Le 12 mars, j'écrivais dans « Le Quotidien du médecin » qu'il fallait tout faire pour «éviter une épidémie de peur», toujours mauvaise conseillère. La pandémie de coronavirus Covid-19 a bouleversé la vie des habitants de notre terre. Nous avons bon espoir de vaincre ce virus avec la vaccination. Mais c'est bien de comprendre la cause de cette infection virale, pour éviter de nouvelles pandémies : mieux prévenir que de ne pas guérir.
L'actuelle pandémie est la sixième qui frappe l'humanité depuis la grippe espagnole de 1918. Mais la fréquence et la gravité de ces épidémies mondiales pourraient bien s'accélérer dans l'avenir, en raison de notre mode de vie et des capacités adaptatives des virus. Il n'y a pas de grand mystère sur la cause de ces pandémies. Les changements dans la manière dont nous utilisons les terres, l'expansion et l'intensification de l'agriculture, ainsi que le commerce, la production et la consommation non durables perturbent la nature et augmentent les contacts entre la faune sauvage, le bétail, les agents pathogènes et les êtres humains.
La plupart des nouvelles pandémies virales naissent de zoonoses, c'est-à-dire de la transmission d'agents pathogènes des animaux aux humains. On estime à 1,7 million le nombre de virus non découverts actuellement présents dans les mammifères et les oiseaux, dont 827 000 pourraient avoir la capacité d'infecter les êtres humains. Heureusement, tous n'y arriveront pas. Pour provoquer une pandémie, le virus doit franchir deux barrières d'espèces : il doit acquérir la capacité à infecter une cellule humaine, puis ensuite à s'y répliquer efficacement. Ce qui n'est pas évident, car la « machinerie cellulaire » chez l'Homme et l'animal est bien différente. Actuellement, les virus aviaires, responsables de milliers de morts, n'ont pas encore franchi la deuxième barrière où la transmission humaine est possible.
Mais, ce n'est qu'une question de temps. Le virus du sida (HIV) provient d’un virus de chimpanzé qui a mis des centaines d'années à franchir la barrière. Il a fait des dizaines de tentatives avant de parvenir à muter suffisamment. Et le Sida a bien donné une pandémie mondiale.
Origine des principales maladies infectieuses
La plus grande proximité avec les animaux augmente considérablement le risque de pandémie. Les élevages intensifs, en particulier, sont une véritable bombe à retardement, Pour ces animaux, c’est l’enfer sur Terre ! Des milliers d'animaux avec une grande homogénéité génétique, entassés dans un même endroit : ce sont les conditions idéales pour que le virus se développe et opère les mutations nécessaires pour s'adapter à l'Homme. On voit d'ailleurs à quel point les zoonoses peuvent causer des dégâts dans les élevages. En 2019, la peste porcine a décimé un quart des cochons de la planète, les foudroyant en quelques jours. Si le virus parvenait à franchir la barrière d'espèce, ce serait la catastrophe.
Selon les statistiques, trois nouvelles maladies infectieuses sur quatre nous viennent du monde animal. Dernier cas en date, la Covid-19 prouve qu'au fil du temps, nous avons façonné le monde pour favoriser la transmission d'agents pathogènes de l'animal à l'Homme.
La pandémie de Covid-19 déclenchée par un coronavirus d’origine animale a attiré l'attention sur la menace des maladies dites zoonotiques qui peuvent se transmettre entre les Hommes et les animaux. Depuis quelques décennies en effet, forêts, prairies ou même déserts disparaissent sous la pression des activités humaines.
Les animaux d'élevage portent huit fois plus de virus zoonotiques que les animaux sauvages. Comme les animaux domestiques, ils partagent le plus de virus avec l'humanité et portent huit fois plus de virus zoonotiques que les mammifères sauvages. L'Homme entretient des relations proches avec ces espèces depuis très longtemps.
Les animaux sauvages, mais qui se sont adaptés à l'humain, abritent également des virus zoonotiques. Si les Hommes entretiennent moins de contact direct avec ces espèces, elles peuvent tout de même être à l'origine de zoonoses. Ces espèces incluent certains rongeurs, les singes, qui dans certaines régions prospèrent en ville, et la chauve-souris qui vit parfois dans les greniers. Comme cette dernière, le rat est connu pour porter des agents pathogènes transmissibles aux Hommes. Et il prolifère dans les zones où les activités humaines ont fait reculer la nature sauvage.
Enfin, parmi les animaux sauvages, ce sont ceux qui sont en danger d'extinction qui sont les plus prédisposés à abriter des virus zoonotiques. Les espèces qui sont chassées, braconnées ou menacées par la destruction de leur habitat hébergent deux fois plus de virus zoonotiques que celles menacées par des facteurs indépendants de l'activité humaine. La destruction des habitats naturels favorise l'émergence de nouvelles épidémies comme le Covid-19.
Les zoonoses émergentes, comme le Covid-19 devraient se multiplier dans les années à venir. Selon les scientifiques, les activités humaines et leur impact sur des écosystèmes autrefois préservés en sont la cause: routes à travers la forêt tropicale ou fractionnement des écosystèmes pour y installer des villes ou des champs instaurent les conditions idéales pour l'émergence de nouvelles maladies. Et ce n'est pas près de s'arrêter. 65 % des maladies émergentes sont issues des animaux. Les Hommes entrent désormais en contact avec des espèces qu'ils n'auraient jamais rencontrées avant. Nous créons les conditions favorables à l'émergence de zoonose, en investissant des endroits de plus en plus reculés ou en se faisant côtoyer des espèces exotiques sur des marchés de viande de brousse, comme il en existe en Asie ou en Afrique.
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
Le cumul emploi-retraite suscite des réactions
Quelques incivilités et tracas vécus par un généraliste durant l’été 2024
Système de soins en danger, les racines du problème, les écueils à venir
Pour que vive l’aide aux familles et entraide médicale