Dermatologie

LA MALADIE DE KAPOSI

Publié le 02/10/2015
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Découverte de lésions nodulaires, parfois ulcérées, chez un patient de 41 ans, VIH positif non compliant aux traitements.

Nous connaissons bien Gérard, 41 ans, vivant dans la rue et VIH positif. Il est sous trithérapie. Mais ce patient voyage beaucoup et oublie régulièrement son traitement. Nous le voyons ce jour dans le centre de sans domiciles. Il présente des lésions nodulaires (certaines sont ulcérées) au niveau des membres inférieurs (cf. figure 1). Compte tenu de ses antécédents, nous avons effectué une biopsie d’une de ses lésions. Le diagnostic de sarcome de Kaposi a alors été posé.

LA MALADIE DE KAPOSI (MK)

Cette affection est une néoplasie vasculaire multiviscérale. L’origine infectieuse de cette pathologie est suspectée dès 1980. En fait grâce aux techniques d’amplification génique, il a été possible d’isoler l’ADN de l’herpès virus de type 8 (HHV-8). En conséquence, le virus HHV8 a été associé à toutes les formes épidémiologiques de la MK.

Différentes formes en fonction de la population étudiée

1. La forme classique ou méditerranéenne. Elle se rencontre le plus souvent chez les hommes ayant entre 50 et 70 ans provenant d’Europe du Sud ou de l’Est. Les lésions observées sont retrouvées au niveau des jambes. Une atteinte viscérale ou ganglionnaire est parfois objectivée.

2. La forme africaine ou endémique. On la retrouve chez près de 10 % des patients africains. Cette fois, ce sont les jeunes (ceux qui ont 30 ans) qui sont touchés.

3. La forme associée au VIH. Chez les patients VIH positifs, le risque de développer cette pathologie est

20 000 fois supérieur que pour le reste de la population. L’incidence de la MK auprès de ces patients est évaluée à 18 %. Les sujets atteints sont souvent des hommes jeunes. La plupart du temps il existe une corrélation entre le taux des lymphocytes TCD4 (inférieur à 500), et le développement de la MK.

4. La forme associée à une immunosuppression iatrogène. Le plus souvent il s’agit de la prescription d’immunosuppresseurs (transplantation d’organe surtout). Dans ce cas, les manifestations cliniques surviennent entre 1 et 2 ans après la mise sous traitement.

ASPECTS CLINIQUES

› Les lésions dermatologiques présentent classiquement trois aspects cliniques :

– les placards maculo-papuleux de couleur rouge ou pourpre qui se rencontrent sur les extrémités distales. Ces formations ne disparaissent pas à la vitropression, et leur taille peut varier. Progressivement ces lésions deviennent plus épaisses et donnent un aspect kératosique. Parfois un caractère bulleux est objectivé ;

– des formations papuleuses ou nodulaires. Elles sont objectivées d’emblée, ou secondairement à l’apparition des placards érythémateux. Ces entités angiomateuses sont pédiculées ou sessiles. Elles peuvent être associées (comme dans notre cas clinique) à des ulcérations plus ou moins hémorragiques ;

– La présence d’œdème qui peut précéder les plaques ou les nodules de plusieurs mois ou années. Ces œdèmes prennent le plus souvent le godet et peuvent (avec le temps) donner d’authentiques éléphantiasis.

› La MK donne également des atteintes ganglionnaires (10 % dans le cas d’une MK classique).

› En ce qui concerne le tube digestif, la cavité buccale est souvent le siège de lésions violines (cf. cliché 2). Le grêle, le côlon et l’estomac sont, du fait de lésions maculaires ou nodulaires, les lieux de saignements ou d’occlusions fonctionnelles. À côté du tube digestif, le foie, la rate, ou le poumon sont parfois le siège d’élection de lésions de Kaposi.

APPORT DE L’HISTOLOGIE POUR LE DIAGNOSTIC

C’est un examen fondamental pour poser avec certitude le diagnostic. On objective une prolifération de cellules endothéliales atypiques, et de cellules fusiformes. On retrouve aussi des infiltrats lymphocytaires. Il est aussi possible de noter des globules rouges extravasés à partir des néo-vaisseaux formés.

L’immunohistochimie met en évidence les anticorps anti-HHV8.

LE TRAITEMENT

Il varie en fonction de la nature de cette MK.

– Pour les formes classiques, on peut effectuer des exérèses chirurgicales dans les cas où les lésions restent très limitées. Pour les formes peu étendues, une radiothérapie simple est proposée. En revanche, si les lésions sont plus étendues il faut associer à la radiothérapie une chimiothérapie.

– Pour la forme endémique, on associe une radiothérapie à une chimiothérapie.

– Pour les formes liées à un traitement immunosuppresseur, on observera une régression des lésions à l’arrêt du traitement. Par contre, s’il n’est pas possible d’interrompre le traitement immunosuppresseur, ou si la régression de la MK n’est pas observée, il faut utiliser radiothérapie et chimiothérapie.

– Pour les formes associées au VIH, compte tenu de la diffusion viscérale de cette MK, il est préconisé de recourir à des traitements antirétroviraux. Certains auteurs recommandent l’interféron, la radiothérapie pour des lésions localisées, la vincristine intralésionnelle, ou la cryochirurgie pour les formes superficielles.

Dr Pierre Frances (Médecin généraliste 1 rue Saint Jean Baptiste 66650 Banyuls sur mer), Catherine Ah-Tech (Interne en médecine générale 34000 Montpellier), Suzanne Burgers (interne en médecine générale. Programme Hippokrates. Amsterdam. Pays-Bas).

Source : lequotidiendumedecin.fr