Après l’époque des vaches grasses où les officines des praticiens généralistes fleurissaient à tous les coins de rue il y a vingt ans de cela, l’offre de soin s’est actuellement très sérieusement réduite. Quelles que soient les causes, les médecins qui restent disponibles doivent faire face à un afflux important de patients. En parallèle, les pouvoirs publics et les universités ont décidé d’ouvrir quelque peu les vannes pour former plus de médecins. Par voie de conséquence, certains praticiens se sont proposés pour assurer un complément de formation aux étudiants.
Je me suis, dès le début des années 2000, proposé pour encadrer ces futurs confrères ayant la volonté de se frotter à la médecine générale, et bien plus aux caractéristiques de la pratique du soin dans un cabinet éloigné de tout centre urbain. Deux types d’étudiants (trois depuis cette année universitaire) viennent donc régulièrement à ma rencontre.
Au départ durant cinq ans j’ai reçu des étudiants de 4e année l’été (ils avaient des cours durant la période scolaire ne permettant pas de venir dans une zone aussi éloignée d’un centre universitaire).
Une volonté de formation des étudiants en milieu rural
Des efforts ont été entrepris pour changer la donne avec des périodes d’un mois de stage (certaines universités ont choisi de faire tourner les étudiants durant deux mois dans deux cabinets différents) pour ces jeunes étudiants qui découvrent la médecine générale. Durant cette période ils n’ont pas de cours, et se focalisent sur leurs stages.
Il faut savoir qu’étant assez éloigné de l’université, j’ai décidé d’accueillir des étudiants dans un studio assez chaleureux je pense (il a été refait dernièrement, et les jeunes qui viennent ne déboursent pas un seul euro). Ils ont très peu de ressources et ne peuvent pas se permettre de louer une chambre durant le mois de stage.
En parallèle je me suis inscrit dans une dynamique de formation assez poussée avec ces étudiants qui doivent en fin de stage : savoir examiner un patient, faire des sutures, être capables de faire des prises de sang, mais aussi de savoir travailler en équipe avec les autres professionnels de santé (journée avec un infirmier). Ayant une certaine fibre humaniste (je suis à ce titre président de la commission d’entraide au conseil départemental de l’ordre), mais aussi corporatiste, je notifie à tous ces étudiants que je reste à leur écoute en cas de problèmes. Ils ont mes coordonnées téléphoniques, et savent qu’ils peuvent m’appeler en cas de difficultés. À ce titre je n’ai jamais compris les raisons qui poussent l’université à ne pas m’envoyer des étudiants boursiers car ils ne paient aucune location pour venir sur Banyuls-sur-Mer.
Un changement de paradigme pas très positif pour les stages en milieu rural
Tout irait bien dans le meilleur des mondes, si des modifications assez déstabilisantes ont quelque peu assombri cet horizon enchanteur. Depuis cette année universitaire, les 4es années sont régulièrement convoqués durant le mois de stage à Montpellier pour faire du bachotage des Ecos, pour suivre certains enseignements (UE), ou préparer des Masters, et enfin pour quelques-uns suivre « des colles ». Bref au mois de février les trois étudiants (je dois de manière très arbitraire en recevoir en binôme alors que j’ai trois salles d’examens) que j’ai accueillis se sont absentés au moins deux semaines.
Cette situation me désole à plusieurs titres. Je n’ai pas eu le temps de leur donner un goût plus important à notre pratique en milieu semi-rural, et deux n’ont pas eu l’occasion de voir des consultations dans un centre de patients en grande précarité. Mon éloignement décourage de nombreux étudiants qui doivent mettre la main à la poche pour payer les transports itératifs. Aucune réponse ne m’est apportée suite à des mails envoyés pour demander des reports de ces enseignements à d’autres périodes (les étudiants ne se déplacent le plus souvent que pour quatre heures de cours !).
Cela m’attriste profondément, et je ne comprends pas pourquoi, alors que les ARS veulent que les étudiants puissent « s’épanouir en milieu rural » pour s’y installer secondairement, on ne leur donne pas toutes les chances de passer une période de stage sans tracas, et qui pourrait les éblouir.
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