1. Comment dépister un retard de croissance ?
Trois situations doivent faire engager un bilan :
• une taille inférieure à -2 DS par rapport à la courbe de référence,
• une différence par rapport à la taille cible (celle que devrait atteindre l’enfant en fonction de la taille de ses parents) de plus de 1,5 DS,
• un « changement de couloir » de croissance, considéré comme sévère au-delà d’un couloir et demi.
2. L’examen clinique d’orientation
Il faut d’emblée éliminer l’urgence que constitue la tumeur hypophysaire en recherchant d’éventuels signes d’HIC (hypertension intracrânienne).
La comparaison des courbes de taille et de poids amène de bons arguments pour différencier les causes endocriniennes des causes générales : en cas de pathologie chronique, la perte de poids précède ou accompagne le retard de croissance, tandis que dans les pathologies endocriniennes, le poids est conservé voire augmenté.
Un examen général recherche une des multiples causes possibles d’un retard de croissance : pathologie chronique (maladie cœliaque, de Crohn, arthrite juvénile, drépanocytose, insuffisance hépatique ou rénale, traitement par corticoïdes, etc.) qui entraîne généralement un ralentissement sévère de la croissance. L’examen clinique donne parallèlement une bonne évaluation du stade de la situation de l’enfant par rapport à la puberté.
3. Le bilan paraclinique de débrouillage
Pour toute pathologie chronique pouvant se traduire par un retard de croissance, le bilan biologique initial est assez large : il comprend NFS, VS et CRP (pour la recherche de pathologies inflammatoires), les anticorps (IgA) anti-transglutaminase pour la maladie cœliaque, un ionogramme, une créatinine, un bilan hépatique, une calcémie/phosphatémie ainsi qu’un bilan endocrinien avec la TSH et l’IGF1, et systématiquement chez les filles un caryotype à la recherche d’un syndrome de Turner.
La radiographie pour déterminer l’âge osseux a peu d’intérêt diagnostique mais donne une bonne indication sur le pronostic de taille.
L’IRM de l’hypophyse se discute en 1re intention en fonction du contexte si on a un doute d’emblée sur une cause hypophysaire. Elle est par exemple inutile en 1re intention si toute la famille est de petite taille.
Le suivi évolutif permet de juger de la pertinence d’autres examens complémentaires et en particulier de tests de stimulation à la recherche d’un déficit en GH, qui ne représente que 5 % des retards de croissance.
4. Quand adresser à un spécialiste ?
Le médecin généraliste a un rôle essentiel dans le dépistage, le suivi et l’accompagnement de l’enfant. Une consultation auprès d’un endocrinologue pédiatrique est nécessaire si le bilan endocrinien est anormal, s’il existe un syndrome de Turner mais aussi si le retard de croissance est sévère mais le bilan normal, pour aller plus loin dans les investigations ou si on suspecte une pathologie chronique.
Seul le spécialiste hospitalier peut proposer un traitement par hormone de croissance, très codifié et réservé aux déficits en GH, aux enfants nés avec un retard de croissance intra-utérin, au syndrome de Turner ou autres anomalies génétiques comme la délétion du gène SHOX ou le syndrome de Prader-Willi. Aux États-Unis, le traitement par hormone de croissance a une indication pour la petite taille constitutionnelle, certaines études ayant montré que la GH pourrait être efficace dans ce cas, mais il n’a pas d’AMM pour cette indication en France.
5. Qu’expliquer aux parents et à l’enfant ?
L’âge osseux évalue la réserve en cartilage de croissance, ce qui permet de préciser, avec une certaine marge d’incertitude, le temps en mois ou années pendant lequel l’enfant pourra encore grandir. Le calcul de la taille cible permet d’expliquer que la petite taille est constitutionnelle, ce qui reste un diagnostic d’élimination. On peut ainsi rassurer les parents et l’enfant quant à sa future taille, tout en mettant en place une psychothérapie pour les accompagner quand la situation est compliquée. On peut aussi agir sur une alimentation mal équilibrée, un sommeil parfois insuffisant. En effet, revoir l’hygiène de vie permet souvent de progresser sans traitement hormonal.
Dr Maia Bovard-Gouffrant (rédactrice) et Pr Agnès Linglart (endocrinologie et diabète de l'enfant, hôpital Bicêtre, Paris)
BIBLIOGRAHIE
1. Savage & al, Early Detection, Referral, Investigation, and Diagnosis of Children with Growth Disorders. Horm Res Paediatr 2016 ;85(5) :325-32.
2. Castest S, Reynaud R, Enfant trop petit, Pas à pas en pédiatrie, 23/07/2019. https://pap-pediatrie.fr/endocrinologie/
enfant-trop-petit.
3. Site d'information sur le retard de croissance chez l’enfant, https://www.croissance-online.fr/fr/accueil.html.
Le Pr Agnès Linglart déclare des liens d'intérêt : des honoraires pour des études de Novo Nordisk et des symposiums de Novo Nordisk, Pfizer et Sandoz.
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