Le Dr Paul Jacquin le dit: « La question de la sexualité est bien au cœur de l’adolescence mais se pose de façon très différente pour lui et pour les adultes qui l’entourent, parents, soignants, éducateurs. A ce décalage générationnel s’ajoute le brouillage lié au contexte culturel contemporain, dans lequel le sexe est affiché et omniprésent, objet de consommation, signe de réussite sociale et à l’opposé de toute sa dimension intime. »
De plus, la large diffusion de la pornographie, qui touche des enfants de plus en plus jeunes, perturbe plus ou moins fortement les représentations de la sexualité (1). Entre le faux-vrai sexe des films X, les sites Internet, l’éducation sexuelle délivrée par l’Education nationale, les idées construites des parents sur la sexualité et leurs préoccupations concernant la prévention, l’adolescent est facilement envahi d’interrogations diffuses que la consultation avec son médecin pourra, si elle est adéquate, lui permettre de formuler.
Quel que soit le motif premier de la consultation, certificat pour le sport, motif parfois banal, demande de contraception…le médecin peut saisir cette occasion pour proposer à l’adolescent une consultation générale au cours de laquelle il sera reçu seul, au moins pendant une partie du temps, en lui annonçant clairement la confidentialité de l’entretien.
SEXUALITE ET SEXUALISATION A L’ADOLESCENCE
La puberté se manifeste par de profondes modifications physiologiques, au niveau général et sexuel, et psychologiques, changements aussi bien concrets qu’imaginaires (conscient), fantasmatique (inconscient) et symbolique. Le corps est au cœur des conduites de l’adolescent (2), et la sexualisation physique, psychique et sociale, est un processus central . « Les transformations corporelles de la puberté, mais aussi l’excitation, les pulsions, le plaisir, sont sans cesse traversées par la question de la normalité et de l’identité mais aussi par celles des limites à franchir ou non. Les références extérieures et le regard des autres jouent un rôle essentiel. D’un coté il y a le groupe de pairs qui définit la « norme », de l’autre les parents porteurs d’attentes, d’héritage, d’inquiétude... », rappelle Paul Jacquin
Tout ce qui concerne la sexualité est très présent : éventuellement culpabilité voire honte, vis-à-vis de la masturbation, doute sur sa capacité à avoir du plaisir sexuel et à avoir des relations sexuelles satisfaisantes, inquiétude quand à son orientation sexuelle. A l’adolescence, se manifestent les attirances sentimentales et certains jeunes peuvent ressentir une grande confusion face à leurs sentiments. L’adolescent se cherche du point de vue de son image et celui de ses choix sexuels. L’homosexualité, comme sentiment ou comme pensée, ne présente rien d’exceptionnel. Le danger est pour un adulte, de figer d’un regard ou d’une parole, un parcours encore aléatoire (2).
POURQUOI ABORDER LA SEXUALITE
Le médecin est la pour aider les adolescents à se reconnaître eux même, donner des réponses à leur questions, les rassurer sur leur normalité ou leur apporter des informations qu’ils n’ont pas.
- permettre à l’adolescent de s’exprimer sur lui-même, son corps, sa physiologie, ses émotions, ce qu’il ressent, et répondre à ses interrogations, c’est l’aider à se situer et à réfléchir à son développement. La relation duelle avec le médecin permet de se poser ces questions en dehors de la confrontation au groupe des pairs.
- Cet intérêt manifesté à son jeune patient, pour la sexualité comme pour le reste, le valorise et l’incite à prendre soin de lui et à développer son estime de soi, particulièrement fragile à l’adolescence.
- Faciliter «le passage de la notion de connaissances à celle de compétence » grâce à des conseils et des informations concrètes: connaître les moyens de contraception adaptés et savoir les utiliser correctement, savoir se procurer une contraception d’urgence, savoir penser aux IST, connaître les numéros verts et sites internets dédiés à la sexualité et à la contraception. Ces informations doivent être adaptées aux besoins et aux choix de l’adolescent en matière de sexualité (3).
ABORDER LA SEXUALITE LORS DE L’EXAMEN CLINIQUE
Le Dr Jacquin propose de « profiter du moment très riche d’intimité de l’examen clinique, en se situant d’abord comme témoin en quelque sorte du développement de l’adolescent et en le commentant « tu en es là » ou « vous en êtes là » de ta croissance, de ta puberté, de ton développement sexuel. ». (Le tutoiement ou le vouvoiement est une question sensible que chaque médecin règle comme il le souhaite). Exprimer cette évolution physiologique a un sens, cela signifie : je suis un professionnel de santé, j’ai une position tout à fait neutre, par contre j’ai un savoir-faire qui me permet de commenter ton développement, et dans ce développement, il y a la sexualité qui est bien sur tout a fait centrale. L’examen clinique, c’est l’occasion privilégiée d’approcher avec tact et compréhension un corps qui par ses changements est source de questionnements.
-) L’examen sera fait en sous-vêtements, sans la présence des parents. Il est alors plus naturel de l’interroger sur la sexualité, dans l’optique de le situer sur une trajectoire. « Voilà, tu en es là physiquement, où en es tu de tes expériences ? » Pas seulement la question sur les rapports sexuels, mais aussi en fonction du développement pubertaire « Quand tu as des érections, est ce que ton sexe est vers le haut » (les verges coudées sont rares mais il serait dommage de passer à coté). « Lorsqu’il t’arrive de te masturber, as-tu des difficultés pour te décalotter ? » (idem pour le phimosis), Cette approche physiologique est facilitée par l’emploi de questions qui se réfèrent au groupe de pairs « Les jeunes s’interrogent souvent sur la longueur de leur sexe, le sperme, ou l’éjaculation, ils veulent savoir si comment ça marche ou si c’est normal »
Aborder ces sujets de façon la plus neutre possible lors de l’examen clinque signifie « c’est un sujet dont on peut parler ici » et « tu vois, quand tu en as besoin, tu m’en reparles.» Mais attention, les adolescents sentent tout de suite si le médecin est clair dans son abord, si celui-ci est moralisateur, avec des préjugés, envieux ou intrusif, la communication n’ira pas plus loin.
COMMENT EN PARLER ?
-) « L’erreur souvent faite, c’est d’aller droit à la prévention et alors on tombe dans un discours ennuyeux pour le médecin et pour l’ adolescent qui a l’ impression d’un rabâchage. Le thème de la prévention reste un stéréotype qui fonctionne mal et dont la connotation est négative », remarque le Dr Jacquin.
-) Interroger le jeune pour savoir s’il a des copains, des copines, des relations amoureuses, est utile pour apprécier son épanouissement mais ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour poser les questions sur les relations sexuelle qui sont intrusives. Il y a un moment pour parler de relations amoureuses et un moment pour examiner et parler du développement physique. Ce questionnement reste délicat
-) « Il ne faut pas demander aux adolescents d’être transparents, de révéler ce qui est acte intime, ce qui est caché, ». La question n’est pas « ce que tu fais » mais « où en es tu avec ». Le lien avec l’adolescent est fragile et peut aisément se rompre. Ainsi, si on sent qu’aborder ce sujet peut être utile, on ne pose pas la question « As-tu déjà vu un film porno ? » mais « Cela t’est peut être déjà arrivé de voir des films porno, as-tu l’impression que cela te bloque ou te perturbe dans ta sexualité ? »
-) Le discours doit s’adapter à celui de l’adolescent sans démagogie, en recherchant la bonne distance relationnelle, avec un effort d’adaptation permanent. Ceci nécessite de parler vrai, de trouver les mots justes dans une démarche empathique
DONNER DES NOTIONS PRATIQUES
-) Quelques supports didactiques soutiennent l’information : schémas pour expliquer l’anatomie (hymen et vagin, utérus et ovaires, appareil génital masculin), « outils » pour expliquer les différents modes de contraception (plaquettes de pilules, anneau contraceptif…). On conseille de choisir les préservatifs avec réservoir et le sigle NF, en précisant qu’il existe différentes tailles.
-) La contraception d’urgence doit être bien expliquée, aux garçons comme aux filles en précisant son accès facile en cas urgence (infirmière, pharmacien…) et que c’est au plus tard le lendemain, pas après qu’elle doit être prise
-) La « pilule » (remboursée de préférence) doit être bien expliquée, son mode d’action, la façon de la prendre, la conduite à tenir en cas d’oubli, ses effets secondaires réels ou supposés (grande source d’arrêt). Les plaquettes à 28 cp sont un moyen utile pour lutter contre les oublis. Surtout, inciter à l’appel téléphonique facile si question et prévoir une deuxième consultation rapprochée, 2 à 3 mois après.
-) Il existe une méthode validée, particulièrement utile pour l’adolescente qui demande dans l’imminence une contraception : le quick-start , c'est-à-dire donner sans attendre une pilule à commencer le jour même de la consultation (en respectant les rares vraies contre-indications), c’est efficace dès le huitième jour (3).
-) Les filles sont habituellement plus accessibles à ces échanges sur la contraception que les garçons. Ceux-ci ont tendance à avoir une attitude de prestance, à affirmer qu’ »ils savent tout», alors qu’en fait, ils ne savent pas forcement grand-chose.
-) Toutes les strates de la sexualité d’un adolescent ne peuvent être abordés dans le temps d’une consultation, revoir l’adolescent est souvent utile.
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