Au cours de sa vie, une femme sur cinq est confrontée à des violences au sein de son couple. Comment faire en sorte que les médecins s'approprient cette question dans leur pratique quotidienne ? La Haute Autorité de santé (HAS) met dès aujourd’hui à leur disposition des outils simples et pratiques pour les aider à repérer les victimes au sein de leur patientèle.
Les médecins « sont encore peu formés pour repérer ces violences et désarmés pour prendre en charge les femmes… Alors qu'ils sont leurs premiers interlocuteurs », explique la présidente de la HAS, la Pr Dominique Le Guludec. De fait, parmi la petite majorité de victimes qui parlent de leur situation, 30 % consultent un psychiatre ou un psychologue et 27 % un médecin, avant les services sociaux (21 %), les commissariats ou les associations, selon l'observatoire national des violences faites aux femmes.
« Comment vous sentez-vous à la maison ? »
« Chaque mot [des recommandations] a été pesé pour interpeller le médecin tout en le rassurant et en lui laissant sa liberté dans l'abord de la patiente », salue la Pr Ghada Hatem, gynécologue-obstétricienne, fondatrice de la Maison des femmes à Saint-Denis et membre du groupe de travail de la HAS.
À la lumière de la littérature internationale, la HAS préconise d'introduire la question des violences dans l'interrogatoire. L'exercice est délicat, reconnaît la Pr Le Guludec. « Mais cela s'apprend, comme l'annonce d'une maladie ou d'un mauvais pronostic : nous donnons les outils pour que cela rentre dans la pratique quotidienne », avance-t-elle. Les recommandations proposent donc des phrases « adaptées au contexte », telles que « comment vous sentez-vous à la maison ? » ou « vous est-il déjà arrivé d’avoir peur de votre partenaire ? »
Pour nombre de médecins, « L'objection clé est "on n'a pas le temps", explique le Pr Pierre-Louis Druais, vice-président de la Commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs à la HAS et médecin généraliste sensibilisé de longue date à la question par son épouse criminologue et victimologue. Pourtant, face à une urgence médicale, le médecin ne se pose pas la question d'avoir le temps ou pas, il s'en occupe et gère la situation. C'est la même chose pour les violences faites aux femmes. Les médecins doivent savoir qu'ils ne sont pas tout seuls. Dans l'émotionnel, il faut savoir se raccrocher à des supports simples pour orienter les femmes, tels que la fiche de la HAS et le site declicviolence ».
La peur, moins avouable que l'argument du temps, incite aussi parfois à fermer les yeux. « Mes confrères me disent : "Cela fout la trouille !", observe le médecin qui est également vice-président de la Commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs à la HAS. Les peurs sont multiples : le sentiment d'intrusion dans la vie privée, la peur d'offenser, voire de perdre le contact, la crainte de se faire manipuler...».
Se constituer un carnet d'adresse
Concernant la difficulté que ressent le médecin après un aveu, la HAS recommande qu'il se constitue au préalable un réseau. « La prise en charge d'une victime de violences ne se fait pas seul : les médecins doivent avoir, "prêt à l'emploi", un carnet d'adresses déjà constitué, avec les partenaires sanitaires, judiciaires, associatifs », conseille la présidente de la HAS.
Au-delà des cabinets, la HAS espère que ces recommandations et fiches serviront de support à la formation initiale et continue des médecins, afin que le repérage des violences au sein du couple fasse partie de la routine de l'exercice médical.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce