QUOTIDIEN - Pourquoi faut-il prendre de l’iode stable en cas d’exposition aux rejets radioactifs ?
JULIEN COLLET - L’ingestion d’iode stable est une des trois principales actions que l’on peut prendre dans le cas d’un accident nucléaire pour se protéger des rejets radioactifs, avec la mise à l’abri et l’évacuation. Ces trois actions s’articulent entre elles. Dans le cas de rejets radioactifs, les iodes radioactifs constituent une part importante de la radioactivité rejetée. Inhalé, l’iode a la particularité de se fixer sur la glande thyroïde. Au lieu d’être éliminé naturellement et relativement rapidement, l’iode va se fixer et la dose reçue par les personnes risque d’être plus importante. L’ingestion d’iode stable agit en saturant la glande thyroïde : l’éventuel iode radioactif qui est respiré ne se fixera pas sur l’organisme.
Quand faut-il en prendre ?
Cette saturation de l’organisme en iode a une durée limitée dans le temps. On considère qu’il faut prendre l’iode au plus près de l’exposition aux rejets radioactifs, pas plus de quelques heures avant, au plus tôt. De manière générale, comme il faut coordonner la prise d’iode avec l’exposition, ce sont les pouvoirs publics qui donnent l’ordre d’ingérer l’iode stable, en fonction des données dont ils disposent (et via des balises de contrôle de la qualité radiologique de l’air, NDLR). La dose de rejets radioactifs doit être suffisamment importante pour justifier cette prise d’iode. En France et dans beaucoup de pays européens, la mesure d’ingestion sera prise à partir de 50 mSv (millisievert) à la glande thyroïde. Pour que la mesure soit la plus efficace possible, il faut qu’elle soit prise au bon moment. Or le public ne peut pas savoir quel est le bon moment.
Et si la prise n’est pas faite au bon moment, quelles en sont les conséquences ?
Son efficacité décroît assez rapidement, après quelques heures. Mais ce qui est surtout embêtant, c’est de le prendre trop tard.
Le risque est-il le même pour tout le monde ?
Le risque de l’exposition à l’iode est clairement le plus important pour les jeunes (mineurs et jeunes adultes) et par extension pour les femmes enceintes. En France, il a été décidé d’élargir à l’ensemble de la population les mesures décidées pour les plus sensibles. Sur le plan opérationnel, on considère que dans ce type de situation d’urgence, il est extrêmement difficile de différencier les populations. Certains pays ont fait le choix de ne plus donner d’iode à partir de 40 ou 45 ans. En France, nous avons opté pour un dispositif protecteur et uniforme.
Pouvez-vous présenter le dispositif de distribution d’iode ?
Sur le territoire, il faut distinguer deux dispositifs. Le premier, spécifique, existe autour de chaque installation nucléaire susceptible de rejeter de l’iode. Dans toutes les zones concernées par les plans de secours, on considère que l’iode doit potentiellement être pris extrêmement rapidement et donc doit être prédistribué. Autour des centrales nucléaires françaises, la prédistribution à la population est effectuée sur un périmètre de 10 km. En 2009 et 2010, il y a eu une campagne de renouvellement des comprimés d’iode sur l’ensemble des sites d’EDF. Parallèlement, tous les habitants de la zone peuvent aussi aller en chercher à leur pharmacie. Le second dispositif a vocation à couvrir tout le reste du territoire national*. Ces stocks sont sous la responsabilité des pouvoirs publics. On considère qu’au-delà de 10 km, le moment à partir duquel on serait susceptible d’ingérer l’iode (estimé à plus de 24 heures) laisse le temps de distribuer les stocks. Mais si l’on a beaucoup de temps, la meilleure disposition reste l’évacuation. L’iode s’adresse avant tout à la population qui est mise à l’abri, l’objectif étant de se protéger du panache radioactif. Potentiellement, prendre de l’iode stable et rester dehors est absurde. Toutes ces mesures font partie d’une stratégie de gestion.
L’opinion publique doit obligatoirement faire confiance aux pouvoirs publics ?
Oui c’est une mission première des pouvoirs publics que de protéger les populations. Mais je rappelle qu’en France, compte tenu de la distance (par rapport à Fukushima, NDLR), on n’est pas susceptible aujourd’hui d’atteindre une dose qui nécessiterait l’ingestion de comprimés. Et pour les ressortissants français au Japon, on recommande de suivre les instructions des pouvoirs publics japonais.
* Le ministère de la Santé a indiqué que le gouvernement avait décidé d’envoyer des comprimés d’iode à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna, qui ne disposaient pas de réserves, contrairement à la métropole.
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