Sonia B..., 2 mois, présente une urticaire généralisée, une toux et des vomissements moins de 5 minutes après la prise d’un biberon de lait, au moment d’un sevrage précoce. Chez cette enfant jusque-là nourrie exclusivement au sein, ces symptômes sont suffisamment évocateurs d’une allergie aux protéines du lait de vache (APLV) pour faire remplacer le lait de vache par un hydrolysat de caséine. Tous les symptômes disparaissent en 24-48 heures. L’APLV sera confirmée 3 semaines plus tard par la positivité des prick tests (PT) pour le lait et ses protéines. Le dosage des IgE sériques (IgEs) était positif pour le lait de vache. La réintroduction du lait de vache sera effectuée avec succès à l’âge de 8 mois. À 10 mois, après consommation d’œuf, l’enfant développe un angio-œdème et une urticaire : cette allergie à l’œuf guérira à 3 ans. À l’âge de 4 ans elle présente des crises d’asthme répétées : l’exploration allergologique montre une allergie aux acariens et au chat.
UNE OBSERVATION EXEMPLAIRE
L’APLV est la quatrième allergie alimentaire (AA) chez l’enfant après les AA à l’œuf de poule, à l’arachide (cacahuète) et au poisson. Toutefois, chronologiquement, c’est la première AA qui apparaît chez le nourrisson, comme dans notre cas au moment du sevrage. Si les estimations de prévalence sont très variables (0,5 à 7 %) on s’accorde sur des chiffres de 1,1 à 2,1 % chez l’enfant de la naissance jusqu’à 2 ans et demi (1,2). Les symptômes allergiques apparaissent typiquement au deuxième ou au troisième biberon de lait, mais le début peut se situer au premier chez un nourrisson déjà sensibilisé par des suppléments lactés pris à la maternité (the dangerous bottle). Toutefois, les études actuelles sur la tolérance alimentaire suggèrent que l’administration précoce de protéines du lait de vache, par exemple un supplément de lait en sus de l’allaitement au sein, pourrait promouvoir la tolérance au lait (3). Les symptômes de l’APLV sont digestifs (50-60 % des cas), cutanés (10-40 %), respiratoires (20-30 %) (4). L’anaphylaxie (10 %) peut mettre la vie en jeu (des décès ont été rapportés) (5).
L’EXPLORATION ALLERGOLOGIQUE POUR CONFIRMER
Le diagnostic, essentiellement clinique, est ici celui d’APLV IgE médiée, ce que confirme la positivité pour le lait (utiliser le lait que l’enfant a consommé) et le dosage d’IgEs (4). Toutefois, le bilan allergologique peut être initialement négatif : on parle alors d’intolérance aux protéines du lait de vache ou IPLV. Mais, au bout de quelques mois d’évolution d’une IPLV, l’exploration allergologique peut se positiver. Il n’est pas possible, comme pour d’autres aliments, d’établir une valeur seuil des IgEs dirigées contre le lait au-dessus de laquelle le diagnostic serait certain, mais la disparition rapide et définitive des symptômes après l’éviction du lait de vache et son remplacement par un hydrolysat est un critère suffisant.
UN TRAITEMENT SIMPLE : L’ÉVICTION DU LAIT DE VACHE
La formule de substitution est un hydrolysat de protéines ayant subi une hydrolyse poussée ne laissant subsister que des protéines de petit poids moléculaire de 5 000 daltons et des acides aminés libres. De nombreux cas d’allergies IgE-dépendantes aux hydrolysats ont été décrits (6,7) ce qui conduit à tester ces divers substituts pour choisir parmi ceux qui auront donné un PT négatif(8).
Important : I) les laits des autres mammifères (chèvre, brebis, ânesse, jument, chamelle) sont contre-indiqués (risque de réactions croisées) ainsi que des produits à la mode (jus de riz, d’amande, de châtaigne) inadaptés aux besoins nutritionnels du nourrisson (gros risques), II) les laits hypoallergéniques (laits HA) sont également contre indiqués dans le traitement de l’APLV. La réintroduction du lait de vache est effectuée vers 6-8 mois, couronnée de succès dans 60-70 % des cas. Globalement 90 % des APLV guérissent avant 15 ans. La réduction des IgEs de plus de 90 % en 1 an est associée à la guérison dans 94 % des cas (4). Actuellement on peut obtenir une induction de tolérance, voire la guérison d’une APLV réfractaire par l’immunothérapie par voie orale (9).
UNE ÉVOLUTION PAS TOUJOURS FAVORABLE !
Comme dans notre cas, les nourrissons atteints d’APLV ont plus de chances de développer d’autres allergies : AA (18 %), rhinite allergique (21 %), asthme (41 %) (4). L’AA au lait de chèvre et/ou de brebis est une allergie émergente qui peut survenir chez un sujet non atteint d’APLV (10) ou même après guérison de l’APLV, dans 1 cas sur 4 dans une étude récente (11). Les symptômes sont le plus souvent sévères (asthme, angio-œdème, anaphylaxie) (10,11). Ces laits sont très souvent masqués dans de nombreux produits et plats cuisinés : fromage contaminé, pizzas, pâtes cuisinées, viandes au fromage, bonbons, etc. Quel que soit l’âge, il existe plusieurs circonstances à risque d’ingestion de protéines masquées (12) (voir tableau sur legeneraliste.fr), l’une des plus récemment identifiée étant la présence de protéines du lait de vache – et également d’œuf – dans certains probiotiques (13,14) pouvant entraîner des symptômes allergiques potentiellement graves chez les sujets atteints d’APLV.
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