DES MESURES DE PROTECTION SOCIALE
Aujourd’hui, plus de 700 000 personnes bénéficient d'une mesure de protection (tutelle ou curatelle). Avec le vieillissement de la population et la survie prolongée d’handicapés sévères, le nombre de majeurs à protéger ne peut qu'augmenter. Afin de désencombrer le système judiciaire, un nouveau régime est entré en vigueur le 1er janvier 2009 et apporte des réponses différentes selon que les difficultés relèvent d’une pathologie médicale ou sociale. Les mesures classiques de protection par tutelle ou curatelle et la sauvegarde de justice demeurent avec quelques aménagements (notamment dans leur durée ramenée à 5 ans), mais elles ne concernent maintenant que les personnes atteintes de troubles ou handicaps mentaux. L'innovation est la création d'un dispositif social baptisé MASP (Mesure d’Accompagnement Social Personnalisé) destiné aux personnes en difficultés économiques ou sociales (cf surendettement, oisiveté…). Ce dispositif est à la charge des départements, il n'est pas "médicalisé" et ne passe pas par le Juge des Tutelles. La loi prévoit, qu'en cas d'échec d'une MASP, le Juge pourra prononcer une MAJ (Mesure d'Accompagnement Judiciaire), dont l'application est limitée au contrôle de la gestion des prestations sociales (cf. précarité, préservation des allocations familiales).
Autre nouveauté, le mandat de protection future qui permet à chacun de désigner à l’avance le mandataire choisi en cas de déficience ultérieure et qui permet aux parents d'un enfant handicapé d'organiser la prise en charge de cet enfant après leur décès. Ce mandat, rédigé sous seing privé ou notarié, est déclaré au Tribunal de Grande instance et s'applique, sans intervention du Juge, dès la constatation médicale de l'incapacité.
Les mesures de protection ne sont pas "figées" : le patient peut passer d'une tutelle à une curatelle en cas d'amélioration de son état, ou l'inverse en cas d'aggravation et une mainlevée de ces mesures est toujours possible en cas de "guérison".
LES TROIS TYPES DE PROTECTION JURIDIQUE
-) Sauvegarde de justice. Cette protection est d'application immédiate, mais temporaire ; elle est prise dans l’attente d'une curatelle, d’une tutelle, ou d'une mainlevée si le patient a récupéré ses facultés (cf. AVC, accident avec coma…).
La loi a créé une Sauvegarde de Justice "médicale", dont la particularité est de pouvoir être prononcée par le Procureur, sans intervention d'un médecin expert, si le certificat médical est suffisamment circonstancié (cf encadré ci dessous).
-) La tutelle. Il s’agit de protéger une personne lorsqu’elle a besoin "d’être représentée en permanence dans tous les actes de la vie civile". La tutelle suppose une altération sérieuse des facultés mentales et/ou physiques (cf maladie d'Alzheimer, démences, pathologie psychiatrique lourde…). Le majeur sous tutelle ne peut plus exercer son droit de vote, mais il conserve (de façon explicite dans la nouvelle loi) la possibilité de choisir son lieu de vie, tant qu'il peut exprimer cette volonté. Le tuteur, désigné par le Juge, agit en lieu et place de la personne concernée, pour la gestion des biens. Rappelons que la Loi du 4/3/2002 a donné au tuteur un accès aux informations médicales concernant le majeur protégé.
-) La curatelle. Concerne les personnes qui ont besoin "d’être conseillées, contrôlées ou assistées". La curatelle concerne des pathologies médicales laissant au patient une certaine compréhension mais des décisions incertaines (cf. retard intellectuel "léger", certaines trisomies, travailleurs handicapés en CAT, dépression ou psychoses chroniques, éventuellement aveugles…). Le majeur sous curatelle conserve ses droits civiques (droit de vote, mariage, testament), mais il est en quelque sorte sous « liberté surveillée », avec plusieurs graduations possibles dans le contrôle. Le curateur, nommé par le juge, n'intervient généralement qu'au delà d'un certain seuil financier (possibilité d'une carte bancaire limitée à des retraits plafonnés).
