Pédiatrie

LA MALADIE DE KAWASAKI

Publié le 29/05/2020
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La maladie de Kawasaki est une vascularite aiguë touchant l’enfant de moins de 5 ans. Cliniquement, des manifestations cutanées dominent le tableau. Des complications vasculaires peuvent survenir la première semaine. Le traitement doit comporter précocement immunoglobulines et aspirine
Cliché 1 Œdème des lèvres avec fissuration

Cliché 1 Œdème des lèvres avec fissuration
Crédit photo : Photos : Dr Frances

Nous voyons en urgence le jeune Yanis, 4 ans, qui présente un œdème des lèvres avec fissuration depuis 24 heures (cliché 1). Ses parents, très inquiets, pensent que leur enfant va s’étouffer du fait d’un éventuel œdème de Quincke. Cliniquement, nous retrouvons une fièvre à 38°6 C (présente depuis une semaine), une langue framboisée (cliché 2), une adénopathie cervicale de 2 cm et un exanthème cutané (cliché 3). Compte tenu de ces éléments cliniques, nous décidons d’hospitaliser ce jeune patient atteint d’une maladie de Kawasaki.

INTRODUCTION

La maladie de Kawasaki a été décrite pour la première fois en 1967 par Tomisaku Kawasaki.

Une autre dénomination est aujourd’hui donnée à cette vascularite multisystématique aiguë : le syndrome fébrile aigu adéno-cutanéo-muqueux.

L’étiologie reste inconnue, mais l’agent causal responsable présente des caractères d’une pathologie infectieuse ayant un développement saisonnier.

L’importance et la gravité de cette pathologie seraient à rattacher avec une prédisposition génétique (gènes jouant un rôle dans la réponse immunitaire).

La maladie de Kawasaki touche le plus souvent les enfants entre 6 mois et 5 ans. Il s’agit de la première cause de maladie cardiovasculaire de l’enfant.

L’incidence est la plus importante dans les pays asiatiques : 264,8 cas/100 000 enfants, pour 4 à 25 cas/100 000 enfants en Europe.

Suite à la pandémie du Covid-19, de très rares cas d’enfants avec des symptômes s’apparentant à cette maladie ont été identifiés.

CLINIQUE

Ce diagnostic de maladie de Kawasaki est retenu devant toute fièvre importante et inexpliquée accompagnée d’autres manifestations cliniques dont quatre doivent être présentes pour poser ce diagnostic :

Une hyperthermie souvent importante (supérieure à 39 °C) depuis au moins 5 jours, et réfractaire au paracétamol.

• Une hyperhémie conjonctivale. Il s’agit d’une conjonctivite bulbaire bilatérale non purulente, et respectant la zone périlimbique.

• Une atteinte buccale avec une langue framboisée, et parfois une oropharyngite.

• Une chéilite avec des lèvres fissurées et érythémateuses parfois œdématiées.

• Une adénopathie cervicale non suppurative au diamètre supérieur à 1,5 cm, et le plus souvent isolée.

• Un exanthème polymorphe pouvant être morbilliforme ou scarlatiniforme (comme dans notre cas). Il peut également s’agir d’un érythème polymorphe, voire d’une éruption pustuleuse. Cet exanthème est souvent pathognomonique en cas d’observation au niveau du périnée.

• Un œdème et un érythème au niveau des mains et des pieds avec une desquamation périunguéale.

RETENTISSEMENT CARDIOVASCULAIRE

Au niveau des coronaires, on objective une destruction de la limitante élastique interne, une inflammation de la paroi, une prolifération myo-intimale, et la formation d’anévrismes (25 % des enfants atteints).

Ces anévrismes peuvent devenir géants et être responsables de thromboses (accidents ischémiques du myocarde).

Les anévrismes disparaissent, dans près de 50 % des cas, deux ans après le début de la maladie. Pour les 50 % restants, ils vont persister à l’âge adulte.

Même si dans 50 % des cas, une sténose coronarienne survient dans les deux premières années, certaines peuvent se produire plus tard, ce qui doit conduire à un suivi cardiovasculaire régulier.

Ces manifestations cardiovasculaires apparaissent entre le 3e et le 7e jour (excepté les sténoses coronariennes).

En parallèle, il peut aussi apparaître une péricardite, des valvulopathies secondaires à une altération des piliers, une myocardite liée à la destruction des myofilaments. Il est donc impératif de demander une imagerie cardiaque (échographie) ; dans des cas difficiles, cette dernière peut être complétée par une IRM des artères coronaires.

TRAITEMENT

Il repose sur l’administration d’immunoglobulines polyvalentes (2 g/kg) par voie intraveineuse. L’efficacité de ce traitement est optimale en cas de prise en charge entre le 7e et le 10e jour. Il réduit l’incidence des anévrismes dans près de 30 % des cas.

On adjoint à cette médication de l’aspirine à raison de 25 mg/kg/j, maintenue après normalisation de l’inflammation (généralement deux semaines), et poursuivie à raison de 3 à 5 mg/kg/j.

Une résistance à cette thérapeutique est observée dans 10 à 20 % des cas. Il faut dans cette situation administrer une deuxième fois les immunoglobulines, et ajouter un bolus de méthylprednisolone sur trois jours (30 mg/kg/j).

Un contrôle cardiovasculaire échographique est recommandé à J15 et deux mois après le début de la maladie (date où l’aspirine est généralement arrêtée).

Bibliographie

1. Bressieux- Degueldre S, Schaffner D, Hofer M, et al. Maladie de Kawasaki : mise à jour. Revue Médicale Suisse 2018 ; 14 : 384-389.

2. Mancini AJ, Krowchuk DP. Dermatologie de l’enfant. Ed. Elsevier Masson 2016.

3. Cohen BA. Dermatologie pédiatrique. Ed. Med’com 2007.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Neil Metclafe (médecin généraliste, programme Hippokrates, York, UK), Justine Chevrier (interne en médecine générale à Montpellier), Benjamin Bosc (externe à Nîmes).

Source : Le Généraliste: 2913