En France, la prévalence de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est estimée à 7,5 %, et le nombre de nouveaux cas, stable chez l'homme, augmente chez la femme. 200 000 personnes sont prises en charge en ALD pour une insuffisance respiratoire chronique grave ou une BPCO sévère, tandis que 93 000 sont traitées par oxygénothérapie de longue durée. Si l'on considère la mortalité, le taux brut est de 41/100 000 chez les hommes et de 17/100 000 chez les femmes âgées de 45 ans et plus (2006), avec une prédominance des décès en hiver (1 ; 2).
La dyspnée, maître symptôme, peut être à l'origine d'une importante altération de la qualité de vie et d'un handicap sévère. L'intolérance à l'effort liée à la dyspnée compromet en effet la réalisation des activités de la vie quotidienne, parfois de façon importante. L'un des axes de la prise en charge du patient BPCO consiste donc à réduire la dyspnée, à soulager les symptômes et à améliorer la qualité de vie, les autres objectifs thérapeutiques étant de réduire la fréquence et la sévérité des exacerbations, de ralentir la dégradation de la fonction respiratoire, et de réduire la mortalité liée à la maladie. Les dernières recommandations de la Société de pneumologie de langue française (2009 ; réf 1) font le point sur ces questions.
CONNAÎTRE LA SÉVÉRITÉ DE LA MALADIE
- Rappelons que l'expectoration et la toux, premiers signes à apparaître, sont inconstants et restent très souvent ignorés ou banalisés chez le fumeur. Et que l'absence de bronchite chronique (toux et expectoration au moins 3 mois par an durant au moins deux années consécutives) n'exclut pas une BPCO. La dyspnée survient plus tardivement, d'abord à l'effort, puis au repos. Une dyspnée importante est souvent en rapport avec un emphysème, la distension étant consécutive à l'obstruction bronchique qui définit la BPCO. De nombreux patients, du fait de la dyspnée, réduisent leurs activités habituelles, minimisant ainsi la sensation d'essoufflement, d’où l’importance d’évaluer aussi le retentissement de la dyspée dans la vie quotidienne, souvent ressentie comme une fatigue. La dyspnée et son retentissement dans la vie quotidienne doit être évaluée à chaque consultation.
- Les signes cliniques étant très variables d'un patient à l'autre, le diagnostic de BPCO repose sur la mise en évidence d'un trouble ventilatoire obstructif à la spirométrie, grâce à la mesure du volume expiratoire maximal à la première seconde (VEMS) et de la capacité vitale forcée (CVF). Le trouble ventilatoire obstructif de la BPCO est défini par un rapport VEMS/CVF < 70 % après administration d’un bronchodilatateur (1). La spirométrie permet également d'évaluer la composante réversible de l'obstruction bronchique.
Quatre stades de sévérité spirométriques ont été définis en fonction du VEMS (tableau 1). Et même si les symptômes sont mal corrélés avec les stades de sévérité spirométrique, on peut retenir les repères suivants :
- Au stade I, la dyspnée est habituellement absente.
- Au stade II, il existe une dyspnée d’effort souvent méconnue.
- Au stade III, les patients présentent généralement une dyspnée avec réduction de la capacité d’exercice, une fatigue, et parfois des épisodes d’exacerbation répétés.
- Au stade IV, la qualité de vie est très altérée, la dyspnée est présente au repos et au moindre effort, associée parfois à des signes d’insuffisance cardiaque droite.
La toux et l'expectoration chronique peuvent être présentes à tous les stades.
Le diagnostic de BPCO étant établi, le bilan est complété par une radiographie thoracique, une gazométrie sanguine, la recherche de comorbidités (coronaropathie, HTA, syndrome d'apnées du sommeil, dépression et anxiété, dénutrition, anémie, ostéoporose), et l'on évalue l'impact de la maladie sur la vie quotidienne.
TRAITER SELON LE STADE
L'efficacité des différentes mesures thérapeutiques proposées dans la BPCO varie selon les objectifs visés (1). Ainsi, l'arrêt du tabagisme est la principale mesure permettant d’interrompre la progression de l’obstruction bronchique.
