La pandémie Covid-19 a profondément affecté l’activité chirurgicale en France depuis février 2020. La situation s'est aggravée avec la mise à pied des personnels non vaccinés obligeant à fermer des blocs opératoires.
Il y a pourtant des centaines de milliers d'interventions à reprogrammer à la suite du plan blanc qui avait découlé de la pandémie. Seules les opérations pour urgence vitale ou représentant la seule alternative thérapeutique pour des pathologies graves ont pu être effectuées pendant les périodes de confinement.
Les transplantations hépatiques et cardiaques avaient été maintenues. Les transplantations rénales étaient suspendues, ce qui a entraîné la perte de centaines de greffons rénaux. Le retard concerne encore des centaines de milliers d'interventions. Cela sera difficile à rattraper avec la pénurie des personnels de bloc.
À cette situation s'ajoute une crise plus profonde car cette spécialité de plus en plus complexe reste mal rémunérée. L'évolution rapide des techniques pousse les jeunes chirurgiens vers l'ultra spécialisation vers des spécialités sans urgence et plus lucratives. Cette situation décrite dans mon livre Blouses Blanches colère noire (Max Milo éditeur) reste préoccupante.
Pénurie et ultras spécialisation en chirurgie
« Le chirurgien doit avoir un œil d'aigle, un cœur de lion, et une main de femme »… C’est peut-être pourquoi ce métier se féminise. En France les effectifs des femmes dépassent 60 % en faculté de médecine mais elles restent encore sous-représentées dans les professions chirurgicales avec 22 % toutes spécialités confondues. La nature a horreur du vide, aussi avec la désaffection dans les spécialités chirurgicales lourdes, il est évident que des chirurgiennes vont les combler. Quelles en seront les conséquences ?
Nos collègues sont performantes, 33 d’entre elles sont devenues membres de l’ANC. Ces collègues sont jeunes car cette évolution est un phénomène récent. Elles sont de plus en plus nombreuses dans les blocs et font souvent face aux regards étonnés de leurs patients. Leur mode d'exercice et la durée de leurs activités sont à prendre en compte pour expliquer la pénurie dans certaines spécialités.
L'ultra spécialisation de la chirurgie s’est imposée petit à petit pour plus de sécurité au prétexte que « On ne fait bien que ce que l’on fait souvent ». Il est malheureux que les « penseurs » n’aient pas anticipé cette évolution car avec la multiplication des spécialités, la prise en charge des urgences chirurgicales pose de plus en plus de difficultés. Les drames liés au retard de prise en charge se sont multipliés, d’autant que la spécialité de chirurgie générale a disparu.
Actuellement, la féminisation de la chirurgie comme le reste de la médecine s’accélère. Cela pose un problème pour les urgences qui sont moins bien prises en charge compte tenu de cette hyperspécialisation. De plus, nos collègues sont moins disponibles à certaines périodes de leur carrière et beaucoup choisissent le salariat en spécialité exclusive. Il faudra bientôt dix chirurgiens de spécialités différentes pour assurer les gardes.
Il faudrait notamment recréer une spécialité de chirurgie générale mais de tels services n'existent plus dans nos hôpitaux. Tout le système devra être refondé. La Loi Ma santé 2022 n'en prend pas le chemin. Quel candidat se penchera sur cet épineux problème ?
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr .
Le cumul emploi-retraite suscite des réactions
Quelques incivilités et tracas vécus par un généraliste durant l’été 2024
Système de soins en danger, les racines du problème, les écueils à venir
Pour que vive l’aide aux familles et entraide médicale