Hubert, 71 ans, consulte car, depuis quelques semaines, il présente une gingivite.
Comme le chirurgien-dentiste ne peut pas le prendre en charge rapidement, il souhaite recevoir un traitement du fait de la douleur qu'il ressent.
Nous connaissons très bien ce patient, même s’il consulte peu le corps médical, car nous le prenons souvent en charge en urgence : du fait d’une alcoolisation importante, ou parfois d’une dyspnée secondaire à une décompensation d’une BPCO (grand tabagique).
À l’examen de la cavité buccale de ce patient, dont l’hygiène dentaire est déplorable, nous remarquons un placard blanc au niveau de la partie latérale de la langue.
Compte tenu des addictions de ce patient, mais aussi de la présence de cette lésion linguale, qui est une leucoplasie, nous insistons sur le fait qu’il risque de graves problèmes de santé en refusant tout sevrage de son alcool et de son tabagisme.
INTRODUCTION
La leucoplasie est une affection observée le plus fréquemment au niveau de la muqueuse buccale (face interne des joues, de la commissure de la bouche, des lèvres, des gencives, du plancher buccal ou de la langue). Les muqueuses génitales peuvent aussi être concernées.
Sur un plan épidémiologique, sa prévalence est comprise entre 0,2 et 4 % de la population et touche préférentiellement les hommes ayant plus de 50 ans.
Des facteurs de risque peuvent expliquer la survenue de ces lésions : tabagisme (risque multiplié par six), consommation excessive d’alcool (dans 75 % des cas), mastication de noix de bétel, mauvaise hygiène de vie, VIH, candidose chronique, photoexposition pour les lèvres.
SYMPTOMATOLOGIE
Deux formes sont classiquement décrites :
La forme homogène
Elle est constituée d’une plaque peu épaisse de couleur blanche, uniforme, lisse, molle et bien limitée. Sa palpation est indolore et elle ne peut pas se détacher lors du grattage.
La forme dite inhomogène
On observe un placard ayant un contour irrégulier. L’épaisseur de la lésion varie, tout comme l’aspect, qui peut être verruqueux, parfois ulcéré, nodulaire ou polypoïde.
La couleur peut être blanche, mais aussi érythémateuse (on parle alors d’érythroplasie).
Comme pour la forme homogène, la lésion ne peut pas se détacher lors du grattage.
Cette forme peut parfois être symptomatique et donne des paresthésies, ou des douleurs suite à l’absorption de boissons chaudes ou acides.
DIAGNOSTIC
Il est clinique mais peut être complété par une analyse anatomopathologique, qui se révèle nécessaire en cas de doute car les leucoplasies conduisent à une transformation maligne (carcinome épidermoïde) dans 5 à 6 % des cas pour les formes homogènes, et 20 à 30 % des cas pour les formes inhomogènes. Et surtout, dès lors qu’elles sont situées au niveau du plancher buccal, le potentiel de transformation maligne est élevé (plus de 80 % des cas).
L’examen histologique permet de voir un épaississement de la couche kératinisée, et de la couche malpighienne qui réduit la visibilité de la vascularisation du tissu conjonctif.
L’existence d’une dysplasie modérée ou sévère est un indicateur de transformation maligne.
PRISE EN CHARGE
Préventive
Comme dans notre cas, il faut insister pour éviter et prendre en charge toute addiction au tabac et à l'alcool mais aussi améliorer l’hygiène buccale (recours régulier au chirurgien-dentiste dès l’apparition d’une gingivite ou d’une carie dentaire), éviter une photoexposition solaire.
Parallèlement, il est impératif d’effectuer une surveillance rapprochée du fait du potentiel de transformation maligne.
Curative
Il n’y a pas de consensus concernant la prise en charge. Un traitement par chirurgie au bistouri, laser (vaporisation ou excision), cryochirurgie de ces lésions peut être effectué dès lors qu’elles ont un potentiel important de transformation maligne.
Dr Pierre Francès (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Adam Merikhi (interne en médecine générale à Montpellier), Alexis Dalicier (externe à Montpellier), Jordan Huertas (externe à Toulouse)
BIBLIOGRAPHIE
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