Le soulagement des symptômes et l'amélioration de la qualité de vie sont surtout obtenus par la prise de bronchodilatateurs de longue durée d'action ou par l'association bronchodilatateurs - corticoïdes inhalés, ainsi que par la réhabilitation respiratoire.
Le traitement pharmacologique permet aussi de réduire la fréquence des exacerbations. Enfin, seuls l'arrêt du tabac et l'oxygénothérapie (en cas d'insuffisance respiratoire) disposent d'un niveau de preuve élevé sur le ralentissement de l'évolution vers l'insuffisance respiratoire chronique et la réduction de la mortalité.
Dans tous les cas, les vaccinations antigrippale et antipneumococcique sont recommandées.
L'arrêt du tabac
C'est un objectif prioritaire quel que soit le stade de la maladie, et il doit être proposé à tout fumeur. Son efficacité sur le ralentissement du déclin de la fonction respiratoire est objectivée par les courbes de Fletcher (3), qui peuvent être montrées au patient (fig 1). La notion de vieillissement respiratoire "quel âge ont mes poumons" permet également de parler du souffle à son patient.
Après arrêt du tabac, surtout s’il est précoce, la vitesse de déclin de la fonction pulmonaire redevient comparable à celle du non fumeur, et seule persiste la composante physiologique du déclin de la fonction respiratoire avec l'âge, même si l'amputation respiratoire constituée reste en grande partie irréversible. Les stratégies d'aide au sevrage sont les mêmes en cas de BPCO qu'en population générale.
Le recours aux substituts nicotiniques et à la consultation de tabacologie doivent être plus souvent proposées que le conseil minimal.
Aux patients qui posent la question de l'efficacité d'une réduction de la consommation tabagique (au lieu de l'arrêt complet), on peut expliquer que cette modalité aide éventuellement à réduire le déclin du VEMS, mais que l'évolution de la maladie n'en est que faiblement affectée.
Les médicaments de la BPCO (1)
- Les bronchodilatateurs inhalés, associés ou non à une corticothérapie inhalée, améliorent les symptômes, la tolérance à l'effort et la qualité de vie, et réduisent les exacerbations.
- L'apprentissage de la technique d'inhalation est essentiel et une démonstration doit être faite au patient. Ce point est à vérifier régulièrement. On peut proposer au patient de tester plusieurs types de dispositifs, avant de s'arrêter à celui qui a sa préférence. L’administration de bronchodilatateurs par nébulisation n’est pas recommandée pour le traitement de fond.
- Les modalités thérapeutiques dépendent de la sévérité de la maladie et de l'intensité des symptômes (tableau 2). Il faut tenir compte aussi de la fréquence des exacerbations et de la présence éventuelle de comorbidités ou d'une insuffisance respiratoire.
Les bronchodilatateurs
- Ils constituent le traitement de première intention. On dispose de deux classes médicamenteuses : les bêta-2 agonistes et les anticholinergiques. Parmi les bronchodilatateurs de courte durée d'action, les bêta-2 agonistes (salbutamol, terbutaline) agissent pendant 4 à 6 heures, tandis que l'action de l'ipratropium (anticholinergique) se prolonge plus de 8 heures. En traitement de fond, les bêta-2 agonistes de longue durée d'action agissent pendant 12 heures (formotérol, salmétérol ; 2 prises/j) ou 24 heures pour le plus récent, l’indacatérol (1 prise/j). Le tiotroprum, anticholinergique de longue durée d'action, est efficace durant plus de 24 heures.
- Les bronchodilatateurs de longue durée d'action sont recommandés en traitement de fond à partir du stade II de la maladie. Mais un traitement à la demande par bronchodilatateur de courte durée d’action peut toujours être utilisé pour soulager les accès dyspnéiques. En pratique, l'amélioration des symptômes est davantage liée à la réduction de la distension qu'à l'augmentation des débits expiratoires. Ainsi, le bénéfice clinique rapporté par le malade prime sur l’éventuelle amélioration des débits expiratoires. Aucune différence cliniquement significative n'est démontrée entre les différents bronchodilatateurs de longue durée d'action (4).
