L’inquiétude est de plus en plus palpable chez les médecins spécialistes en anatomie et cytologie pathologiques (ACP). Plusieurs groupes financiers – dont des fonds de pension, d’investissement ou groupement de laboratoires de biologie – lorgnent les cabinets médicaux afin d’agréger les deux compétences, celles des anapaths et des biologistes médicaux.
Face à ce mouvement jugé très préoccupant, le SMPF a décidé de porter plainte contre X auprès du procureur de la République afin de dénoncer les pratiques de ces groupes. « En 2012, seulement 5 % de l’activité ACP était réalisée dans les laboratoires de biologie regroupés ou sociétés appartenant à des fonds d’investissement, un chiffre qui a bondi à 20 % en 2015 », confie au « Quotidien » le Dr Frédéric Staroz, président du SMPF. Actuellement, la France compte moins de 300 structures libérales d’ACP. Environ 30 % des cabinets d’anapaths auraient été approchés courant 2015 par des financiers, estime le Dr Staroz. « Nous sommes dans une situation démographique compliquée, des médecins anapaths partent à la retraite mais ne trouvent pas de successeurs, ils se voient offrir une somme importante », souligne-t-il, amer.
Le risque principal de ces rachats de cabinets d’ACP est la perte d’indépendance des médecins pathologistes et la remise en cause de leur cœur de métier – le diagnostic médical des cancers sur biopsies ou autres prélèvements de tissus – à la jonction de la clinique et de la biologie.
À cet égard, un rapport de la DGOS (ministère de la Santé) publié en 2012 préconisait que l’exercice en cabinet médical se maintienne pour l’ACP et qu’elle reste distincte de la biologie. Mais aucune loi n’a empêché le rachat de cabinets par des groupes financiers. Or, « la biologie est devenue de plus en plus industrielle alors qu’en ACP, le diagnostic dépend pleinement de l’expertise médicale », relève le Dr Staroz, rappelant que 95 % des diagnostics de cancer sont réalisés par les anapaths.
L’Ordre alerté aussi
Si le mouvement de rachat se poursuit, l’exercice même de la spécialité sera fragilisé, insiste le SMPF. Les anapaths libéraux ne pourront plus choisir le laboratoire avec lequel ils souhaitent travailler. Le médecin perdra sa qualité libérale au profit d’un statut « pseudo-salarié ». De leur côté, les centres hospitaliers pourraient se tourner vers ces groupes financiers pour sous-traiter à la fois leurs examens de biologie et d’ACP à des prix défiant ceux des cabinets libéraux.
Face à ces menaces, le SMPF a alerté l’Ordre, qui n’aurait pas été à la hauteur. « Ils n’agissent pas, pourtant cela pose un problème déontologique », déplore le président. Les directions concernées du ministère (DGOS, DGS) ont été prévenues mais aucune action concrète n’a été programmée. Le temps presse. « Ce mouvement de rachat est rapide, prévient le Dr Staroz. Nous devons nous concerter avec les professionnels, l’assurance-maladie et les pouvoirs publics afin de trouver un vrai statut juridique à la spécialité, en dehors de celle de la biologie médicale ».
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