Les modifications récentes du mode de vie caractérisées par une alimentation hypercalorique et hyperlipidique (ou gras-sucré) et par la sédentarité jouent un rôle majeur dans la progression de l’obésité et du diabète de type 2. En France, on compte actuellement environ 3 millions de diabétiques et la maladie poursuit sa progression comme en attestent les dernières données de la CNAM-TS. Un grand nombre de diabétiques est encore méconnu. Le diabète et ses complications chroniques induisent des dépenses de santé importantes et une altération de la qualité de vie. Devant ce problème de santé publique, le dépistage et surtout le diagnostic précoce de la maladie doivent être au mieux appliqués dans les consultations de médecine générale et de spécialité. Le problème est compliqué par l’évolution du diabète de type 2, longtemps asymptomatique comme l’a montré l’étude UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study)(1).
DÉPISTAGE DU DIABÈTE DE TYPE 2
Qui dépister ?
Pour que le dépistage soit efficace, il doit être facilement réalisable et de préférence s’adresser à une population à risque, car le coût d’un dépistage dans la population générale serait trop important et moins rentable.
-› En France, l’ANAES avait publié en 2003 les principes du dépistage du diabète (2). Le dépistage peut être :
= opportuniste ciblé chez des sujets de plus de 45 ans ayant au moins un des marqueurs de risque de diabète suivants :
- origine non caucasienne et/ou migrant
- marqueurs du syndrome métabolique :
· excès pondéral défini par un IMC › 28 kg/m²,
· hypertension artérielle (pression artérielle systolique ≥ 140 mmHg et/ou pression artérielle diastolique ≥ 90 mmHg et/ou hypertension artérielle traitée) ;
- HDL-cholestérol < 0,35 g/L (0,9 mmol/L) et/ou triglycérides › 2 g/L (2,3 mmol/L) et/ou dyslipidémie traitée ;
- antécédents :
· diabète familial (du premier degré),
· diabète gestationnel ou enfants de poids de naissance de plus de 4 kg,
· diabète temporairement induit, ou
= communautaire, réalisé chez de personnes de plus de 45 ans en situation de précarité (avec ou sans autre facteur de risque associé).
-› Depuis, des sociétés savantes ont développé et essayé de valider plusieurs scores de risque de diabète qui pourraient être calculés dans le cadre du dépistage du diabète. Il s’agit de scores simples et rapides à utiliser et qui peuvent être réalisés en consultation habituelle. Ces scores permettent en effet de cibler facilement une population à risque de diabète ou de pré-diabète justifiant le dépistage. Différents scores ont ainsi été mis au point dans différentes populations (européennes, asiatiques, américaines) et utilisent des critères semblables ou voisins.
=Un de scores européens, qui a été largement validé dans plusieurs études, est le score de risque finlandais (FINDRISC) (3). Il estime la probabilité de développer un diabète dans les dix ans et inclut huit items : l’âge, l’IMC, le tour de taille, le traitement antihypertenseur, les antécédents d’hyperglycémie (diabète gestationnel compris), les antécédents familiaux de diabète, l’activité physique journalière et la consommation journalière de fruits et légumes. A partir d’un score de 12 (sur une échelle de 20), le risque de développer un diabète à 10 ans est de 1/6. Il est même de 1/3 si le score dépasse 15. Si le score est élevé, le dépistage du diabète offre alors une meilleure sensibilité et spécificité.
= Quant à l’Association Américaine du Diabète (ADA), elle propose actuellement de faire un dépistage chez les patients en surpoids avec un autre facteur de risque (sédentarité, antécédents familiaux de diabète, antécédents personnels de dysglycémie (dont le diabète gestationnel), marqueur de risque métabolique (HTA, dyslipidémie), syndrome des ovaires polykystiques, âge supérieur à 45 ans) et chez les patients obèses morbides.
Quels sont les moyens utilisés pour le dépistage ?
-› L’ANAES recommandait en 2003 d’utiliser la glycémie à jeun sur le sang veineux au laboratoire (après un jeûne de plus de 8 h) comme test de dépistage opportuniste ou communautaire. Si le dosage s’avère normal, il peut être répété tous les 3 ans (tous les ans pour les patients avec hyperglycémie modérée à jeun).