- Si les symptômes persistent avec une classe de bronchodilatateurs, il convient, avant de changer de classe ou de prescrire une association, de vérifier que le patient maîtrise bien la technique d'inhalation. Si c'est le cas, il est recommandé de changer de classe de bronchodilatateur ou d'associer un bêta-2 agoniste et un anticholinergique. Mais attention à ne pas augmenter la posologie au-delà des doses usuelles, en raison du risque d’effet indésirable. A partir du stade III, lorsqu’il existe des exacerbations répétées et des symptômes malgré un traitement bronchodilatateur continu, les bronchodilatateurs peuvent être associés aux corticoïdes inhalés sous forme d'associations fixes (voir ci-après).
- En raison de leurs nombreux effets secondaires, les formes orales des bronchodilatateurs -bêta2 agonistes et méthylxanthines- sont à réserver en seconde intention aux patients en échec de traitement avec les formes inhalées.
À noter que le cas échéant, la prise de bêta-bloquants cardiosélectifs par voie systémique (HTA…) reste possible chez le patient traité par bêta-2 agonistes inhalés.
L'association bronchodilatateurs-corticoïdes inhalés
- Les corticoïdes inhalés ne doivent pas être utilisés seuls dans la BPCO, mais en association avec un bêta2-mimétique de longue durée d'action, et seulement à partir du stade III (BPCO sévère et très sévère). Leur AMM est très restrictive, puisqu'elle réserve ces associations aux patients dont les symptômes restent significatifs malgré un traitement continu par bronchodilatateurs longue action, présentant des exacerbations fréquentes, et dont le VEMS est inférieur à 50 % de la valeur théorique (association formotérol-budésonide) ou 60% de cette valeur (association salmétérol-fluticasone) (Vidal 2012). Ce sont donc des traitements de deuxième intention, utiles pour réduire la fréquence des exacerbations et améliorer la qualité de vie, malgré une amplitude de bénéfice modeste par rapport au bronchodilatateur seul. Avec l’indacatérol, on peut associer du budésonide ou de la fluticasone.
- Le risque d'effets secondaires de la corticothérapie inhalée est à prendre en compte : raucité de la voix, candidose buccale. Si une mycose survient malgré le rinçage de la bouche, le traitement inhalé de la BPCO peut être poursuivi en même temps que le traitement antifongique. Au plan pulmonaire, des pneumonies ont été rapportées. À retenir également le risque de fracture osseuse non vertébrale, de cataracte, d'augmentation de la fragilité cutanée.
- La corticothérapie par voie générale au long cours n’a pas de place dans le traitement de la BPCO stable.
L'oxygénothérapie
- L'oxygène est un médicament à part entière.
L'oxygénothérapie de longue durée (OLD), délivrée durant au moins 15 heures par jour, est indiquée lorsque la PaO2 est inférieure ou égale à 55 mmHg, ou bien, si la PaO2 est comprise entre 56 et 59 mmHg, chez les patients présentant au moins l'un des éléments suivants :
- Hypertension artérielle pulmonaire,
- Signes cliniques de cœur pulmonaire chronique,
- Désaturation artérielle en O2 pendant le sommeil sans relation avec un syndrome d’apnées du sommeil,
- Polyglobulie (Ht › 55%).
L'oxygénothérapie de déambulation n'est pas indiquée seule chez le patient BPCO, mais peut venir compléter l'OLD, de façon à préserver l'autonomie du patient.
Les autres médicaments
Les mucolytiques, les anti-tussifs et les anti-leucotriènes ne sont pas indiqués dans la BPCO. Les antibiotiques sont indiqués dans certains cas d'exacerbations.
La réhabilitation respiratoire
Afin de rompre le cercle vicieux du déconditionnement (dyspnée ? sédentarisation ? perte musculaire ? dyspnée…), la réhabilitation respiratoire peut être proposée à tout patient porteur d'une BPCO.
