Plus de 3 500 personnes, dont de très nombreux médecins et professionnels de santé, soutiennent, par le biais d’une pétition, la sage-femme Catherine Coq, qui devrait comparaître prochainement devant la chambre nationale de seconde instance du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes ; elle est accusée de « violation du secret médical et non-respect du code de déontologie » pour avoir rédigé un certificat dans le cadre de violences conjugales.
L’affaire commence en novembre 2010 : la sage-femme Catherine Coq, de garde, accueille Valérie aux urgences de la maternité des Bluets. La patiente, enceinte de son troisième enfant, déclare venir à la suite d’une dispute conjugale. L’équipe médicale estime que son état justifie une hospitalisation pour repos ; une information auprès de la protection maternelle et infantile est faite, et un suivi pluridisciplinaire destiné aux femmes vulnérables est mis en place.
Deux ans plus tard, Valérie engage une procédure de divorce et porte plainte pour coups et blessures. Elle demande à Catherine Coq de rédiger une attestation. La sage-femme s’exécute en prenant toutes les précautions nécessaires et en prévenant par courrier recommandé l’instance ordinale aux niveaux national et départemental du risque à venir de procédure. Elle remet l’attestation en main propre à la patiente.
Le mari porte plainte auprès de l’Ordre départemental des sages-femmes pour violation du secret médical et non-respect du code de déontologie. Une médiation est mise en place en 2014 mais échoue.
La procédure disciplinaire démarre. En janvier 2015, Catherine Coq est convoquée devant la chambre disciplinaire de première instance du conseil inter-régional. La plainte est rejetée, le plaignant est condamné à verser 1 500 euros pour les frais d’avocat. Mais l’ancien mari fait appel. La sage-femme attend la date de sa comparution devant la chambre nationale du Conseil national de l’Ordre.
Quelle protection pour les professionnels de santé ?
L’affaire provoque l’indignation au sein du monde de la santé. « Si l’on veut véritablement lutter contre les violences, prendre en charge et accompagner les victimes, il faut aider et protéger les professionnels, et non maintenir les obstacles en permettant à la partie adverse de déposer plainte », réagit auprès du « Quotidien » le Dr Gilles Lazimi, médecin généraliste engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, et signataire de la pétition.
« Entre 30 à 40 % des violences conjugales commencent lors de la grossesse. Les sages-femmes sont souvent confrontées à ces situations. Il faut que les professionnels de santé puissent dépister et signaler les violences sans aucune crainte et ne surtout pas laisser croire que les agresseurs peuvent les attaquer devant leur Ordre, surtout lorsque les certificats sont rédigés en bonne et due forme, comme c’est le cas ici », insiste le Dr Muriel Prudhomme, gynécologue, ancienne directrice de la maternité des Bluets, qui soutient également Catherine Coq. « Il aurait fallu que l’Ordre des sages-femmes s’estime incompétent pour juger cette affaire », explique le Dr Prudhomme au « Quotidien ».
Sans compter que la peur de la judiciarisation contribue à freiner les signalements ou certificats de la part des professionnels médicaux.
Vers une évolution de la législation
Contacté, l’Ordre des sages-femmes rappelle son engagement auprès de la mission interministérielle pour la protection des femmes (MIPROF) et plus largement dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
L’Ordre publie d’ailleurs sur son site internet un modèle de certificat médical pour constater les signes révélateurs de violences. « Nous souhaitons que la responsabilité des sages-femmes ne soit pas engagée sur le plan pénal, civil ou disciplinaire », affirme sa présidente Marie-José Keller dans « le Figaro ».
L’Ordre des sages-femmes souhaite faire évoluer la loi, via un amendement au projet de loi de santé qui devrait être présenté à l’occasion de son passage devant le Sénat, pour mieux protéger tous les professionnels de santé.
L’article 226-14 du code pénal ne prévoit l’absence de sanction disciplinaire (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende) que lorsque la révélation du secret médical est autorisée ou imposée par la loi, notamment en cas d’atteintes sur mineurs. Mais il y a ambiguïté quant à l’interprétation des autres conditions ouvrant des dérogations.
Coline Garré
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