-› La pratique d’une charge orale en glucose n’était pas préconisée. Effectivement, la charge orale en glucose de 75 g est plus difficile à réaliser, avec une tolérance clinique du test qui peut-être variable, et en plus ne rassemble pas l’unanimité de la part de la communauté médicale. Malgré cela, son intérêt reste indiscutable pour le dépistage de l’intolérance au glucose (définie par une glycémie 2 h après prise de glucose entre 1,40 et 1,99 g/l), car c’est le seul test qui permet de révéler cet état pré-diabétique. En outre il faut mentionner que chez les patients avec des pathologies cardio-vasculaires connues c’est cette glycémie 2h qui est le plus souvent anormale et non pas la glycémie à jeun (4).
-› La glycémie capillaire peut être aussi utilisée dans le cadre du dépistage du diabète, avec le respect des règles établies par l’AFFSAPS vis-à-vis de l’usage des lecteurs glycémiques (pour éviter le risque de transmission de maladies infectieuses). Les seuils retenus pour la glycémie capillaire sont de 1,20 g/l (6,7 mmol/l) pour la glycémie à jeun et de 1,50 g/l (8,4 mmol/l) si le prélèvement est fait plus de 2 h après le dernier repas. En cas de positivité, le diagnostic doit être confirmé par deux dosages de glycémie veineuse à jeun au laboratoire.
-› Si l’épreuve de charge orale en glucose offre une bien meilleure sensibilité que le seul dosage de la glycémie à jeun pour le dépistage du diabète ou du prédiabète, la stratégie du dépistage dépend des possibilités dont on dispose, de l’importance numérique de la population considérée et de la prévalence de ces anomalies dans cette population. Dans la population de patients obèses dont le nombre est en forte augmentation, la forte prévalence du diabète méconnu et des états prédiabétiques doit conduire à une démarche structurée qui peut s’appuyer sur le dosage de la glycémie à jeun en première intention à compléter par la charge en glucose chez les patients ayant un score de risque élevé d’avoir ou de développer une anomalie glycémique(5).
DIAGNOSTIC DU DIABÈTE DE TYPE 2
La glycémie
Le diagnostic du diabète repose actuellement sur les critères établis en 1997 par un comité d’experts et adoptés par l’OMS (6). D’après ces critères, il existe trois possibilités pour diagnostiquer un diabète :
1- glucose plasmatique ≥ 1,26 g/l à deux reprises (après minimum 8 h de jeûne)
2- glucose plasmatique 2h après une charge orale de 75 g glucose ≥ 2 g/l (11,1 mmol/l)
3- glucose plasmatique à n’importe quel moment de la journée ≥ 2 g/l et symptômes typiques d’un diabète sucré.
-› La glycémie plasmatique à jeun est considérée comme normale si elle est inférieure à 1,10 g/l (6,1 mmol/l). Une glycémie plasmatique à jeun entre 1,10 g/l et 1,25 g/l indique une hyperglycémie à jeun. Un sujet est à risque de développer un diabète s’il présente une anomalie de la glycémie à jeun et/ou une intolérance au glucose (glycémie 2h après une charge orale en glucose comprise entre 1,40 g/l et 1,99 g/l).
Ces recommandations avaient abaissé le seuil de glycémie à jeun pour porter le diagnostic de diabète de 1,40 g/l (7,8 mmol/l) à 1,26 g/l (7 mmol/l), car dès que la glycémie dépasse 1,26 g/l à jeun, une augmentation de la prévalence des complications microangiopathiques, en particulier de la rétinopathie, avait été rapportée. A l’époque en aucun cas le dosage de l’HbA1c n’était envisagé pour le diagnostic du diabète, mais seulement pour le suivi de l’équilibre du diabète. Par la suite, l’IDF (International Diabetes Federation) et l’OMS en 2003, ont même proposé d’abaisser encore le seuil de la glycémie à jeun normale à 1 g/l, mais cette proposition n’a pas encore été retenue de manière générale.
-› Plus récemment, lors de la réunion annuelle de l’ADA en 2009, la question de l’utilisation de l’HbA1c comme critère diagnostique du diabète a été soulevée, à partir de la relation qui existe entre les différents seuils d’HbA1c et l’apparition de la rétinopathie. Et en janvier 2010, de nouvelles recommandations ont été publiées par l’ADA (tableau 1) (7).
