LA SECRÉTAIRE d’État chargée à la Santé, Nora Berra, est allée « prendre la tension » des soignants dans un centre médico-psychologique (CMP) lyonnais, le 6 mai. Ces derniers ont livré leur inquiétude face à un projet de loi qu’ils considérèrent comme « inapplicable ».
Quelques minutes avant l’arrivée de Nora Berra, l’ambiance était plutôt à la résignation parmi les soignants du CMP de la rue Sévigné. « En tant que thérapeutes, a expliqué le Dr Pascale Chevry, psychiatre dans ce centre, nous aidons les patients à traverser ce qui leur arrive, et cette nouvelle loi en fait partie ! » Ce CMP, comme 37 autres centres, est rattaché au centre hospitalier Le Vinatier, « qui dessert un peu moins de la moitié du département du Rhône, pour un budget forcément insuffisant de 150 millions d’euros », a immédiatement indiqué Hubert Meunier, directeur de cet établissement, histoire de planter le décor dès le début de la visite, qui s’est poursuivie par un échange avec une dizaine de soignants. Nora Berra a toutefois très habilement renvoyé ces sempiternelles questions de moyens au plan Psychiatrie et Santé mentale, « qui sera établi d’ici à l’automne », a-t-elle précisé, et devrait évoquer « toutes ces questions de financement ». Elle a toutefois tenu à indiquer que, en 2011, ces moyens « avaient augmenté de 2 % en psychiatrie dans un contexte pourtant contraint ».
Mais la secrétaire d’État était aussi venue à Lyon pour rappeler qu’en « faisant du terrain », elle prenait connaissance des expériences innovantes afin de défendre, devant les parlementaires, les options qui seront finalement prises dans ce plan Psychiatrie. Les soignants du CMP lyonnais ont donc saisi la balle au bond pour présenter une pratique simple et originale qu’ils ont imaginée pour justement faire face à l’insuffisance chronique des possibilités d’accueil en même temps qu’à l’augmentation des demandes de personnes en situation d’obligations de soins. Le dispositif, qui fonctionne depuis juin 2010, aurait fait ses preuves.
Inapplicable !
Le CMP, comme la plupart, travaille aujourd’hui à flux tendu ; il enregistre de 7 à 10 demandes par jour et prend en charge toutes sortes de pathologies, « des schizophrènes jusqu’à des personnes, comme vous et moi qui traversent une période difficile », a commenté un infirmier. Alors que la secrétaire d’État s’inquiétait de savoir s’il y avait beaucoup de patients perdus de vue ou qui « échappaient au traitement », l’aspect jugé « sécuritaire » du projet de loi est derechef venu sur le tapis. « L’observance en psychiatrie n’est pas différente de celle enregistrée en cardiologie ou en cancérologie », a rétorqué le Dr Jean-Pierre Salvarelli, président de la commission médicale d’établissement (CME) du Vinatier. À toutes fins utiles, il a précisé que les passages à l’acte violents étaient « plus importants dans la population dite normale que celle suivie en psychiatrie ».
C’est toutefois en fin de visite, autour du café, que l’échange est devenu le plus vif. Alors que les sénateurs ont adopté plusieurs amendements qui étendent notamment les prérogatives du juge et réduisent la durée de la période d’observation obligatoire lors de l’hospitalisation, le Pr Salvarelli a fait savoir que « ce projet de loi apparaissait inapplicable à tout le monde ». Le directeur du CH Le Vinatier lui a emboîté le pas : « Si les modalités de mise en œuvre se retournaient contre le patient, parce que les juges n’auront pas le temps de faire ce qu’on leur demande, ce serait vraiment inquiétant » a-t-il lâché. La réponse de la secrétaire d’État s’est sans doute voulu rassurante : « De toute façon, on évaluera », a-t-elle conclu.
Nora Berra à l’écoute du « terrain » à Lyon
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