Les 22 auteurs principaux, dont 11 sociétés savantes nord-américaines, ont travaillé environ 3 ans, publié simultanément plusieurs textes et présenté ces nouvelles recommandations dans une session spéciale de plus de deux heures. Tout cela pour établir que l’hypertension artérielle et sa prise en charge spécifique devaient maintenant commencer dès que la pression artérielle systolique (PAS) était supérieure à 130 mm Hg et/ou que la pression artérielle diastolique (PAD) était supérieure à 80 mm Hg et ce, y compris chez les patients âgés de plus de 65 ans.
130/80 mm Hg : quelles implications ?
Avec l'abaissement de ce seuil de prise en charge de l’hypertension artérielle à 130/80 mm Hg aux États-Unis, c’est 47 % de la population adulte qui est dorénavant hypertendue. Mais, les auteurs précisent que si le nombre d’hypertendus augmente, tous ces nouveaux hypertendus ne devront pas être traités par des médicaments. Seuls ceux dont le risque cardiovasculaire est élevé devront l’être rapidement, soit 1,9 % de la population ou 4,2 millions de personnes de plus par rapport à la population qui justifiait un traitement dans les recommandations précédentes du JNC-7.
Et les autres, les hypertendus ne justifiant pas de traitement ? Pour les auteurs, leur prise en charge doit essentiellement être hygiénodiététique, en ne réservant le traitement pharmacologique qu’en cas d’échec d’une telle prise en charge.
Ainsi, aux patients ne justifiant pas d’emblée d’un traitement pharmacologique, il faudra proposer d’arrêter de fumer, de perdre du poids, de faire du sport, de diminuer leur consommation d’alcool, d’avoir une alimentation du type DASH (riche en fruits et légumes, graines, potassium, faible en graisse, ...).
Est-ce bien raisonnable ?
Les auteurs de ces recommandations ont justifié leur décision à travers les études en faveur de l’abaissement du seuil tensionnel, sans jamais évoquer ou montrer que plusieurs données sont en faveur de l’existence d’une courbe en J dans la relation entre chiffres tensionnels sous traitement et pronostic, notamment chez les coronariens. Or, dans ces recommandations, les coronariens font partie des patients à haut risque qu’il faut traiter d’emblée par des moyens pharmacologiques.
Ensuite, ils ont reconnu que la proposition de diminuer à 80 mm Hg la valeur de la PAD définissant l’hypertension artérielle ne repose que sur des arguments de très faible niveau de preuves.
De plus, il s’agit du premier texte abaissant à un niveau aussi bas les seuils définissant l’hypertension artérielle, alors que depuis 4 ans, certaines recommandations, partant de l’analyse de données similaires, avaient plutôt tendance à augmenter ces seuils, notamment à 150 mm Hg de PAS chez le sujet âgé.
Enfin, si l’utilité de cette nouvelle stratégie est de rappeler et mettre en avant les mesures hygiénodiététiques, force est aussi de reconnaître que, d’une part, du fait de leurs faibles portées et efficacité en pratique (patients non observants, médecins peu motivés…) et que, d’autre part, du fait du poids médicolégal des recommandations aux États-Unis, il est probable que le traitement pharmacologique sera proposé à bien plus que 4,2 millions de patients supplémentaires.
Cardiologue, Clinique Villette (Dunkerque)
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