"Le syndrome d'apnées hypopnées obstructives du sommeil est une des premières causes d'HTA résistante", indique le Pr Mourad. "Dans certaines cohortes, la proportion de patients atteints de SAHOS peut ainsi atteindre 80 %".
Le SAHOS, dont la fréquence est largement sous estimée, constitue par lui-même un facteur de risque cardiovasculaire. C'est aussi un facteur indépendant pour le développement d'une HTA, via l'activation du système nerveux sympathique induite par les épisodes d'hypoxie cérébrale. Il existe une relation dose-réponse entre la sévérité du SAHOS et le risque de survenue de l'HTA. Le risque augmente à partir de valeurs faibles de l'index d'apnées hypopnées (› 5 événements respiratoires / h de sommeil) (encadré 1). Par rapport à une HTA essentielle, le SAHOS et l'HTA cumulent leurs effets sur la rigidité artérielle et la masse du ventricule gauche. Le SAHOS élève également le risque d'accidents coronariens et cérébrovasculaires, d'insuffisance cardiaque, de troubles du rythme et de la conduction, et augmente de 40 % le risque de présenter un syndrome métabolique (1).
LES SPECIFICITES DE L'HTA AU COURS DU SAHOS
-› L'une des particularités de l'HTA au cours du syndrome d'apnées du sommeil est la perte du cycle nycthéméral, le niveau tensionnel restant identique la nuit et le jour. L'examen clé pour diagnostiquer l'HTA du SAHOS est donc la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA), afin de repérer les sujets "non dippers". "Dans cette situation, l'automesure tensionnelle est prise en défaut, tout comme la mesure conventionnelle de la pression artérielle au cabinet médical". Par ailleurs, l'HTA s'associe fréquemment à une élévation de la fréquence cardiaque, diurne et nocturne, en lien avec l'hyperactivation sympathique. Classiquement, l'HTA du SAHOS est de type diastolique, mais en pratique, l'élévation tensionnelle est constatée à la fois sur la composante et diastolique. Enfin, l'HTA dans ce contexte est résistante au traitement (HTA non contrôlée sous trithérapie hypertensive incluant un diurétique).
-› "Ainsi, et comme le préconisent les recommandations françaises (2) et les recommandations européennes sur la prise en charge de l'HTA, le diagnostic de syndrome d'apnées du sommeil doit être évoqué devant toute HTA résistante, surtout si le morphotype du patient est compatible avec un SAHOS (obésité), s'il existe une hypersomnolence diurne ou si le patient (ou son conjoint) mentionne l'existence de ronflements (encadré 2). La question "Ronflez-vous" doit donc faire partie de l'interrogatoire de l'hypertendu. En cas de suspicion de SAHOS, le patient doit être orienté vers une consultation spécialisée dans l'exploration du sommeil". L'examen de référence est la polysomnographie au laboratoire de sommeil, avec enregistrement d'au moins 7 paramètres (1). "En pratique, étant données les difficultés d'accès à ce type de consultation, on peut utiliser en 1ère intention l'oxymétrie nocturne en ambulatoire, qui permet de visualiser dans un premier temps la présence d'épisodes de désaturation nocturne".
QUEL TRAITEMENT ?
-› "Si le lien de causalité entre SAHOS et HTA ne fait aucun doute, il faut organiser la prise en charge spécifique du SAHOS par ventilation en pression positive continue (PPC)". Deux métanalyses ont étudié l'efficacité de la PPC sur les chiffres de pression artérielle chez des patients atteints de SAHOS. Dans la méta-analyse de Haentjens (3), la PA moyenne des 24 heures est abaissée en moyenne de 1,69 mmHg dans le groupe traité par PPC (versus placebo ou PPC inefficace). Dans la méta-analyse de Bazzano (4), la PA moyenne dans le groupe PPC est réduite de 2,22 mmHg (-2,46 mmHg pour la PA systolique ; -1,83 mmHg pour la PA diastolique). "Ces résultats, modestes en apparence, concernent en fait un collectif de patients atteints de SAHOS, certains hypertendus et d'autres pas. Mais les sujets ayant les SAHOS les plus sévères et ceux ayant le niveau de PA initiale le plus élevé tirent un net bénéfice de la PPC, à condition de porter la PPC au moins 5 heures par nuit. Ces critères conditionnent l'efficacité de la PPC sur la baisse tensionnelle. L'amélioration porte aussi sur l'état général, la qualité du sommeil et plus généralement, la qualité de vie".
-› "S'agissant du traitement médicamenteux, l'HTA liée au SAHOS est une indication dans laquelle on peut déroger à la règle de la prise matinale des médicaments antihypertenseurs. La prise vespérale d'une partie du traitement (hors diurétiques) permet en effet de modifier le profil tensionnel du patient, avec restauration du cycle nycthéméral. On sait par exemple que les inhibiteurs du système rénine angiotensine n'ont pas la même efficacité selon que l'on administre la dose le matin ou le soir chez les sujets non dippers (5). C'est le principe de la chronothérapie, même si des travaux de confirmation sont nécessaires." Aucune classe médicamenteuse n'est à privilégier, d'autant que certains patients nécessitent une tri-, quadri-, voire une pentathérapie.
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