« Aventurisme », « menace professionnelle », « danger pour les femmes »… Sur le site du « Quotidien », dans les propos des médecins de terrain comme dans les communiqués de leurs syndicats, le ton se durcit immanquablement, dès que l’on évoque les revendications statutaires et professionnelles des sages-femmes depuis plus de trois mois de conflit.
À l’heure où les parlementaires autorisent l’expérimentation des maisons de naissance, où Marisol Touraine appelle à la « révolution du premier recours », nombre de médecins voient d’un mauvais œil la montée en puissance médiatique des sages-femmes. Depuis une dizaine de jours, des praticiens refusent de délivrer leur cours de pathologie obstétrique aux sages-femmes de l’école de Rouen. En ligne, près de 900 médecins ont signé la pétition de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM) pour la « sauvegarde de la santé de la femme ». Une attitude « corporatiste » et « antidéontologique », ontrétorqué les sages-femmes.
Compétence médicale, formation, qualifications...
La question divise : à l’hôpital, faut-il revaloriser les sages-femmes au sein de la fonction publique ou leur accorder ce fameux statut de PH, sur le modèle des médecins, qui soulève mille questions ? Leur collectif de défense milite clairement pour la sortie de la fonction publique hospitalière et l’obtention du statut de PH. Beaucoup de sages-femmes expliquent que le fait d’évoluer dans un cadre d’emploi similaire à celui des paramédicaux aboutit à déconsidérer leurs compétences médicales. Certains chefs de service n’hésitent pas à leur bloquer l’accès à la pratique de l’échographie et aux consultations de suivi de la grossesse à bas risque, témoignent-elles.
Les cinq intersyndicats de PH (Avenir hospitalier, CMH, CPH, INPH, SNAM-HP) ne contestent pas le « déficit global » de reconnaissance des sages-femmes, leurs rémunérations insuffisantes au regard de celles des infirmières spécialisées, la définition ambiguë de leurs tâches, le manque de place dans la gouvernance hospitalière... Mais dans ce climat d’effervescence ils ont exigé d’être associés aux discussions pour cadrer ce débat sensible ! Tous ont fait part à Marisol Touraine de leur opposition au scénario qui conduirait les sages-femmes au statut de PH. Raison invoquée : la sortie de la fonction publique ne serait pas un cadeau pour cette profession. « Vous croyez que beaucoup de sages-femmes veulent travailler dix ans de plus, 48 heures hebdomadaires au lieu de 35 heures, avec une retraite dramatique en prime ? », résume le Dr Pascale le Pors, gynécologue-obstétricien et vice-présidente d’Avenir hospitalier, qui dénonce le manque de sérieux du collectif de grévistes. Une autre raison explique aussi les réticences médicales : le risque de banalisation du statut de PH.
Coup fatal
Corollaire du statut, le champ de compétence est une autre bataille. Les sages-femmes souhaitent mieux se positionner sur le premier recours et le suivi gynécologique, par exemple en rendant systématique la consultation de gynécologie préventive pour les adolescentes. L’offensive provoque cette fois des remous en ville, où certains praticiens redoutent un glissement des prérogatives des sages-femmes et, in fine, un coup fatal à la gynécologie libérale. L’argument de la sécurité est souvent avancé. Le Dr Élisabeth Paganelli, secrétaire générale du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (SYNGOF), insiste : « Il faut des connaissances médicales pour détecter un frottis à caractère suspect, comprendre le sérieux d’une douleur dans le péritoine et réadresser au bon spécialiste ».
Sur tous ces sujets, un consensus sera trouvé, veut croire l’entourage de Marisol Touraine, à moins de deux mois des municipales. Les travaux sur le premier recours continuent. Sous l’égide du « médiateur » Édouard Couty, une septième réunion est prévue jeudi sur le statut des sages-femmes à l’hôpital. Les médecins seront présents, à la demande expresse de la ministre...
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