Métabolisme

FAUT-IL DEPISTER ET TRAITER LE « PREDIABETE » ?

Publié le 21/04/2017
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En raison de la hausse de la prévalence du diabète, les efforts tendent à se concentrer sur l’identification du prédiabète. Cette étude du BMJ évalue les performances des tests biologiques disponibles et démontre leurs carences.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Efficacité et conséquences du « dépister-traiter » dans la prévention du diabète de type 2 : revue systématique et méta-analyses des tests de dépistage et des essais d’intervention Barry E, Roberts S, Oke J, et al. Efficacy and effectiveness of screen and treat policies in prevention of type 2 diabetes: systematic review and meta-analysis of screening tests and interventions BMJ 2017;356:i6538

CONTEXTE

Le prédiabète n’est pas une « anomalie métabolique » bien codifiée. Sa définition peut reposer sur 3 critères : glycémie à jeun (GAJ), glycémie post-charge en glucose (GPP), et HbA1c. Pour corser l’affaire, les seuils du « diagnostic » de prédiabète diffèrent selon les institutions (1). Du fait de l’augmentation exponentielle de la prévalence du diabète de type 2 (DT2), l’idée de le prévenir en dépistant les prédiabétiques « à haut risque de DT2 » et d’intervenir à ce stade (screen and treat) motive les diabétologues et les autorités de santé publique. Encore faut-il démontrer que les tests de dépistage identifient correctement les « vrais prédiabétiques » et que les interventions apportent un réel bénéfice à ces « prépatients ».

MÉTHODE

 Revue systématique et méta-analyse des études ayant évalué les performances (sensibilité et spécificité) de la GAJ et de l’HbA1c comparées à la GPP, selon les différents seuils indiqués par les sociétés savantes ou les institutions de santé publique. Et revue systématique et méta-analyse des essais randomisés ayant évalué l’efficacité d’une modification du mode de vie et/ou de la metformine chez les sujets dépistés.

La qualité des études a été évaluée à l’aide de l’outil QUADAS-2 et celle des essais randomisés avec le Cochrane risk of bias tool. Pour la méta-analyse des études diagnostiques, le critère principal de jugement était la capacité des tests à dépister le prédiabète et leur recouvrement (aires sous la courbe) évaluée à l’aide d’un test à effet aléatoire bivarié. Pour la méta-analyse des essais d’intervention, le critère principal était le risque de développer un DT2. L’analyse statistique a été faite avec un modèle de Cox à effet aléatoire.

RÉSULTATS

Sur les 3 833 articles répertoriés dans la littérature, 96 ont été retenus : 46 études diagnostiques et 50 essais randomisés.

 Comparée à la GPP (sensibilité = 40 %) considérée comme référence, la sensibilité de l’HbA1c était de 49 % et sa spécificité de 79 % : le taux de faux négatifs était de 51 % et celui de faux positifs de 21 %. Toujours comparée à la GPP, la sensibilité de la GAJ était de 25 % et sa spécificité de 94 %. Autrement dit, le taux de faux négatifs était de 75 % et celui de faux positifs de 6 %. 5 études ont comparé les 3 tests dans une même population (n = 17 108). En prenant la GPP comme référence, l’HbA1c seule ne repérait que la moitié des prédiabètes, et il y avait une grande discordance entre les résultats des 3 tests selon les seuils retenus : 27 % de prédiabétiques avec les seuils de l’OMS (2) et 49 % avec ceux de l’American Diabetes Association.

 La moitié des 50 essais randomisés retenus disposait de résultats permettant une méta-analyse. 21 avaient évalué une modification du mode de vie, 2 la metformine et 2 autres les deux interventions associées. Dans le premier groupe, le risque relatif (RR) de développer un DT2 était de 0,69 (IC95 % = 0,56-0,85), soit 69/1 000 sujets dans le groupe intervention vs 100/1 000 dans le groupe témoin, nombre de sujets à traiter (NST) pendant 6 mois à 2 ans pour éviter un DT2 = 33. Dans la méta-analyse ayant évalué l’efficacité de la metformine, le RR de développer un DT2 était de 0,74 (IC95 % = 0,65-0,84), NST = 14.

COMMENTAIRES

Cet énorme travail d’un haut niveau scientifique, mené par le département de médecine générale d’Oxford, apporte 3 informations utiles à la pratique et aux autorités de santé : les performances des tests utilisés dans les programmes de dépistage du prédiabète sont faibles ; l’HbA1c est la plus utilisée, mais elle n’est ni sensible ni spécifique ; la GAJ est très spécifique mais pas sensible. Avec ces 2 tests, de nombreux sujets sont identifiés prédiabétiques à tort, et de nombreux « vrais » prédiabétiques ne sont pas repérés. Les seuils choisis pour le diagnostic influencent les résultats. Par exemple, l’utilisation des seuils de l’American Diabetes Association double le taux de prédiabète comparativement aux seuils de l’OMS. Les interventions sur le mode de vie et la metformine semblent efficaces pour prévenir ou retarder l’apparition d’un DT2, mais le design des essais et la qualité des preuves sont pauvres et les risques de biais importants.

Contrairement à ce qui est proclamé dans une récente synthèse (3) sur le DT2, il n’y a pas d’argument solide pour dépister le prédiabète, car les tests disponibles sont déficients et les résultats des essais d’intervention douteux.

Objectifs

Evaluer les performances des tests de dépistage du prédiabète et l’efficacité des interventions (mode de vie et/ou metformine) chez ces sujets à haut risque de développer un DT 2.

Bibliographie

1- Félibre S. Le prédiabète marqueur de risque d’évènements graves ? Le généraliste 2017;2782:18.
2- WHO. Diabetes Fact Sheet No 312. http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs312/en/.
3- Chatterjee S, Khunti K, Davies MJ. Type 2 Diabetes. Lancet 2017 http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(17)30058-2.


 

Liens d'intérêts : aucun

 

Dr Santa Félibre (Généraliste Enseignant, Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr