IL Y A UN MOIS et demi, l’affaire semblait close. Du moins pour une partie des protagonistes. Originaire du Kosovo, Ardy Vrenezi, 15 ans, polyhandicapé, était expulsé de Moselle, où il avait été pris en charge pour sa maladie. En France, un collectif s’était constitué, comptant notamment le Dr Isabelle Kieffer, pédiatre qui a soigné le garçon à l’IEM (Institut d’éducation motrice) de Freyming, scandalisée par l’expulsion. Le collectif n’a depuis de cesse de réclamer le retour du jeune handicapé sur le territoire français, persuadé que le traitement dont il a besoin n’est pas disponible au Kosovo. Une dizaine d’associations parmi lesquelles Amnesty international France, l’APF (Association des paralysés de France), la LDH (Ligue des droits de l’homme), le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), RESF (réseau éducation sans frontières) ont d’ailleurs manifesté le 14 juin devant le Parlement européen à Bruxelles.
Mardi, le CDH (Collectif des démocrates handicapés) a saisi le Conseil d’État d’une requête en contrôle de légalité de la procédure. Il considère que « le corps préfectoral de la Moselle a bafoué la Convention internationale des droits de l’enfant, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme du conseil de l’Europe ». Est aussi mise en avant la déclaration de Thomas Hammarberg, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil européen, qui, le 15 avril, s’est dit « préoccupé » par le fait que plusieurs gouvernements européens procèdent à des retours forcés de réfugiés vers le Kosovo. Mercredi, le collectif était reçu par le ministère des Affaires étrangères.
Deux médecins et une pharmacienne.
Le remue-ménage médiatique exprimant l’inquiétude du collectif a visiblement posé un cas de conscience au préfet de Lorraine, qui, comme pour en avoir le cœur net, a confié à l’ARS (agence régionale de santé) la diligence d’une mission d’information au Kosovo. Cette mission a été dirigée par le Dr Philippe Bourrier, conseiller médical de l’ARS de Lorraine, récemment en charge d’une unité pour états végétatifs ou états paucirelationnels au CH du Mans. Un autre médecin a fait partie du voyage du 2 juin : le Dr Francis Levy, médecin chef du SDIS (service départemental d’incendie et de secours) du Haut-Rhin ainsi qu’une pharmacienne. La mission a présenté son rapport dès son retour en France.
Les enquêteurs ont visité la clinique de pédiatrie et la clinique de neurologie du CHU de Pristina. Ils sont aussi allés à Malisheve (là où réside la famille Vrenezi, à 70 km de Pristina) dans le centre de soins primaires et une petite structure de rééducation, soutenue par une ONG, Handikos. Ils ont rencontré une quarantaine de personnes, dont des médecins, Ardy et sa famille.
Concernant l’état de santé de Ardy, il s’est d’abord manifestement dégradé. Mais cette évolution a « un rapport probable avec l’interruption de tout ou partie du traitement ». Du 12 au 17 mai, Ardy a en effet été hospitalisé à la suite d’un épisode aigu, « les pédiatres ayant constaté que le traitement n’était pas suivi ». Le rapport ne préjuge pas du motif du non-traitement mais, en filigrane, les parents sont mis en cause. Au 2 juin, Ardy « n’est pas dans le coma, ses paramètres vitaux sont stables », indique le rapport.
Quant à la disponibilité des médicaments sur place, deuxième question à laquelle la délégation s’employait à répondre, le traitement habituel est appliqué, sauf un qui est prescrit, mais non administré car non disponible dans l’unité de soins. Deux des 4 médicaments figurent sur la liste essentielle de l’OMS. Ils sont donc gratuits. La mission s’est livrée à une recherche aléatoire du reste du traitement dans 6 pharmacies. « La détention de ces produits est très variable d’un endroit à l’autre », admet-elle. Le coût de ce traitement s’élèverait à 300 euros par mois et pourrait être couvert pour un tiers par l’allocation spécifique d’aide aux handicapés. Mais, s’étonnent les rapporteurs, la famille Vrenezi n’aurait toujours pas demandé l’allocation. Le gouvernement kosovar aurait par ailleurs assuré qu’une aide exceptionnelle pourrait être apportée dès lors que la famille aurait entrepris la démarche. Mais elle n’en aurait mené « aucune » auprès des autorités sanitaires et sociales, ni même constitué un dossier pour une demande de traitement à l’extérieur du Kosovo, cette demande étant conditionnée par un engagement de retour au pays.
Dégâts collatéraux.
Cette affaire provoque des dégâts collatéraux, estime pour sa part le Dr Levy. D’abord, « elle met en accusation les médecins inspecteurs de la santé. Ces praticiens, parmi les moins bien payés des médecins, se penchent tous les jours sur des cas similaires et sont amenés avec les médecins agréés de l’administration à donner des avis sur des milliers de demandes de séjours en France pour raison sanitaire. C’est une tâche difficile aux implications lourdes qu’ils réalisent avec conscience et cœur. Les jeter ainsi à l’opprobre public comme des factotums aux ordres du pouvoir est indigne ». En deuxième lieu, « elle malmène considérablement le secret médical avec l’étalage par certains de diagnostics et certificats médicaux confidentiels sur les blogs ». Le médecin s’étonne même du silence de l’Ordre des médecins à ce sujet. Enfin, regrette-t-il, « elle blesse profondément les médecins du Kosovo qui exercent avec compétence et dont le plus grand nombre est formé dans nos pays européens pour leur spécialité ».
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