L’Agence européenne du médicament (EMA) a annoncé ce week-end avoir lancé une réévaluation du rapport bénéfice/risque des corticoïdes inhalés prescrits pour traiter la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Cette réévaluation a été demandée par la Commission européenne, inquiète d’un possible risque accru de pneumonie chez les patients BPCO bénéficiant de ce traitement au long court.
Le principal argument de l’EMA est la publication, en 2007, des résultats de l’étude TORCH, montrant l’absence de bénéfice d’un traitement combinant 50 µg de salmétérol et 500 µg de propionate de fluticasone chaque jour, par rapport à une monothérapie ou à un placebo. Selon cette étude, menée sur plus de 6 000 patients traités pendant 3 ans, le taux de pneumonie était significativement augmenté dans le groupe bithérapie (19,6 %) et dans le groupe sous fluticasone seul (18,3 %), comparé au groupe placebo (12,3 %).
Les études s’accumulent
Pour le Pr Housset, chef du service de pneumologie du CHU de Créteil, cette étude n’est pas la seule à remettre en cause l’intérêt de la corticothérapie inhalée. « L’étude INSPIRE de 2008 montre également une absence de différence d’efficacité entre l’association salmétérol/propionate de fluticasone et le trotiopium (anticholinergique), en terme d’exacerbations d’asthme. On observait également une augmentation de la fréquence des pneumonies chez les patients sous corticothérapie inhalée », explique-t-il.
Ces deux études n’étaient cependant pas suffisantes pour prouver le risque de pneumonie car elles n’utilisaient pas la radiographie pour objectiver la pathologie. En 2013, le Dr Mark Dransfield, de l’université de l’Alabama et ses collègues ont également trouvé un surrisque de pneumonie chez les patients traités par corticoïdes inhalés, comparés à ceux traités par bêta-2 agonistes, mais en s’appuyant cette fois sur la radiologie. Plus récemment, un article du « New England Journal of Medicine », rédigé par Helgo Magnussen, de l’Institut de recherche pulmonaire de la clinique de Grosshansdor, en Allemagne, montrait que l’arrêt du traitement aux corticoïdes inhalé n’augmentait pas le risque d’exacerbations.
Les restrictions de l’AMM non respectées
« Nous disposons maintenant d’un certain nombre d’arguments qui laissent penser que l’efficacité des corticoïdes inhalés n’est pas bouleversante, avec un risque de pneumonie qui s’ajoute aux effets secondaires déjà connus, sur l’œil et la cataracte, résume le Pr Housset, il est donc nécessaire que l’on réévalue les choses. Il faudrait au minimum respecter les restrictions des AMM, ce qui n’est pas toujours le cas ».
La corticothérapie inhalée est en effet censée être réservée aux patients ayant les exacerbations les plus grave, après échec de la bronchodilatation et à condition que le volume expiratoire maximal/seconde (VEMS) se situe en dessous d’un certain seuil : 50 % pour la plupart des corticoïdes inhalés, 70 % pour l’association récente de vilanterol et de furoate de fluticasone (Relvar Ellipta, GSK). En dehors de ces indications, les alternatives sont les bronchodilatateurs à très longue durée d’action : les bêta-2-mimétiques et les anticholinergiques.
Le Pr Housset reconnaît toutefois que la question reste très débattue au sein de la communauté des pneumologues, car une interrogation majeure demeure : quel mécanisme lie la corticothérapie inhalée et le surrisque de pneumonie ? La société de pneumologie de langue française (SPLF) travaille en ce moment à la rédaction de nouvelles recommandations sur la prise en charge de la BPCO. Leur publication est prévue pour la rentrée 2015.
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