reviens d’ailleurs d’une visite chez des patients qui étaient incommodés par l’installation. »
À Eauz (Gers), également privé d’électricité, d’eau, et avec des liaisons téléphoniques qui fonctionnent « au coup par coup », le Dr Jean-Pierre Moncalvo a dû faire évacuer une famille qui faisait tourner un groupe électrogène dans sa cuisine. « Les routes venant d’être dégagées, tout le monde s’est précipité vers les centres commerciaux pour s’équiper avec ces dispositifs, constate-t-il. Il nous faut redoubler de vigilance. »
De fait, le Dr Michel Gautron, responsable du SAMU 25, au centre hospitalier de Périgueux, a comptabilisé en 48 heures 35 intoxications au monoxyde de carbone, dont 7 ont justifié d’un recours au caisson hyperbare. Deux décès ont été déplorés, précise-t-il, un homme de 75 ans et son épouse de 77 ans, qui ont été retrouvés morts dans leur maison en présence d’un groupe électrogène. Deux autres cas mortels ont été signalés dans la région Aquitaine, toujours liés à des émanations toxiques avec défaut de ventilation.
Priorité aux patients appareillés.
PH au SAMU 33, à Bordeaux, et spécialiste de médecine de catastrophe, le Dr Jean-Michel Dindart estime que ce « risque d’intoxication nécessitera une grande vigilance tant que la réalimentation électrique ne sera pas assurée, c’est-à-dire probablement jusqu’à la fin de la semaine. Avec 1 200 interventions en 48 heures, nous avons connu une activité à flux tendu, ajoute-t-il, à un niveau comparable à celui des plus gros week-ends de fêtes de l’année. Après avoir trié les cas bénins, nous avons en priorité traité les patients appareillés avec des extracteurs et des dispositifs de respiration VMI en leur adressant des ambulances équipées en oxygène, qui les ont acheminés vers des hôpitaux. Deux personnes n’ont cependant pas pu être ranimées. »
« Le bilan définitif risque d’être beaucoup plus sévère, craint toutefois le Dr Moncalvo, car, privés à la fois d’électricité et de téléphone, beaucoup de personnes en situation de détresse vitale, avec des chocs anaphylactiques ou des dèmes pulmonaires, ont fort bien pu ne pas pouvoir se signaler. »
« La coopération avec les sapeurs-pompiers du SDIS, les équipes héliportées de la Sécurité Civile et les ambulances de la Croix-Rouge nous aura permis de réagir immédiatement avant que les vents ne soient retombés, se félicite toutefois le Dr Dindart. Nous avons pris en charge beaucoup de traumatismes crâniens et du rachis après des chutes d’arbres. Il y a eu aussi, et ça continue, des personnes qui sont tombées de leur toit. Dans de nombreux cas, les communications étant coupées, les patients ont dû prendre des initiatives, comme cette dame âgée sous respirateur qui a eu la vie sauve en allant se réfugier dans une caserne non loin de son domicile. Une clinique a pu rester en liaison avec l’extérieur uniquement grâce au téléphone portable d’une de ses infirmières. »
Parfois, les secouristes ont été eux-mêmes blessés, comme le chef du centre de secours des pompiers de Foix (Ariège), qui s’est sectionné plusieurs phalanges d’un pied en intervenant sur une nacelle.
« Il serait un peu rapide de déclarer, comme certains responsables, que les secours ont été beaucoup plus performants que lors de la tempête de 1999, estime un urgentiste, qui se demande « en off » pourquoi le plan ORSEC n’a pas été activé en Aquitaine. Mais, conclut-il provisoirement, nous avons fait tout notre possible. Et quand on fait le maximum, on est sûr que c’est presque parfait… »
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