Rhumatologie 

DOULEUR ARTHROSIQUE : QUEL TRAITEMENT ?

Publié le 13/05/2016
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Dans la bataille contre la douleur arthrosique du genou ou de la hanche, tous les principes actifs ne font pas jeu égal. Les AINS sortent vainqueurs. Cependant leur rapport bénéfice/risque doit être pris en compte au moment de la prescription

Crédit photo : DR P. MARAZZI/SPL/PHANIE

Efficacité des AINS dans le traitement de la douleur arthrosique du genou et de la hanche : méta-analyse en réseau
Da Costa B, Reichenbach S, Keller N, et al. Effectiveness of non-steroidal anti-inflammatory drugs for the treatment of pain in knee and hip osteoarthritis : a network meta-analysis. Lancet. http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(16)30002-2

CONTEXTE

La gonarthrose et la coxarthrose sont responsables de douleurs chroniques et de handicap physique conduisant à une augmentation de la morbimortalité (1). AINS et paracétamol sont les médicaments les plus utilisés pour le traitement symptomatique de ces affections (2). Cependant, les cliniciens ont une myriade de spécialités et de dosages différents à leur disposition, ce qui rend le choix difficile. Une revue systématique avait évalué l’effet antalgique des AINS vs placebo (3), et une autre celui de certains AINS entre eux, mais uniquement dans des comparaisons directes sans tenir compte des classes d’AINS ni des différentes posologies (4)..

OBJECTIF

Evaluer l’efficacité antalgique de différents AINS et du paracétamol à différentes posologies en comparant indirectement leur efficacité observée dans leurs essais versus placebo.

MÉTHODE

> Méta-analyse en réseau. Les essais retenus, devaient avoir inclus au moins 100 patients par groupe et avoir comparé les AINS ou le paracétamol au placebo, ou les AINS entre eux. Les comparaisons ont aussi concerné différentes posologies. Le critère de jugement principal était la douleur telle que mesurée dans les essais.

> Comme l’outil de mesure de la douleur était différent selon les essais, tous les résultats ont été transformés en effect size (taille d’effet). Ce paramètre qualitatif allant de -1 à 0 considère qu’une taille d’effet ≤ -0,2 correspond à une taille (quantité) d’effet faible, ≤ -0,5 à une taille d’effet modérée et ≤ -0,8 à une taille d’effet importante. La taille d’effet minimum cliniquement pertinente (MID) pour les patients (5) a été fixée à -0,37, ce qui correspond à peu près à une diminution de 9 mm sur une échelle visuelle analogique classique (0-100 mm). Une analyse parallèle a calculé la probabilité que le médicament atteigne un MID ≤ -0,37. 23 principes actifs à différentes posologies ont été comparés au placebo. L’analyse statistique sur le critère principal a utilisé un modèle aléatoire multivarié Bayésien ajusté sur le design des essais, les caractéristiques des patients et la durée de traitement ramenée à 6 semaines.
 

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Réseau de comparaisons. 01=placebo. 02=paracétamol < 2000 mg. 03=paracétamol 3000 mg. 04=paracétamol 3900-4000 mg. 05=rofécoxib 12,5 mg. 06=rofécoxib 25 mg. 07=rofécoxib 50 mg. 08=lumiracoxib 100 mg. 09=lumiracoxib 200 mg. 10=lumiracoxib 400 mg. 11=étoricoxib 30 mg. 12=étoricoxib 60 mg. 13=étoricoxib 90 mg. 14=diclofénac 70 mg. 15=diclofénac 100 mg. 16=diclofénac 150 mg. 17=célecoxib 100 mg. 18=célecoxib 200 mg. 19=célecoxib 400 mg. 20=naproxène 750 mg. 21=naproxène 1000 mg. 22=ibuprofène 1200 mg. 23=ibuprofène 2400 mg.


RÉSULTATS

> La recherche bibliographique a répertorié 8 973 publications parmi lesquelles 74 essais randomisés en double insu à faible risque de biais regroupant 58 556 patients ont été inclus dans la méta-analyse en réseau. 21 comparaisons vs placebo concernant 7 AINS et le paracétamol à différentes posologies dans le traitement symptomatique de la gonarthrose et de la coxarthrose ont été réalisées.

> Pour le diclofénac 150 mg/j (taille d’effet = -0,51), l’étoricoxib 30 mg/j et 60 mg/j (taille d’effet = -0,52) et 90 mg/j (non commercialisé en France), et le rofécoxib 25 et 50 mg/j (retiré du marché en France), la probabilité d’atteindre un MID ≥ -0,37 était au moins de 95 %, voire 100 %.

> Pour le paracétamol < 2 g/j ou < 3 g/j, le naproxène 750 mg/j et le diclofénac 70 mg/j, la taille d’effet n’atteignait pas -0,37, et la différence vs placebo n’était parfois pas significative. La taille d’effet d’une posologie de 4 g/j de paracétamol était de -0,14 (< MID). Celles du naproxène 1 000 mg/j était de -0,41, et celle de l’ibuprofène 2 400 mg/j de -0,38, toutes deux significatives et cliniquement pertinentes.
 

 

COMMENTAIRES

> Cette méta-analyse en réseau avait pour objectif principal de hiérarchiser l’efficacité antalgique de différents médicaments à différentes posologies dans la même indication, en l’occurrence la gonarthrose et la coxarthrose douloureuses. De ce fait, les résultats ne concernent que ces deux pathologies. Ce travail montre que tous les antalgiques testés sont supérieurs au placebo, mais que la différence vs placebo de certains d’entre eux (paracétamol 2 g/j ou 3 g/j, diclofénac 70 mg/j, ibuprofène 1200 mg/j) n’est pas significative. Par ailleurs, l’efficacité d’un grand nombre d’entre eux (paracétamol 3 ou 4 g/j, naproxène 750 mg/j) n’atteint pas la quantité d’effet minimum cliniquement pertinente pour les patients (effect size ≥ -0,37 ou ≥ 9 mm sur l’EVA).

> Les grands vainqueurs disponibles en France sont, dans l’ordre : l’étoricoxib 60 mg/j, le diclofénac 150 mg/j, l’étoricoxid 30 mg/j, le naproxène 1000 mg/j et l’ibuprofène 2400 mg/j. Ce travail a provoqué quelques remous dans les médias ayant tendance à discréditer le paracétamol. Cependant, en pratique, la décision thérapeutique doit tenir compte du ratio bénéfice/risque de chaque principe actif, et en ces termes, la sécurité d’emploi du paracétamol semble supérieure à celle des AINS chez les patients âgés, même si cela a été indûment contesté (6).
 

 

Dr Santa Félibre (généraliste enseignant)

Source : lequotidiendumedecin.fr