Effets des antihypertenseurs selon les niveaux de pression artérielle atteints chez les patients diabétiques de type 2 : revue systématique et méta-analyse
Effect of antihypertensive treatment at different blood pressure levels in patients with diabetes mellitus: systematic review and Etat-analyses. BrunströmM, Calberg B. BMJ 2016;352:i717.
Depuis de nombreuses années, les cibles de pression artérielle systolique (PAS) à atteindre par les patients diabétiques de type 2 (DT2) pour réduire les complications CV sont débattues (1).
D’un côté, l’essai ACCORD (2) a clairement démontré l’absence de bénéfice CV d’une cible < 120 mmHg vs < 140 mmHg. De l’autre, une revue systématique récente (3) concluait qu’une PAS < 140 mmHg réduisait l’incidence des AVC.
Au total, s’il est bien démontré que les antihypertenseurs réduisent les événements CV chez les patients DT2, la cible optimale à atteindre est indéterminée.
Évaluer les effets des antihypertenseurs sur la morbi-mortalité cardiovasculaire des patients DT2 selon la cible de PAS atteinte.
Revue systématique de la littérature et méta-analyse des essais randomisés. Ces derniers ont été répertoriés dans les principales bases bibliographiques internationales, et les éventuelles données manquantes ont été récupérées auprès des auteurs, des compagnies pharmaceutiques et des autorités de régulation du médicament.
→ Les essais retenus devaient avoir inclus au moins 100 patients DT2 suivis au moins 1 an, et comparé un anti-hypertenseur à un placebo, deux antihypertenseurs à un seul, ou différentes cibles de PAS. Les principaux critères de jugement étaient la mortalité totale et cardiovasculaire, les infarctus du myocarde (IdM), les AVC et l’insuffisance cardiaque.
L’analyse statistique a été faite sur les risques relatifs de chaque essai secondairement « poolés » à l’aide d’un modèle à effet aléatoire stratifié sur les valeurs de la PAS à l’inclusion et les différences de PAS intra-groupes et intergroupes observées. Les résultats sont présentés en risque relatif (RR) avec un intervalle de confiance à 95%.
Sur 235 essais répertoriés, 49 répondaient aux critères de sélection. Ils regroupaient 73 738 patients dont 8 916 provenant de 12 essais non publiés. La durée moyenne de suivi était de 3,7 ans. La différence moyenne de PAS entre les groupes traités et les groupes comparateurs en fin d’essai était d’environ 10 mmHg, quelle que soit la PAS à l’inclusion.
→ Quand la PAS moyenne à l’inclusion était >150 mmHg, le traitement antihypertenseur réduisait significativement la mortalité totale (RR = 0,89 ; IC95% = 0,80-0,99), la mortalité CV (RR = 0,75 ; IC95% = 0,75-0,99), les IdM (RR = 0,74 ; IC95% = 0,63-0,87), et les AVC (RR = 0,77 ; IC95% = 0,65-0,91). Idem pour la mortalité totale, les IdM et l’insuffisance cardiaque quand la PAS à l’inclusion était comprise entre 140 et 150 mmHg.
→ En revanche, quand la PAS à l’inclusion était < 140 mmHg, l’instauration ou le renforcement d’un traite-ment antihypertenseur augmentait significativement la mortalité CV (RR = 1,15 ; IC95% = 1,00-1,32). Enfin, la méta-régression préspécifiée au protocole a également montré une augmentation significative de la mortalité CV (RR = 1,15 ; IC95% = 1,03-1,29) et des IdM (RR = 1,12, IC95% = 1,03-1,22) pour chaque 10 mmHg en moins de PAS à l’inclusion quand elle était inférieure à 140 mmHg.
→ Débuté en 2011, ce travail suédois a eu du mal à surmonter les fourches caudines du BMJ. En bref, il conclut que quand la PAS d’un patient DT2 est ≥ 150 mmHg, l’instauration ou le renforcement d’un traitement antihypertenseur apporte un bénéfice petit mais significatif en termes de mortalité totale et CV. En revanche, si la PAS est < 140 mmHg, le bénéfice se transforme en petite mais significative augmentation de la mortalité CV.
→ Ce travail, qui complète les résultats de SPRINT (4) avait pour objectif d'éclairer le débat sur la PAS optimale des patients DT2. Il est peu probable que les auteurs atteignent leur but car leur travail a quelques faiblesses. Il porte sur les données agrégées des essais et non sur les données individuelles des patients.
Il ne tient compte ni des procédures de mesure de la PAS, ni des comorbidités associées au DT2, ni du risque CV global à l’inclusion, ni des traitements associés, en particulier des statines efficaces chez les patients DT2 en termes de prévention des événements CV. Enfin, il ne fournit aucune information sur les effets indésirables des antihypertenseurs.
→ Les résultats des essais randomisés impliquent des patients hypersélectionnés différents de ceux rencontrés en soins primaires qui sont, en général, plus âgés et polypathologiques.
En pratique, appliquer sans discernement les résultats des essais et des méta-analyses aux patients qui consultent en médecine générale peut conduire à des décisions zélées dont la balance bénéfice/risque favorable n’est pas démontrée dans cette population (5). Viser entre 140 et 150 mmHg de PAS est probablement le plus sage.
