TOUCHANT QUELQUE 500 000 français, l’épilepsie est fréquente. Mais ce n’est pas une raison pour en faire le diagnostic par excès, comme c’est trop souvent le cas : « les erreurs diagnostiques sont évaluées entre 19 et 26% selon les études, a rappelé le Dr Pierre Thomas. C’est pourquoi les données cliniques doivent être confrontées à celles de la neuroradiologie (IRM) et de la neurophysiologie (EEG) ». Avis partagé par le Dr Hammers qui estime pour sa part que « ces examens sont de toute façon particulièrement intéressants dans la recherche d’une étiologie, en particulier dans les épilepsies focales du grand enfant et de l’adulte ».
Epilepsie débutante.
Pour le Dr Sophie Dupont, « toute la difficulté est de faire la différence entre une première crise marquant l’entrée dans une épilepsie débutante et une première crise symptomatique d’un autre problème : sevrage alcoolique, prise de cocaïne, sevrage aux benzodiazépines, prise de médicaments connus pour abaisser le seuil épileptogène - comme certains neuroleptiques - crise métabolique rapidement installée, crise post AVC ou trauma crânien sévère… » Pour cela l’interrogatoire, minutieux, est irremplaçable et aucun examen complémentaire ne fait mieux. Même lorsque l’on croit avoir affaire à une première crise, il est important de rechercher des antécédents d’absence dans l’enfance ou d’autres évènements qui pourraient laisser croire qu’il s’agit d’une « fausse première crise » : une situation finalement plus fréquente qu’il n’y paraît, puisque l’interrogatoire permettrait ainsi de repérer une ou plusieurs autres crises probables, dans un tiers des cas!
Si la clinique reste incontournable pour faire le diagnostic, la biologie ainsi que l’EEG – pratiqué si possible dans les 24h suivant la crise - et l’IRM, permettent de classifier l’épilepsie et de rechercher une éventuelle lésion. « Sur les EEG de routine, seuls 1 à 2 % des patients non épileptiques présentent des anomalies comparables à celles rencontrées dans l’épilepsie », a convenu le Dr Thomas. La confrontation des données de la clinique, de la neuroradiologie et de la neurophysiologie prend donc ici tout son intérêt.
Cela est d’autant plus important que la prise en charge du patient est très différente, selon que l’on attribue sa première crise à un contexte favorable ou à l’entrée dans une épilepsie. En effet, pour le Dr Dupont, « lorsqu’il s’agit d’une crise symptomatique, la correction du trouble en cause est suffisante dans la plupart des cas (exception faite, parfois de l’épilepsie alcoolique) et il n’est alors pas nécessaire de traiter par antiépileptique ». Mais en cas d’entrée dans une épilepsie, la question de traiter, ou non, se pose et le choix de la molécule dépend alors du type de crise, de l’existence de facteurs de récidive et des risques encourus par le patient du fait de sa profession par exemple, s’il venait à faire une nouvelle crise…
Epilepsie pharmaco résistante.
Toutes causes confondues, les deux tiers des malades épileptiques répondent bien aux médicaments. Restent un tiers d’épileptiques chez qui la vingtaine de médicaments antiépileptiques existants n’empêche pas les crises. Puisqu’après deux échecs, les chances de trouver un traitement adéquat tombent à 1 %, « une épilepsie est aujourd’hui considérée comme pharmaco résistante après échec de l’essai thérapeutique adapté de deux médicaments antiépileptiques bien tolérés et appropriés, qu’ils soient en monothérapie ou en association » a rappelé le Dr Philippe Kahane. Toute épilepsie considérée comme pharmaco résistante devrait bénéficier d’une évaluation spécialisée. « Il faut en effet vérifier que les crises persistant en dépit du traitement, sont bel et bien de nature épileptique, que le patient prend correctement son traitement, qu’il n’existe pas par ailleurs de prescription médicamenteuse aggravante, ou encore de pathologie associée potentiellement délétère pour l’épilepsie ».
En cas d’épilepsies partielles réfractaires aux traitements, les seules susceptibles de relever de la chirurgie, la neuro-imagerie a évidemment toute sa place, car il faut s’assurer que les crises épileptiques partent toutes d’un unique foyer et repérer très précisément la zone à retirer. Cela demande un bilan minutieux, qui peut prendre des mois et fait appel à d’autres examens, qui nécessitent une infrastructure et une expertise très importantes. Parmi ces examens réalisés, le « stéréo EEG » consiste à implanter des électrodes dans le cerveau, au niveau et autour de la zone suspecte, puis à enregistrer pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines l’activité électrique dans le service d’épileptologie. L’analyse de ces enregistrements permet alors de savoir, au millimètre près, quelles sont les zones à retirer, sans en oublier aucune, sous peine d’échec. Les sites experts capables de réaliser un tel examen sont en nombre limités : une dizaine pour les adultes, beaucoup moins pour les enfants …
D’après les communications orales des Dr Sophie Dupont (Paris), Pierre Thomas (Nice), Alexander Hammers (Lyon) et Philippe Kahane (Grenoble).
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