Stomatologie

BISPHOSPHONATES ET PATHOLOGIES BUCCO-DENTAIRES

Publié le 20/05/2011
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Les effets secondaires bucco-dentaires des biphosphonates sont rares mais sévères. Ces effets sont surtout liés aux traitements par voie IV dans les pathologies malignes, mais peuvent exceptionnellement survenir avec les traitements dans l’ostéoporose.

Crédit photo : ©Agbo Godau

Les bisphosphonates (BP) agissent en ralentissant le remodelage osseux, principalement par inhibition de la résorption osseuse en bloquant l’activité des ostéoclastes. Par voie IV, ils sont prescrits dans la prise en charge des myélomes multiples, dans la prévention des complications osseuses de certaines tumeurs malignes avancées et le traitement des hypercalcémies malignes. À dose faible, ils sont largement prescrits dans le traitement des ostéoporoses post-ménopausique, masculine, ou cortico-induite.

LES EFFETS INDÉSIRABLES BUCCO-DENTAIRES

Depuis 2003, est signalé un nombre croissant de patients consultant pour des lésions de la muqueuse buccale, des retards de cicatrisation après avulsion dentaire, ou l’apparition, parfois spontanée, de foyers d’ostéonécrose des maxillaires : ces patients ont un point commun, la prise de bisphosphonates.

-› Les ulcérations muqueuses buccales sont atypiques : superficielles, larges, douloureuses et souvent entourées d’un halo érythémateux. Cet effet secondaire probablement caustique ne devrait plus s’observer depuis les recommandations précises d’ingestion des BP par voie orale (ne pas croquer ou sucer les comprimés).

-› L’ostéonécrose des mâchoires (ONM), caractérisée par une mise à nu d’os nécrotique dans la cavité buccale représente le risque majeur. Pour affirmer que les BP en sont à l’origine, trois conditions sont nécessaires :

- lésion qui ne cicatrise pas après 8 semaines d’évolution,

- chez un patient traité ou ayant été traité par BP,

- et n’ayant pas eu d’irradiation cervico-faciale. L’ONM se manifeste par des douleurs osseuses, un œdème, une infection des tissus mous et une mise à nu de l’os. Elle peut apparaître spontanément mais résulte souvent d’un geste invasif. Toute ONM doit être déclarée dans un centre de pharmacovigilance.

La prévalence est difficile à évaluer, elle diffère suivant les indications et les molécules utilisées : elle serait de 6 à 10 % chez les patients traités pour infection maligne, et d’environ un cas pour 100 000 personnes/années pour les patients traités pour une ostéoporose.

Le risque est en effet important, compte tenu des doses élevées et répétées, avec les BP administrés par voie IV en carcinologie (pamidronate, zolédronate), il est faible mais non nul dans l’ostéoporose avec les BP administrées par voie orale (risédronate, alendronate) qui sont peu absorbées - biodisponibilité entre 1 à 5 % - ou en une injection IV à dose unique annuelle (zoledronate).

AVANT DE PRESCRIRE UN BISPHOPHONATE

« Toute la difficulté, remarque le Dr Agbo-Godeau, c’est d’informer son patient sans pour autant l’inquiéter ce qui risquerait d’amener à un abandon de son traitement. Le patient doit être prévenu de la nécessité de signaler toute mobilité dentaire, toute douleur ou tout gonflement sans attendre et on lui recommande d’avertir systématiquement son dentiste de sa prise de bisphosphonates ». Les effets secondaires bucco-dentaires des biphosphonates sont rares mais sévères. Ces effets sont surtout liés aux traitements par voie IV dans les pathologies malignes, mais peuvent exceptionnellement survenir avec les traitements dans l’ostéoporose.

Avant toute initiation de traitement par bisphosphonates, le patient doit bénéficier d’un bilan bucco-dentaire.

Dans le cadre de pathologies malignes, le bilan bucco-dentaire est clinique et radiologique (panoramique dentaire). Le traitement sera commencé, dans la mesure du possible, une fois la situation dentaire assainie et après cicatrisation complète de la muqueuse gingivale (2 à 3 semaines), la cicatrisation osseuse étant plus longue (environ 120 jours, délai rarement envisageable dans ce contexte). Quand l’os est isolé du milieu salivaire (septique) par la gencive cicatrisée il est « protégé », le risque d’ONM diminue.

Dans le cadre d’une ostéoporose, le bilan bucco-dentaire suivi des soins nécessaires mais qui ne doivent pas retarder le traitement par BP si le risque fracturaire est élevé.

LE SUIVI DES PATIENTS SOUS BISPHOSPHONATES

La conduite à tenir pendant le traitement diffère selon les indications. Dans tous les cas, l’hygiène buccale doit être rigoureuse.

-› Patient traité par bisphosphonates pour une pathologie maligne. Ce patient doit bénéficier d’un suivi odontologique systématique tous les 4 mois. Les actes de chirurgie dento-alvéolaire doivent être évités, s’ils sont nécessaires, ils seront effectués en secteur hospitalier. Les soins conservateurs sont privilégiés : endodontie et obturations coronaires. L’implantologie et les traitements parodontaux chirurgicaux sont contre-indiqués.

-› Patient traité par bisphosphonates pour une ostéoporose. Le risque est beaucoup moins important mais une ostéonécrose peut apparaître après un traumatisme minime. Dans ce cas, elle est moins sévère et répond mieux au traitement.

Un suivi odontologique est recommandé au moins une fois par an et au moindre symptôme bucco-dentaire.

Il n’est pas considéré nécessaire, actuellement, d’interrompre le traitement lors d’une intervention dentaire, les avulsions et la pose d’implants sont possibles de façon la moins traumatisante possible. À noter que l’AAOMS (American Association of Oral and Maxillofacial Surgeons) conseille de suspendre pendant trois mois le traitement par BP pour les interventions chez les patients recevant depuis plus de trois ans un bisphosphonate.

Dr Catherine Freydt (fmc@legeneraliste.fr) sous la direction scientifique du Dr Scarlette Agbo-Godeau (service de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, CHU Pitie-Salpetriere, Paris).

Source : lequotidiendumedecin.fr