Effect of antihypertensive treatment at different blood pressure levels in patients with diabetes mellitus: systematic review and Etat-analyses. BrunströmM, Calberg B. BMJ 2016;352:i717.
CONTEXTE
Depuis de nombreuses années, les cibles de pression artérielle systolique (PAS) à atteindre par les patients diabétiques de type 2 (DT2) pour réduire les complications CV sont débattues (1).
D’un côté, l’essai ACCORD (2) a clairement démontré l’absence de bénéfice CV d’une cible < 120 mmHg vs < 140 mmHg. De l’autre, une revue systématique récente (3) concluait qu’une PAS < 140 mmHg réduisait l’incidence des AVC.
Au total, s’il est bien démontré que les antihypertenseurs réduisent les événements CV chez les patients DT2, la cible optimale à atteindre est indéterminée.
OBJECTIF
Évaluer les effets des antihypertenseurs sur la morbi-mortalité cardiovasculaire des patients DT2 selon la cible de PAS atteinte.
METHODE
Revue systématique de la littérature et méta-analyse des essais randomisés. Ces derniers ont été répertoriés dans les principales bases bibliographiques internationales, et les éventuelles données manquantes ont été récupérées auprès des auteurs, des compagnies pharmaceutiques et des autorités de régulation du médicament.
→ Les essais retenus devaient avoir inclus au moins 100 patients DT2 suivis au moins 1 an, et comparé un anti-hypertenseur à un placebo, deux antihypertenseurs à un seul, ou différentes cibles de PAS. Les principaux critères de jugement étaient la mortalité totale et cardiovasculaire, les infarctus du myocarde (IdM), les AVC et l’insuffisance cardiaque.
L’analyse statistique a été faite sur les risques relatifs de chaque essai secondairement « poolés » à l’aide d’un modèle à effet aléatoire stratifié sur les valeurs de la PAS à l’inclusion et les différences de PAS intra-groupes et intergroupes observées. Les résultats sont présentés en risque relatif (RR) avec un intervalle de confiance à 95%.
RESULTATS
Sur 235 essais répertoriés, 49 répondaient aux critères de sélection. Ils regroupaient 73 738 patients dont 8 916 provenant de 12 essais non publiés. La durée moyenne de suivi était de 3,7 ans. La différence moyenne de PAS entre les groupes traités et les groupes comparateurs en fin d’essai était d’environ 10 mmHg, quelle que soit la PAS à l’inclusion.
→ Quand la PAS moyenne à l’inclusion était >150 mmHg, le traitement antihypertenseur réduisait significativement la mortalité totale (RR = 0,89 ; IC95% = 0,80-0,99), la mortalité CV (RR = 0,75 ; IC95% = 0,75-0,99), les IdM (RR = 0,74 ; IC95% = 0,63-0,87), et les AVC (RR = 0,77 ; IC95% = 0,65-0,91). Idem pour la mortalité totale, les IdM et l’insuffisance cardiaque quand la PAS à l’inclusion était comprise entre 140 et 150 mmHg.
→ En revanche, quand la PAS à l’inclusion était < 140 mmHg, l’instauration ou le renforcement d’un traite-ment antihypertenseur augmentait significativement la mortalité CV (RR = 1,15 ; IC95% = 1,00-1,32). Enfin, la méta-régression préspécifiée au protocole a également montré une augmentation significative de la mortalité CV (RR = 1,15 ; IC95% = 1,03-1,29) et des IdM (RR = 1,12, IC95% = 1,03-1,22) pour chaque 10 mmHg en moins de PAS à l’inclusion quand elle était inférieure à 140 mmHg.
COMMENTAIRES
→ Débuté en 2011, ce travail suédois a eu du mal à surmonter les fourches caudines du BMJ. En bref, il conclut que quand la PAS d’un patient DT2 est ≥ 150 mmHg, l’instauration ou le renforcement d’un traitement antihypertenseur apporte un bénéfice petit mais significatif en termes de mortalité totale et CV. En revanche, si la PAS est < 140 mmHg, le bénéfice se transforme en petite mais significative augmentation de la mortalité CV.
→ Ce travail, qui complète les résultats de SPRINT (4) avait pour objectif d'éclairer le débat sur la PAS optimale des patients DT2. Il est peu probable que les auteurs atteignent leur but car leur travail a quelques faiblesses. Il porte sur les données agrégées des essais et non sur les données individuelles des patients.
Il ne tient compte ni des procédures de mesure de la PAS, ni des comorbidités associées au DT2, ni du risque CV global à l’inclusion, ni des traitements associés, en particulier des statines efficaces chez les patients DT2 en termes de prévention des événements CV. Enfin, il ne fournit aucune information sur les effets indésirables des antihypertenseurs.
→ Les résultats des essais randomisés impliquent des patients hypersélectionnés différents de ceux rencontrés en soins primaires qui sont, en général, plus âgés et polypathologiques.
En pratique, appliquer sans discernement les résultats des essais et des méta-analyses aux patients qui consultent en médecine générale peut conduire à des décisions zélées dont la balance bénéfice/risque favorable n’est pas démontrée dans cette population (5). Viser entre 140 et 150 mmHg de PAS est probablement le plus sage.
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