Courrier des lecteurs

Un nouveau confinement à 100 000 morts ?

Publié le 20/10/2020

Face à l’épidémie de Covid-19, l’échec de la stratégie « Dépister, Tracer, Isoler » (DPI), avec 20 000 contaminations quotidiennes, laisse les autorités sanitaires tétanisées. Telles des mules devant l’obstacle, elles n’envisagent que de renforcer les « mesures-barrière » — après l’écarlate, quel coloris pour les villes fautives ? — voir un re-confinement de régions entières, en attendant l’incertain vaccin… Faut-il nous résigner à un nouveau cycle confinement/mesures-barrières/rebond ? Car le rebond actuel était inévitable, la population n’ayant pu s’immuniser avec le (semi) – confinement, et l’on semble revenu à la situation de février 2020, avec la menace de saturation des urgences.

Pas tout à fait quand même. Entre-temps, il y a eu 33 000 décès attribués au Covid-19 — ceci signant l’échec du confinement non ciblé à protéger les personnes vulnérables —, mais aussi l’induction par ce confinement d’un nombre effarant de morts prématurées à venir. Pour une raison étrange, ces morts prématurées ne sont jamais évoquées par le Conseil Scientifique ou le Ministère de la Santé. Nous n’avons même aucune projection relative aux effets délétères du confinement, projection qui pourtant devrait commander toute décision de santé publique à l’impact si lourd.

Effets mortifères du confinement

Cependant, la vérité tragique commence à percer. Par exemple, une étude de l’Institut Gustave Roussy (Villejuif) prévoit de 2 % à 5 % de surmortalité sur les 5 ans à venir en raison du retard de dépistage et de soins pour les cancers.[1] Bien évidemment un tel retard vaut aussi pour les pathologies cardio-vasculaires ou les autres types de pathologies mortelles, et si l’on admet de façon générale 2 % au moins de surmortalité pour ces retards de dépistage ou de soins — sans doute une estimation très basse —, 60 000 décès au moins devraient leur être imputables dans les 5 ans à venir.

Mais il y a eu aussi les morts directes. Par exemple, sur la région parisienne, il a été constaté le doublement des arrêts cardiaques sur infarctus (ce qui implique aussi une altération grave de l’espérance de vie des victimes lorsqu’elles ont survécu).[2] Et qu’en est-il de l’impact du report de dizaines de milliers d’interventions chirurgicales ? De l’explosion de facteurs de morbidité majeurs ? Quelle sera la surmortalité pour le million de personnes pauvres supplémentaires [3] (6 à 8 années de vie en moins) ? Pour les centaines de milliers de personnes en surpoids par confinement (1 à 10 ans d’années de vie en moins) ? Pour les centaines de milliers de personnes ayant déclenché un trouble mental sévère (13 à 16 ans d’années de vie en moins si le trouble persiste) ?

Bien sûr, on peut contester un tel calcul morbide, mais pourquoi n’avons-nous pas d’évaluation publique des effets mortifères de ces décisions de confinement ? Pourquoi des mesures sont-elles prises sans peser leurs conséquences dramatiques potentielles ?

Une autre stratégie est possible

N’y aurait-il d’autre stratégie possible que celle du (semi-)confinement en attendant le vaccin ? En fait, la stratégie naturelle dans ce type d’épidémie est de laisser la population non vulnérable s’immuniser tout en protégeant avec tout le soutien affectif et humain nécessaire la minorité de personnes vulnérables (facteurs sévères de risque cardiaque, rénal, pulmonaire… survenant souvent sur un terrain de grand âge ou d’obésité). Plus de 15 000 chercheurs et médecins dans le monde ont signé la déclaration de Barrington qui précise les principes d’une telle stratégie de focused protection (« protection ciblée ») [4] — une majorité silencieuse de professionnels de santé semble soutenir désormais ce type de stratégie.

Mais nos experts officiels ont préféré dénigrer systématiquement la notion d’immunisation collective. Une étude de deux pages, présentée sur le site du Monde comme un calcul scientifique [5], a prétendu qu’une immunité collective s’obtiendrait au prix d’au moins 100 000 morts en France… Ces experts ont tout simplement ignoré la protection ciblée ! On en est venu à nier ce truisme : plus la population est immunisée, plus les sujets vulnérables sont protégés — alors que la logique de la peur multiplie malheureusement les morts. (Les facteurs de stress, non seulement sont le premier facteur de saturation des urgences, mais accroissent la sévérité de l’infection par le Covid-19.[6])

Logique de la peur

Dans leur panique, les « autorités » sanitaires ne font que renforcer cette logique de la peur — la saturation des urgences étant d’autant plus redoutée que l’on commence à prendre conscience des conséquences dramatiques des retards de soins pour toutes les pathologies hors infection par le Covid-19 —, et en sont réduites à faire miroiter le vaccin salvateur, se préparant ainsi à vacciner dans une confusion totale la population entière (qui n’en a nul besoin hormis les sujets vulnérables).

À la fin de l’épidémie, la vérité sur les morts prématurées induites par le confinement ne pourra plus être occultée et les comptes seront terribles pour les experts et décideurs politiques. Les procès sanitaires sont détestables car ils visent généralement des « responsables non coupables », qui ne disposaient pas des connaissances nécessaires pour décider autrement. Mais, s’agissant des effets du confinement, aujourd’hui nous savons. Au moins 100 000 morts prématurées d’ici 5 ans. Une espérance de vie altérée à l’échelle de la population. Un million de nouveaux pauvres… Qui niera avoir été averti ?

EXERGUE :  La vérité sur les morts prématurées induites par le confinement ne pourra plus être occultée et les comptes seront terribles pour les experts et décideurs politiques

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[1] https://www.gustaveroussy.fr/fr/esmo-2020-covid-19-surmortalite-cancers….
[2] https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S2468-2667%2820%2930117-1
[3] https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/06/un-million-de-nouveau…
[4] https://gbdeclaration.org.
[5] https://www.lemonde.fr/blog/huet/2020/09/15/covid-19-les-morts-de-limmu….
[6] Seul le stress peut expliquer le doublement de la hausse des décès chez les personnes nées à l’étranger (INSEE, 7 juillet 2020, https://www.insee.fr/fr/statistiques/4627049).

Dr Arnaud Plagnol, psychiatre, professeur de psychologie à l’Université Paris 8, docteur en sciences cognitives et en philosophie

Source : Le Quotidien du médecin