Résultats à long terme de la prostatectomie radicale versus observation dans le traitement du cancer localisé de la prostate.
Wilt TJ, Jones KM, Barry MJ et al. Follow-up of Prostatectomy versus Observation for Early Prostate Cancer N Engl J Med 2017 ; 377 : 132-42.
CONTEXTE
Entre novembre 1994 et janvier 2002, cette équipe de chercheurs américains a sélectionné 731 patients atteints de cancer localisé de la prostate (CLP) dépisté par un dosage du PSA. Puis, ils les ont randomisés dans un groupe prostatectomie radicale ou surveillance rapprochée sans intervention (WW = Watchful Waiting). En 2012, après un suivi médian de 10 ans, ils ont publié un premier article (1) démontrant qu’il n’y avait pas de différence entre ces groupes en termes de mortalité totale : HR = 0,88 ; IC95 % = 0,71-1,08, p = 0,22 ni de celle liée au cancer de la prostate (ou à son traitement) : HR = 0,63 ; IC95 % = 0,36-1,09, p = 0,09. Entre-temps, un autre essai commenté dans cette rubrique avait démontré qu’il n’y avait pas de différence entre chirurgie, radiothérapie et WW chez ce type de patients sur les mêmes critères (2-4).
OBJECTIFS
Évaluer à 20 ans l’efficacité de la prostatectomie radicale versus WW chez les patients atteints d’un CLP dépisté par le dosage du PSA.
METHODE
Suivi à 20 ans des patients inclus dans l’essai PIVOT (1). Le critère de jugement principal était la mortalité totale. Les autres critères étaient la mortalité liée au CLP (ou à son traitement), la progression de la maladie, symptomatique ou non, les traitements de ces éventuelles progressions, et les effets indésirables nécessitant un traitement, en particulier pour les troubles érectiles et urinaires rapportés par les patients. L’analyse statistique a été faite en intention de traiter en utilisant la méthode de Kaplan-Meier.
Plusieurs analyses en sous-groupes étaient prévues au protocole, en particulier selon le score de Gleason à l’inclusion. Les résultats sont présentés en Hazard Ratio (HR) avec un intervalle de confiance à 95 %.
RESULTATS
Entre 1994 et 2002, 731 patients ont été randomisés : 364 dans le groupe prostatectomie et 367 dans le groupe WW. Leurs caractéristiques étaient comparables à l’inclusion : âge = 67 ans, PSA moyen = 7,65 ng/mL (55 % entre 4 et 10 ng/mL), score de Gleason moyen = 5,7 (71 % > 5), et 85 % des patients avaient une activité quotidienne normale. À la date de l’analyse finale (2014), le statut vital était connu pour tous les patients.
Après une médiane de suivi de 12,7 ans (mini-maxi = 7,6-15,5), 223 (61,3 %) patients du groupe prostatectomie étaient décédés vs 245 (66,8 %) dans le groupe WW : HR = 0,84 ; IC95 % = 0,70-1,01, p = 0,06. Il n’y a pas eu de différence significative selon les caractéristiques des patients à l’inclusion, et dans les analyses en sous-groupes non plus.
En termes de mortalité liée au CLP (ou à son traitement), il n’y a pas eu de différence significative entre les groupes : 7,4 % dans le groupe prostatectomie vs 11,4 % dans le groupe WW : HR = 0,63 ; IC95 % = 0,39-1,02, p = 0,06.
Il y a eu significativement moins de progressions de la maladie (locale, régionale ou biochimique) et de besoin de les traiter dans le groupe prostatectomie : HR = 0,39, IC95 % = 0,32-0,48, la moitié d’entre elles étant asymptomatique.Enfin, il y a eu significativement plus d’effets indésirables nécessitant un traitement dans le groupe prostatectomie pour la dysfonction érectile : 14,6 % vs 5,4 %, HR = 2,77 ; IC95 % = 1,65-4,63, et l’incontinence urinaire : 17,3 % vs 4,4 %, HR = 4,22 ; IC95 % = 2,44-7,30.
En pratique
• Devant un patient atteint d’un cancer localisé de la prostate à la suite d’un dépistage par un dosage PAS et histologiquement confirmé, il faut l’informer que sa durée de survie sera la même (médiane = 13 ans), qu’il décide de se faire opérer ou pas. Il faut aussi lui dire que sa maladie progressera moins en cas d’intervention et que ces progressions seront traitées ; puis que la probabilité qu’il développe des troubles érectiles et urinaires est plus élevée en cas d’intervention chirurgicale.
COMMENTAIRES
Suivre 760 patients pendant 20 ans est une performance rare. Ce suivi au long cours d’un essai randomisé comparant la prostatectomie radicale au WW montre que les patients atteints d’un cancer localisé de la prostate ne bénéficient pas de la chirurgie en termes de mortalité totale ou spécifique. À noter en passant que la mortalité liée au cancer de la prostate n’a été que de 11,4 % à 20 ans dans le groupe WW et que les patients sont majoritairement décédés d’autres causes que de leur cancer (55,4 % de mortalité non liée au CLP). Comme il semble qu’avec le temps, la prostatectomie ait une tendance statistique à se montrer plus efficace que la WW (1), une dernière analyse dans cinq ans serait bienvenue. Hélas, il n’y aura probablement plus de patients pour la démontrer.
Le bénéfice de la chirurgie se traduit en termes de taux réduits de progressions du cancer (et de ses traitements) en sachant que la moitié d’entre elles était asymptomatique. Ce bénéfice est au prix d’une forte augmentation des troubles érectiles (x 3) et des incontinences urinaires (x 4).
Bibliographie
1- Wilt TJ, Brawer MK, Jones KM, et al. Radical prostatectomy versus observation for localized prostate cancer. N Engl J Med 2012; 367: 203-13.
2- The ProtecT Study Group. 10-Year Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Localized Prostate Cancer. N Engl J Med 2016;375:1415-24.
3- The ProtecT Study Group. Patient-Reported Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Prostate Cancer. N Engl J Med 2016;375:1425-37.
4- Félibre S. Informer loyalement pour décider. Le Généraliste 2017;2784:22-3.
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