Cardiovasculaire

DISSECTION ISOLÉE DE L’ARTÈRE MÉSENTÉRIQUE SUPÉRIEURE

Publié le 14/03/2022
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Parmi les artères digestives, l’artère mésen­térique supérieure est celle qui est le plus souvent concernée par une dissection. Une intervention n’est pas forcément nécessaire, une surveillance régulière suffit le plus souvent.

Épaississement pariétal (repères jaunes) lié à une dissection de l’artère mésentérique supérieure, vu à l’angio-scanner.

Épaississement pariétal (repères jaunes) lié à une dissection de l’artère mésentérique supérieure, vu à l’angio-scanner.
Crédit photo : Dr Frances

Depuis plus de 5 ans, nous suivons une patiente dans le cadre d’une HTA. Elle vient avec son nouveau compagnon, que nous ne connaissons pas. Il profite de la consultation pour nous demander notre avis sur un scanner abdominal effectué quelques jours auparavant.
Jacques, âgé de 68 ans, hypertendu (trithérapie avec IEC, diurétique et bêtabloquant) présentait une douleur de la totalité du cadre colique, et son gastro-entérologue avait réalisé une coloscopie qui objectivait une diverticulose colique.
En parallèle, il avait demandé la réalisation d’un scanner abdominal. Pour lever un doute lié au résultat de cet examen, le radiologue a effectué également un angio-scanner mettant en évidence un épaississement régulier de la partie proximale de 50 mm de l’artère mésentérique supérieure, en rapport avec une dissection à ce niveau.
Un chirurgien vasculaire consulté avait expliqué au patient qu’il n’était pas nécessaire d’intervenir et qu’une surveillance régulière tous les 6 mois était tout à fait licite.
Jacques présente donc une dissection isolée de l’artère mésentérique supérieure asymptomatique.

INTRODUCTION

Les premières descriptions d’une dissection de l’artère mésentérique supérieure ont été effectuées par Bauersfeld en 1949.
L’incidence des dissections des artères digestives est peu importante (0,08 % des cas).
Parmi les artères digestives, l’artère mésentérique supérieure est celle qui est la plus communément concernée par la dissection.
Cette pathologie touche le plus souvent les patients entre 40 et 70 ans et, dans près de 80 % des cas, il s’agit de personnes de sexe masculin.
L’origine n’est pas établie de manière claire :
• pour certains auteurs, la zone de transition entre deux portions de l’artère mésentérique serait le siège de la dissection, laquelle serait favorisée par les mouvements de péristaltisme intestinal,
• pour d’autres, la dissection se développerait au niveau d’une courbure de l’artère, zone où une contrainte mécanique favoriserait cette pathologie.

SYMPTOMATOLOGIE

Les formes asymptomatiques (cas de notre patient) Dans ce cas de figure, cette pathologie peut survenir sur un terrain particulier (hypertendu, artériosclérose, pathologie génétique du tissu conjonctif).
La douleur abdominale Le plus souvent, elle est brutale, postprandiale et ombilicale ou épigastrique avec irradiation dans le dos. La douleur est parfois associée à des nausées et des vomissements qui sont des manifestations en faveur d’un tableau pseudo-occlusif.
Le choc hypovolémique Il fait suite à une hémorragie intrapéritonéale secondaire à la rupture de l’artère mésentérique.
Des manifestations atypiques chroniques Il peut s’agir d’un problème de malabsorption secondaire à une ischémie, ou de poussées de pancréatites ischémiques (obstruction concernant l’arcade pancréaticoduodénale).

DIAGNOSTIC

Pour avoir une certitude diagnostique, un seul examen doit être effectué : l’angio-scanner. Il permet de quantifier l’importance de la dissection et de la thrombose associée, mais aussi la localisation de la dissection. À partir de cette imagerie, différentes classifications ont été proposées, en vue d’une orientation thérapeutique.
La plus récente (celle de Luan Li) tient compte de l’importance de la dissection : type A avec une dissection centrée sur la portion courbe de l’artère avec une évolution rétrograde, type B qui est uniquement centré sur la courbe, type C qui se développe au niveau distal jusqu’aux artères iléo-coliques, et type D qui est plus étendu avec une dissection au niveau des artères iléo-coliques et iléales distales.

PRISE EN CHARGE

Le plus souvent, elle repose (cas où il n’y a pas de signes en faveur d’une possible rupture ou d’une ischémie) sur une abstention thérapeutique, ou une adaptation éventuelle d’un traitement antihypertenseur.
En parallèle, une surveillance rapprochée (comme chez notre patient) est nécessaire.
Un traitement endovasculaire (pose d’un stent par voie fémorale ou brachiale) est effectué dès lors qu’une suspicion d’ischémie mésentérique existe.
Le traitement chirurgical est réalisé en cas de rupture vasculaire ou de nécrose intestinale.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Widad Gallaf (interne en médecine générale à Montpellier), Thomas Duboux et Sophie Sabatier (externes à Montpellier)

Bibliographie

1. Chakfe N, Kuntz S, Lejay A, et al. Dissection isolée des artères digestives : quel traitement. Journal de médecine vasculaire 2018 ; 43 (2) : 101.
2. Léonard M, Courtois A, Defraigne JO, Sakalihasan N. Dissection isolée de l’artère mésentérique supérieure. Revue médicale de Liège 2017 ; 72 (4) : 175-180.
3. Ghuysen A, Meunier P, Van Damme H, et al. Dissection isolée de l’artère mésentérique supérieure :
à propos d’un cas. Annales de cardiologie et d’angéiologie 2008 ; 57 : 238-242.


Source : lequotidiendumedecin.fr