L’HbA1c
Ces recommandations introduisent aussi une autre catégorie de haut risque de diabète, les valeurs d’HbA1c situées entre 5,7% et 6,4%, à côté de l’hyperglycémie à jeun et de l’intolérance au glucose.
= Pourquoi cet engouement vis-à-vis de l’utilisation de l’HbA1c en tant que critère diagnostique ? L’HbA1c reflète l’équilibre glycémique des trois mois qui précédent la mesure. L’argument principal des partisans de cette mesure est le fait que l’HbA1c est un indicateur de l’exposition au glucose sur cette période de deux à trois mois tandis qu’une mesure ponctuelle de la glycémie peut subir des variations d’un jour à l’autre chez le même individu. Encore faut-il que le dosage de l’HbA1c soit bien standardisé. Une question légitime se pose: est-ce qu’un paramètre qui semble bien corrélé à l’apparition de la rétinopathie est adéquat pour le diagnostic d’une maladie dont le pronostic est dominé par les complications macroangiopathiques ? Car, si pour les complications microangiopathiques il existe un seuil d’HbA1c en dessous duquel l’apparition des ces complications est réduite, pour les complications macroangiopathiques les choses ne sont pas aussi simples.
L’étude DETECT-2 qui a été réalisée dans une population de 28000 sujets de 9 pays a montré qu’en dessous de 6 % d’HbA1c il n’existait pratiquement aucun cas de rétinopathie. A partir de ce seuil, la fréquence de la rétinopathie augmente progressivement et devient importante au-delà de 6,5%. Ces constats soutiennent le seuil de 6,5% pour le diagnostic du diabète.
Un autre avantage du dosage de l’HbA1c est la possibilité de pratiquer le dosage à n’importe quel moment de la journée sans que le patient soit à jeun et sans que l’horaire influence le résultat, à la différence de la glycémie à jeun qui peut varier le matin à cause du phénomène de l’aube, lié à la néoglucogenèse hépatique. Si la variabilité intra-individuelle de la mesure de la glycémie à jeun est de 12 à 15 % d’un jour à l’autre, pour l’HbA1c elle est de moins de 2%. Par contre, la réalisation du dosage de l’HbA1c risque de poser des problèmes d’accessibilité dans les pays ayant des moyens économiques modestes et d’alourdir les dépenses de santé dans les autres pays. Enfin, il ne faut pas oublier qu’il existe des facteurs d’interférences avec le dosage de l’HbA1c comme les hémoglobinopathies, des affections hépatiques, des situations caractérisées par un changement au niveau de la durée de vie de l’hémoglobine. Quant à la glycémie à jeun, elle peut être modifiée par une situation de stress ou lorsque le jeûne de plus de 8 h n’est pas respecté (tableau 2).
En pratique
L’utilisation de l’HbA1c pour le diagnostic de diabète risque de donner lieu à une confusion chez les médecins et les patients dans la mesure où l’HbA1c était utilisée jusque là seulement comme outil de suivi de l’équilibre du diabète. En outre il est difficile d’expliquer que le critère de diagnostic est une HbA1c ≥ 6,5% alors qu’en France les recommandations actuelles pour le traitement du diabète de type 2 préconisent d’atteindre un objectif de 6 % lorsque le diabète est de découverte récente. Il existe aussi un risque de ne plus considérer comme diabétique un patient diagnostiqué comme tel par sa glycémie à jeun.
Faudrait-il prendre comme critère diagnostique simultanément la glycémie à jeun et l’HbA1c? Cette attitude risquerait d’augmenter encore les dépenses de santé.
-› Pour l’heure, nous pouvons suggérer que l’HbA1c pourrait être utilisée dans les états pré-diabétiques pour trancher en faveur d’un diabète : une hémoglobine glyquée ≥ 6,5% associée à une hyperglycémie à jeun ou une intolérance au glucose signerait un diabète. Une situation intermédiaire (hyperglycémie à jeun et/ou une intolérance au glucose avec une HbA1c entre 5,7% et 6,4%) nécessiterait une surveillance plus rapprochée et surtout une prise en charge adaptée pour prévenir l’installation d’un diabète. Une HbA1c supérieure à 5,7% même avec une glycémie à jeun normale doit faire penser à une possible dysglycémie et déboucher sur un suivi personnalisé.
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