En pratique, elle est plutôt réservée aux sujets qui restent symptomatiques et dont les activités sont réduites malgré un traitement optimal. Elle recouvre un ensemble de mesures associant réentraînement à l’exercice (réentraînement des membres inférieurs et supérieurs), éducation thérapeutique, kinésithérapie respiratoire, prise en charge nutritionnelle (un IMC < 21 kg/m2 est un élément péjoratif) et psychosociale, sevrage tabagique.
Idéalement, elle s'effectue sous forme de stages au sein de structures dédiées. Mais même en dehors des programmes spécifiques de réhabilitation respiratoire, il faut encourager le patient à effectuer une activité physique régulière, 30 à 45 minutes 3 à 5 fois par semaine, en privilégiant la marche, le vélo, la natation. Sur le plan nutritionnel, il ne faut par chercher à faire maigrir le patient, et en cas de dénutrition, les apports protéino-énergétiques doivent être majorés.
COMMENT TRAITER LES EXACERBATIONS EN VILLE ?
L’exacerbation correspond à une majoration des symptômes respiratoires au-delà des variations quotidiennes (en pratique ≥ 48h ou justifiant une modification thérapeutique). Si l'exacerbation met en jeu le pronostic vital, on parle de décompensation. Les exacerbations sont le plus souvent d'origine infectieuse, virale ou bactérienne. Attention cependant aux exacerbations en rapport avec une insuffisance cardiaque gauche, un pneumothorax ou une maladie thrombo-embolique.
L'hospitalisation s'impose lorsque la prise en charge ambulatoire est restée inefficace ou en présence de signes de gravité :
- Cyanose, SpO2 < 90 %,
- Usage des muscles respiratoires accessoires,
- Fréquence respiratoire › 25/min,
- Tachycardie › 110/min,
- Œdèmes des membres inférieurs,
- Hypotension,
- Troubles neurologiques.
Même chose si le patient est isolé ou en cas de doute sur l’observance.
Le traitement de première intention d'une exacerbation repose sur la prise de bronchodilatateurs (5). En l’absence de traitement inhalé antérieur, un bêta-2 agoniste de courte durée d’action doit être prescrit. Si le patient prenait déjà un bronchodilatateur inhalé, il est recommandé d'augmenter la posologie et la fréquence d'administration, sans dépasser la dose maximale. Les nébulisations ne sont pas recommandées. Si un bronchodilatateur est déjà utilisé à dose maximale sans que l'amélioration soit obtenue, on peut ajouter un second bronchodilatateur, mais il est plutôt recommandé d'envisager l'hospitalisation.
- Les corticoïdes systémiques ne doivent pas être systématiquement utilisés. Ils sont intéressants lorsqu'une composante "asthmatique" est associée à la BPCO. Il faut se limiter à une dose modérée (0,5 mg/kg/j d’équivalent prednisone) pour une durée courte.
- La prescription d'antibiotiques n'est pas systématique non plus. Les bactéries le plus souvent isolées sont Haemophilus influenzae, Streptococcus pneumoniae, et Branhamella catarrhalis. Un bon signe clinique est la franche purulence des crachats. En cas de fièvre persistant plus de 4 jours, il est conseillé de pratiquer une radiographie thoracique.
L'antibiothérapie est probabiliste. Seules certaines exacerbations de BPCO sont d’origine bactérienne, et justifient une antibiothérapie pendant 7 à 14 jours (6) :
- Dyspnée d’effort en dehors de toute exacerbation et expectoration franchement purulante verdâtre : amoxiline ou céfuroxime-axétil ou cefpodoxime-proxétil ou céfotiam-héxétil ou macrolide ou pristinamycide ou télithromycine ;
- Dyspnée au moindre effort ou dyspnée de repos en dehors de toute exacerbation : antibiothérapie systématique avec amoxicilline-acide clavulanique ou céphalosporine de 3ème génération intraveineuse (céfotaxime ou ceftriaxone) ou lévofloxacine.
La prescription d’une kinésithérapie de désencombrement est également recommandée.
BPCO : TRAITER SUR DES ÉLÉMENTS CLINIQUES
TESTEZ VOS CONNAISSANCES
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)