Rhumatologie

ARTHROSE DE LA MAIN : ENVISAGER UN CORTICOÏDE ?

Publié le 06/03/2020
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Bien que la prednisolone ne soit pas indiquée en cas de poussée inflammatoire d’une arthrose de la main, un essai randomisé comparatif en double insu versus placebo a évalué les effets de ce médicament durant six semaines.
Doigts déformés par l'arthrose

Doigts déformés par l'arthrose
Crédit photo : DR P. MARAZZI/SPL/PHANIE

Six semaines de prednisolone 10 mg/j chez des patients souffrant d’arthrose des mains: essai randomisé comparatif en double insu vs placebo.

Results of a 6-week treatment with 10 mg prednisolone in patients with hand osteoarthritis (HOPE) : a double-blind, randomised, placebo-controlled trial Kroon FPB, Kortekaas MC, Boonen A, & al. Lancet 2019;394:1993-2001.

CONTEXTE

Environ 8 à 10 % des adultes en population générale sont atteints d’arthrose des mains (1) et c’est le cas pour 26 % des femmes > 70 ans (2). Les symptômes de cette maladie dégénérative sont fluctuants dans le temps, avec des épisodes plus ou moins fréquents de poussées inflammatoires (3) et douloureuses. La stratégie thérapeutique regroupe la rééducation et les antalgiques, dont les effets sur la douleur sont modestes, ainsi que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), dont les effets indésirables sont particulièrement préoccupants chez les sujets âgés (4). Les corticoïdes ne sont pas recommandés dans cette pathologie.

OBJECTIFS

Évaluer l’efficacité et la tolérance de 10 mg/j de prednisolone pendant 6 semaines chez des patients souffrant de douleurs arthrosiques des mains associées à des signes patents d’inflammation synoviale.

MÉTHODE

Essai randomisé en double insu vs placebo. Pour être inclus, les patients devaient souffrir d’une poussée douloureuse inflammatoire touchant au moins quatre articulations interphalangiennes proximales (IPP) ou distales (IPD) dans les 48 heures suivant l’arrêt d’un AINS. Ils devaient également avoir une douleur ≥ 30 mm sur une échelle visuelle analogique (EVA) allant de 0 à 100, un érythème et/ou un œdème sur au moins une IPP et/ou une IPD et une épaisseur de la synoviale au moins de grade 2 mesurée par ultrasons sur au moins une IPP et/ou une IPD. Ils ont été randomisés pour recevoir 10 mg/j de prednisolone ou un placebo pendant 6 semaines avec réduction progressive de la dose pendant 2 semaines, puis un suivi sans traitement pendant 6 autres semaines. Le critère principal était l’évolution de la douleur à 6 semaines mesurée par EVA. Il y avait de très nombreux critères secondaires mesurés par différentes échelles mais sans aucune procédure hiérarchique de l’analyse statistique (faite en intention de traiter), permettant de compenser l’inflation du risque alpha.

RÉSULTATS

La randomisation a alloué 46 patients au groupe prednisolone et 46 au groupe placebo. Il n’y avait pas de différence significative entre les groupes à l’inclusion : âge = 63,9 ans, genre féminin = 80 %, ancienneté de l’arthrose = 6,6 ans, score de douleur à l’EVA = 54 mm.

À 6 semaines, le score de douleur a diminué de -21,5 mm dans le groupe prednisolone vs -5,2 mm dans le groupe placebo, soit une différence absolue de 16,3 mm, p = 0,0007. Cette différence avait disparu avec retour de la douleur à l’intensité initiale dans les deux groupes 8 semaines après la fin de l’essai. Les signes d’inflammation locale clinique ou d’imagerie se sont davantage améliorés dans le groupe prednisolone. Enfin, il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes en termes d’effets indésirables cliniques ou biologiques.

COMMENTAIRES

L’idée initiale des auteurs était de dénicher (suggérer ?) une place pour les corticoïdes dans l’arthrose des mains, place qui n’existe pas dans les recommandations européennes (dont ils sont les principaux auteurs). La théorie sous-jacente était basée sur l’efficacité attendue des corticoïdes sur la douleur et l’inflammation, associée à l’absence de leurs effets indésirables pour peu que la posologie soit faible et la durée relativement courte.

Dans cet essai original et un peu provocateur, le bénéfice clinique des corticoïdes est statistiquement démontré avec une tolérance acceptable. Cependant, la quantité d’effet (16,3 mm vs placebo) est à la limite de la pertinence clinique dans la mesure où la différence minimale cliniquement pertinente sur l’EVA a été fixée à 10 mm en Europe et 13 mm aux USA.

Quoique bien conçu et conduit par les adhérents de la Société néerlandaise de rhumatologie (sans financement direct de l’industrie), cet essai souffre de l’absence d’un comparateur actif qui aurait pu être la poursuite ou la reprise de l’AINS ou un antalgique à posologie efficace, car il y a des alternatives dans cette situation clinique. Une idée pertinente aurait été de conduire cet essai chez des patients chez qui les AINS sont contre-indiqués.
En réalité, le titre de l’article ne reflète pas fidèlement son contenu. En pratique, si une prescription de corticoïdes à petites doses pendant une durée limitée était envisageable pour traiter une arthrose des mains, elle serait justifiée uniquement en cas de poussée inflammatoire sévère et douloureuse en se souvenant que le bénéfice observé disparaît 2 mois après la fin du traitement.

Bibliographie

1. Bijlsma JW, Berenbaum F, Lafeber FP. Osteoarthritis: an update with relevance for clinical practice. Lancet 2011;377:2115-26.

2. Zhang Y, Niu J, Kelly-Hayes M, & al. Prevalence of symptomatic hand osteoarthritis and its impact on functional status among the elderly: the Framingham Study. Am J Epidemiol 2002;156:1021-27.

3. Zhang W, Doherty M, Leeb BF, & al. EULAR evidence-based recommendations for the diagnosis of hand osteoarthritis: report of a task force of ESCISIT. Ann Rheum Dis 2009;68:8-17.

4. Kroon FPB, Carmona L, Schoones JW, & al. Efficacy and safety of non-pharmacological, pharmacological and surgical treatment for hand osteoarthritis: a systematic literature review. RMD Open https://doi.org/rmdopen-2018-000734.

Liens d'intérêts

Aucun

Docteur Santa Félibre (généraliste enseignant, Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr