Le Collège national des gynéco-obstétriciens Français (CNGOF) a établi en octobre dernier des recommandations de pratique clinique sur les méthodes de contraception naturelles et les méthodes barrières destinées aux praticiens pour orienter leurs patientes sur le choix des techniques (1). Si ces techniques sont bien moins efficaces et plus contraignantes que les méthodes médicalisées, elles peuvent trouver leur place à certaines périodes de la vie de la femme ou du couple. Les femmes doivent être informées du mode d’emploi de ces méthodes, de leurs inconvénients et de leur niveau d’efficacité en pratique courante.
LES MÉTHODES DE CONTRACEPTION NATURELLE
Les contraceptions dites naturelles se définissent par l’absence d’utilisation de matériel ou de produit médical interférant avec le système reproductif.
De nos jours, deux catégories de femmes recourent aux méthodes naturelles. Celles sans diplôme, globalement moins informées sur les autres contraceptifs ou/et pour lesquelles un accès à une contraception médicalisée est problématique pour des raisons économiques. Et paradoxalement, depuis peu, des femmes très diplômées, très informées et qui à contre-courant de leur norme sociale refusent des risques liés aux hormones. Il est à noter que cette modification des pratiques contraceptives qui a débuté dans les années 2000 n’a pas donné lieu à une augmentation du taux d’IVG.
Il faut rappeler que ces méthodes ont des précautions d’emploi à respecter si l’on veut en augmenter l’efficacité. Elles ne protègent pas contre les infections sexuellement transmissibles (IST).
→ Selon le baromètre santé de 2016, la prévalence de ces méthodes reste faible et stable depuis plusieurs années. 4,6 % des femmes les utilisent, principalement celles de plus de 25 ans.
Principes des méthodes basées sur la détermination des périodes fertiles
Ces techniques reposent sur le fait qu’un rapport sexuel est possible s'il survient cinq jours avant et un jour après l’ovulation. L’identification des périodes fertiles se fait soit sur la constatation de symptômes (glaire, température), soit par la méthode du calendrier en calculant les jours fertiles.
Pour tourtes ces méthodes, la différence entre efficacité théorique (utilisation correcte et régulière, perfect use) et l’efficacité en pratique (utilisation courante, typical use) est d’autant plus importante que la moindre erreur dans leur utilisation fait courir un risque notable. De plus, la difficulté à gérer correctement ces méthodes tient au fait que la perception d’une utilisation correcte est très subjective.
→ Pour les méthodes basées sur la détermination de la période fertile, le taux de grossesse au bout d’un an est globalement de 4 % en pratique correcte et régulière, mais en pratique courante, il est évalué à 8 % en France. Dans l’enquête COCON en France, la durée d’utilisation les rend moins efficaces (18,8 % à deux ans). Près de la moitié des couples (48 %) abandonnent la méthode au bout d’un an, un taux qui s'élève à 86 % au bout de 4 ans.
Identification de la période fertile basée sur les symptômes
♦ Méthode de la glaire cervicale (Billings). Cette méthode se fonde sur l’appréciation par la femme de la modification de l’aspect de la glaire cervicale recherchée après introduction dans le vagin de deux doigts puis écartement pour apprécier la filance. La glaire devient plus abondante, plus limpide et plus élastique à l’approche de l’ovulation. Après l’ovulation, elle est plus épaisse et donc imperméable à la progression des spermatozoïdes. La fécondité diminue trois jours après la période où la glaire est la plus élastique et limpide. La méthode Billings prévoit donc une abstinence dès l’apparition de la glaire et jusqu’à quatre jours après l’apparition de la dernière glaire humide. Une étude rapporte un taux de grossesse de 1,3 % la première année, de 1,8 % la deuxième année et un taux de continuation de 51,8 %.
♦ Méthode des deux jours (Two-Days Method). La période fertile est évaluée sur la présence de la glaire cervicale. Si elle est présente à J-1 et le jour J (hier et aujourd’hui), la femme est “très fertile” ; si la glaire est présente le jour J ou la veille, la femme est considérée comme “fertile”, mais en l’absence de glaire à J0 et J-1, alors la probabilité de fertilité est “basse”. Une étude prospective de l’OMS sur 725 femmes montre que cette méthode présente un taux d’échec de 3 % quand les couples sont bien informés et observants. En pratique courante, ce taux est supérieur, variant de 6,3 % à 11,7 % selon les études.
♦ Méthode de la température basale. Cette technique repère l’augmentation du taux de progestérone par la mesure de la température chaque jour au réveil après au moins 6 heures de sommeil. Celle-ci doit au moins augmenter de 0,5 °C. Les rapports non protégés sont possibles trois jours après l’ascension thermique. Ce qui limite la possibilité des rapports à la phase post-ovulatoire. Une étude sur 502 couples a montré que le taux d’échec de la méthode est moindre chez ceux ayant des rapports en phase post-ovulatoire comparativement à ceux ayant des rapports en pré et post-ovulation (6,6 vs 19,3 per 100 années/femme).
♦ Méthode symptothermique. Cette technique combine l’observation de la glaire (pour déterminer le premier jour de fertilité) à celle de la température (pour identifier le dernier jour). Une étude sur 900 a montré qu’en utilisation correcte, le taux de grossesse sur 13 cycles était de 0,6 pour 100 femmes.
Identification de la période fertile basée sur le calendrier
♦ Méthode Ogino Knaus. Elle consiste à suivre et à noter sur 3 à 12 mois les cycles afin d’établir une moyenne de la période à risque avant d’utiliser la méthode. Le début de la zone fertile est évalué en soustrayant 20 jours du nombre de jours du cycle le plus court. La fin de la période est fixée en soustrayant 10 jours du cycle le plus long.
♦ Méthode des jours fixes. Aussi appelée Standard Day Method, cette technique suppose d’éviter tout rapport non protégé du 8e au 19e jour du cycle pour les femmes dont les cycles durent entre 26 et 32 jours. Une étude prospective a montré qu’avec une totale abstinence entre J8 et J19, le taux de grossesse à un an est de 4,8 % à 12 % en pratique courante. Par ailleurs, une revue de la littérature est très critique sur le taux d’efficacité de cette méthode et certains auteurs estiment même qu’un taux d’efficacité à 88 % serait surestimé.
La méthode de l’allaitement maternel et de l’aménorrhée (MAMA)
L’allaitement maternel est responsable d’une augmentation de la prolactine qui supprime ainsi la sécrétion de GnRH par l’hypothalamus, interrompant ainsi la sécrétion pulsatile de la FSH et de la LH et donc l’ovulation.
Cette méthode de l’allaitement maternel et de l’aménorrhée (MAMA) est très efficace (98 %) quand les trois critères suivants sont respectés : – être dans les 6 premiers mois qui suivent la naissance ; – être en aménorrhée (absence de saignement 10 jours après les saignements du post-partum) ; – faire un allaitement complet (jour/nuit) ou quasi complet (pas de plus de 4-6 heures d’intervalle entre deux tétées même la nuit) et exclusif.
La diminution des tétées (ne plus allaiter la nuit, introduire d’autres aliments, utiliser une tétine), ou être au-delà de 6 mois après la naissance augmente le risque de la reprise de l’activité ovarienne et le taux d’échec. La méthode est déconseillée en cas de contre-indication à l’allaitement.
La méthode du coït interrompu (ou retrait)
Durant le rapport, l’homme doit se retirer du vagin et de la sphère génitale avant que l’éjaculation ne survienne. Le sperme ne doit pas être en contact avec le vagin ni la vulve. L’efficacité est évaluée à 4 % en utilisation correcte et régulière mais en utilisation courante, le taux est de 10 % en France. Le risque d’échec augmente avec la durée d’utilisation (15,3 % au bout de 2 ans). La méthode du retrait n’est pas recommandée comme une technique de contraception en soi, ni même comme une alternative aux méthodes barrières durant la période fertile car le taux d’efficacité en pratique courante est faible.
LES MÉTHODES BARRIÈRES
Ces méthodes utilisent une barrière physique ou chimique pour bloquer les spermatozoïdes avant leur ascension dans la filière génitale. Les barrières physiques sont les préservatifs masculins et féminins, les diaphragmes et les capes cervicales. Les barrières chimiques sont les spermicides. Ces méthodes ont l’avantage de ne présenter que peu de contre-indications et d’effets secondaires. Et les préservatifs masculins et féminins protègent contre la majorité des infections sexuellement transmissibles (IST) et le VIH.
→ C’est le moyen le plus utilisé par les 15-19 ans (45,6 %), parfois en association avec la pilule (dans 16,0 % des cas). La proportion de femmes y ayant recours décline au fil de l’âge mais il reste utilisé par plus de 10 % d’entre elles après 40 ans.
Le préservatif masculin
Il protège des infections sexuellement transmissibles et du VIH dans le cas d’une pénétration vaginale, orale ou anale. Il n’existe pas de preuve de son efficacité préventive des néoplasies cervicales. Il n’est pas certain qu’il réduise le risque contamination par l’HPV. Le préservatif peut retarder l’éjaculation chez des hommes qui souffrent d’éjaculations précoces.
Le taux de grossesse en utilisation correcte et régulière est évalué à 2 % mais en utilisation courante, ce taux passe à 3,3 % en France. Le taux d’échec par rupture ou glissement semble plus important avec le préservatif en polyuréthane qu’avec celui en latex.
Son efficacité est élevée comparée aux autres méthodes barrières, à condition de respecter des règles rigoureuses d’utilisation pour la mise en place.
Le préservatif féminin
Il se présente sous forme de gaine en polyuréthane ou en nitrile et il présente un anneau interne flexible à glisser à l’intérieur du vagin. Il peut être mis en place par la femme à tout moment avant la pénétration et sans que le pénis soit en érection. Placé avant chaque rapport, il doit être retiré à la fin en tordant l’anneau externe afin que le sperme demeure dans la gaine. Il est à usage unique, comme le préservatif masculin. Le taux de grossesse en utilisation correcte et régulière est évalué à 5 % mais en utilisation courante, ce taux augmente à 21 % selon des études américaines. Le taux d’abandon à un an est de 51 %. Les principales causes d’échec sont la rupture, le glissement ou l’invagination du préservatif féminin lors du rapport ou lors de son retrait.
Diaphragme et cape cervicale
Le diaphragme est une coupelle souple en silicone montée sur une base circulaire à ressort. Il est positionné entre le cul-de-sac vaginal postérieur et en avant, la fossette formée par la symphyse pubienne. Il couvre le col de l’utérus et bloque l’entrée des spermatozoïdes.
La cape cervicale est une cupule en silicone à placer au fond du vagin et qui se positionne au niveau du col de l’utérus. Elle est maintenue par un effet ventouse. Pour une meilleure efficacité, diaphragme et cape doivent toujours être utilisés en association avec les spermicides.
Ces deux dispositifs peuvent être installés au moment du rapport sexuel mais aussi jusqu’à deux heures le précédant. Ils doivent être laissés en place pendant 6 heures après et retirés au plus tard dans les 24 heures (48 heures pour la cape). En cas de rapports successifs, ils sont laissés en place mais du gel spermicide doit être de nouveau appliqué.
Pour le diaphragme utilisé avec un spermicide, le taux de grossesse à un an en utilisation correcte et régulière est de 6 %, mais en utilisation courante ce taux passe à 12 %.
Pour la cape cervicale associée à un spermicide, le taux de grossesse en utilisation correcte est différent selon que l’utilisatrice est nullipare (26 %) ou multipare (9 %). En utilisation courante, les taux de grossesse passent respectivement à 32 % et à 16 %.
La taille du diaphragme ou de la cape doit être évaluée par un examen gynécologique préalable. Puis réévaluée après un accouchement ou un avortement du deuxième trimestre. Une modification de poids de plus ou moins 5 kg doit faire reprendre une mesure pour le diaphragme. Il n’est pas recommandé d’utiliser un diaphragme ou une cape cervicale dans les 6 semaines qui suivent un accouchement, en cas de prolapsus ou de malformation vaginale.
Les spermicides
Les spermicides se déposent sur la muqueuse vaginale pour prévenir la fécondation en tuant ou inactivant les spermatozoïdes dès le début de leur ascension dans la filière génitale. Le chlorure de benzalkonium est le seul principe actif commercial en France, sous forme de crème à 1,2 % et d’ovule contenant 18,9 mg de produit actif (Pharmatex1). Pour la France, l’enquête COCON a évalué leur efficacité à 22 % en utilisation courante et le taux d’abandon à un an à 48 %. Selon l’OMS, les spermicides sont les contraceptions les moins efficaces
Attention, les gels spermicides vendus en complément du diaphragme ou de la cape sont des gels de cellulose dotés d’une action mécanique et chimique du fait de leur pH acide. Ils n’ont pas été étudiés seuls et ne peuvent donc pas être recommandés sans diaphragme ou cape cervicale.
LES MONITEURS DE REPÉRAGE DE LA PÉRIODE FERTILE
• Commercialisés à l’origine pour repérer l’ovulation (en remplacement des courbes de température) quand il y a désir de grossesse, ces moniteurs ont été adaptés à la prévention des grossesses en association avec les méthodes naturelles. Une étude menée avec des moniteurs récents (mesurant dans les urines la LH et l’estrone 3 glucuronide pour repérer les périodes de haute fertilité) en combinaison avec la méthode Billings a montré une efficacité de 2,1 % en utilisation correcte et régulière et de 14,2 % en pratique courante. Une autre étude montre que le taux de grossesse est plus bas dans le groupe utilisant ces moniteurs qu’avec la méthode Billings seule (7 % vs 18,5 %). à noter que le Natural Cycle a obtenu la certification européenne et celle de la FDA.
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