Quand le documentariste Frédéric Chaudier a commencé à réfléchir à un film sur le sida, on lui a dit que ce n'était plus réellement un sujet en France. Quarante ans après le début de l'épidémie, et d'autant plus après le Covid, l'Occident a tendance à minimiser – ou même oublier – le problème du VIH. Et pourtant, on compte entre 34 et 44 millions de malades dans le monde, dont la moitié n'a pas accès aux traitements, des chiffres probablement sous-estimés. En Afrique du Sud, plus de 10 % de la population est touchée par le VIH et dans certaines régions ravagées par le chômage, on relève des pics épidémiques jusqu'à 70 %.
C'est par ce pays que commence le constat-appel à agir de Frédéric Chaudier. Pourquoi n'avons-nous pas éradiqué le sida, malgré des évolutions scientifiques exceptionnelles ? Mêlant les témoignages de personnalités (ministres, membres d'Onusida et autres organisations internationales, Bill Gates…) et surtout de personnes œuvrant sur le terrain, le film insiste sur le désengagement des États, mais aussi sur la stigmatisation des malades, à la fois conséquence et cause de graves problèmes sociaux. Un juge sud-africain témoigne de l'efficacité des traitements, qu'il prend depuis 1997. En 1992, il a été le premier blanc à déclarer son homosexualité et sa séropositivité, cela après la lapidation d'une femme noire dont le seul crime était d'être porteuse du virus. Et la stigmatisation continue, car la nouvelle génération ne sait pas grand-chose. Les malades ont honte, sont rejetés par leur famille, et de plus en plus de personnes sont contaminées.
En Russie, ce n'est pas mieux, voire pire, car s'il y a volonté d'éradiquer le virus, elle se manifeste par la tentative d'éradiquer les populations contaminées, homosexuels, drogués, prostituées… L'homosexualité est réprimée, la méthadone est interdite et la prévention écrite peut être assimilée à de la littérature pédophile. Là encore, cela dissuade les personnes concernées d'aller se faire dépister.
En Chine, l'un des plus gros problèmes vient de la politique de croissance menée dans les provinces sans ressource entre 1992 et 2005, encourageant le commerce du sang – avec 5 ou 6 prises de sang par mois, une famille pouvait doubler son revenu. Une population ensuite abandonnée en connaissance de cause par les responsables. Les traitements sont trop chers, le sida est présenté comme une maladie décadente, les homosexuels se cachent et sont souvent mariés…
Poursuivant son voyage, Thaïlande, Nigeria, États-Unis, Frédéric Chaudier fait de l'accès aux traitements une question centrale. Outre la volonté des États, manque parfois la coopération de l'industrie pharmaceutique à la baisse des prix, notamment ceux des traitements récents, nécessaires face aux résistances médicamenteuses. Aux États-Unis, Donald Trump a réduit les financements et Medicaid alors que les traitements coûtent de 1500 à 2000 dollars par mois.
Autant de raisons d'être pessimiste ? Quelques exemples, comme les programmes de logement des sans-abri à New York, sont encourageants. De même que les combats menés partout dans le monde par les activistes rencontrés par le cinéaste. Mais reste nécessaire une remobilisation globale, à laquelle le film devrait contribuer.
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