Si la crise sanitaire a eu peu de conséquences pour les patients infectés par le VIH déjà suivis, elle a fortement entravé le déploiement de la prévention, en particulier celui du dépistage et de la prophylaxie pré-exposition (PrEP), met en lumière un rapport d'information réalisé par le groupe « Indicateurs » de l’Action coordonnée 47 (AC47) de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS). Adressé fin août au ministère de la Santé, il a été rendu public ce 20 septembre.
Fléchissement des sérologies VIH
Le rapport confirme les premières tendances déjà dégagées à l'automne 2020, en intégrant des données allant jusqu'au printemps 2021. Le dépistage a souffert de la crise liée au Covid-19 : par rapport aux sérologies VIH attendues entre mars 2020 et avril 2021, les chercheurs observent un déficit de 16 %.
En outre, les ventes d'autotests en officine ont fléchi de 22 % en 2020. Une tendance qui se ressent aussi dans les CeGIDD avec des baisses d'activité de l'ordre d'un tiers en Île-de-France ou sur le territoire du COREVIH Paca-Est (Alpes-Maritimes et une partie du Var) et une diminution de 32 à 35 % des sérologies VIH.
« La crise sanitaire a eu un impact négatif global sur le dépistage du VIH, que ce soit dans les populations à risque ou dans la population générale. Nous craignons d’assister à une augmentation de personnes prises en charge tardivement », commente Dominique Costagliola, directrice de recherche émérite à l’Inserm et présidente de l’AC47. De fait, les nouvelles initiations de traitement ont baissé de près de 20 % entre mars 2020 et avril 2021.
Coup de frein pour la PrEP
Alors que la délivrance de la PrEP avait augmenté en 2019 et début 2020, les auteurs observent un déficit par rapport aux chiffres attendus de 17 % pour la période de mars 2020 à avril 2021 (avec un effondrement très marqué lors du premier confinement, de - 52 %).
« On sait aujourd’hui que la PrEP est bien tolérée et efficace pour prévenir les nouvelles infections par le VIH. Avant la crise, on envisageait son déploiement auprès de nouveaux profils de personnes [la PrEP est à 97 % prescrite aux hommes, principalement HSH, NDLR]. Aujourd’hui, on se retrouve un pas en arrière », déplore Dominique Costagliola.
Ce fléchissement du recours à la PrEP concerne les initiations comme les renouvellements (dans les hôpitaux parisiens, le nombre d'initiations a baissé de 30 à 36 %, par exemple). Il s'explique en partie par la réduction de l'activité sexuelle, mais seulement pendant le premier confinement et laisse craindre, selon les auteurs, « une baisse de la protection à suivre attentivement ».
L'objectif d'un arrêt de la transmission d'ici à 2030 en suspens
Seul point positif : la crise n'a « quasiment pas eu d’impact mesurable avec les indicateurs disponibles sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) déjà suivies », rapporte Dominique Costagliola. En 2020 et 2021, les délivrances de traitements antirétroviraux ont même légèrement augmenté. Les téléconsultations et les prescriptions par e-mails semblent avoir compensé les fermetures des services de consultations lors du premier confinement.
Selon la chercheuse, l’objectif de l’arrêt de la transmission du VIH reste atteignable d’ici à 2030 selon la façon dont les acteur.trice.s du VIH réagissent. Depuis le 1er juin, les généralistes peuvent initier une PrEP, ce qui laisse espérer la possibilité de rattraper le retard. Mais elle souligne l'importance de relancer les campagnes d'aller vers, notamment à l'égard des populations les plus vulnérables, les migrant.e.s ou les travailleur.euse.s du sexe. « Il faut aussi redoubler nos efforts de dépistage avec, par exemple, la généralisation d’initiatives comme "Au labo sans ordo" », conclut Dominique Costagliola.
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