L'alcoolisme (et autres addictions) ne relèvera d'une protection juridique, que par l'existence de troubles psychiatriques (déclenchant ou compliquant), sinon il relèvera d'une MASP.
EN PRATIQUE
Tout Médecin Généraliste est forcément concerné par les mesures de protection juridique et toute requête transmise au Juge des Tutelles doit être accompagnée d'un "certificat médical circonstancié", d'après les termes du code de procédure civile. Le médecin traitant doit donc mentionner l'altération mentale du majeur dans son certificat et décrire les incompétences (cf encadré). Cette altération des facultés mentales devra être confirmée par un 2 ème certificat, établi par un médecin expert inscrit sur une liste établie par le procureur de la République et le juge des tutelles ne se prononcera qu'après audition du majeur à protéger, entretien avec la famille et le futur curateur (ou tuteur), enquête sociale si nécessaire.
Le Juge des Tutelles doit choisir le mécanisme le plus "léger" pour assurer la protection du majeur (c'est inscrit dans la loi) et, en principe, il nommera comme tuteur ou curateur, en priorité la personne vivant avecle majeur, ou à défaut un membre de sa famille, voire "un proche entretenant des liens étroits et stables avec ce majeur".
-) Déclenchement d'une mesure de protection. La nouvelle Loi oblige à faire tous les signalements au Procureur de la République (Tribunal de Grande Instance), puisque le Juge des Tutelles (Tribunal d’Instance) ne peut plus se saisir lui-même des dossiers dont il a connaissance (il est obligé de les adresser au Procureur afin d'être saisi par ce dernier, en retour). Le signalement est effectué par courrier émanant soit de la famille, soit d’un proche, soit d'un service social, soit d’un médecin hospitalier, qui a l’obligation de signaler les personnes hospitalisées présentant une atteinte de leurs facultés mentales empêchant la gestion de leurs biens. Plus rarement le médecin traitant pourra être amené à signaler lui même au Procureur un patient dont l'altération des facultés mentales ne permet plus la gestion de ses affaires (il n’y est pas obligé légalement, mais moralement dans l'intérêt du patient).
LE ROLE DU MÉDECIN TRAITANT
Nouvelle loi, nouvelle mission ! Le certificat médical "circonstancié" du médecin traitant (Généraliste le plus souvent, parfois Psychiatre, voire Neurologue ou Gériatre) étant nécessaire à l'ouverture de la mesure de protection, le Généraliste sera surtout sollicité par les familles, mais il pourra aussi être sollicité directement par le Juge des tutelles et devra y répondre dans l'intérêt de son patient. Le certificat circonstancié précisera « Je soussigné Dr XXX certifie avoir examiné Mr ou Mme YYY" et décrira les troubles constatés en concluant que « Cette altération des facultés mentales nécessite une mesure de protection juridique», en précisant si possible « de type curatelle » ou « de type tutelle ». Les exemples ci-dessus aideront le praticien à s'orienter dans le choix de la mesure, mais en cas de doute ou de difficultés, il peut conclure " mesure de protection à préciser par Expert ou avis spécialisé". Le diagnostic peut être mentionné dans ce certificat, mais la description des troubles répond mieux à la notion de certificat circonstancié et s'avère souvent plus utile qu'une "étiquette" parfois péjorative, qui ne renseigne pas sur les facultés de gestion "restantes".
Les nouvelles missions concernent l'allégement des mesures, leur mainlevée et leur renouvellement, puisque la loi prévoit qu'un certificat circonstancié du Médecin traitant suffira au Magistrat pour prendre sa décision, sans recours à l'expert. Un tel certificat, qui ne porte pas atteinte au secret médical puisqu'il est remis au patient, permettra au majeur un allégement rapide de sa mesure (s'il est vraiment circonstancié). Les difficultés commenceront lorsque le médecin traitant ne sera pas du même avis que son patient sur l'allégement de la mesure, mais ces difficultés peuvent se résoudre facilement en rédigeant un certificat au conditionnel " pourrait bénéficier d'un allègement de sa mesure de protection " ou avec une mention du genre "sous réserve d'un avis d'Expert".
Si le médecin traitant effectue rarement de lui-même le signalement d'un de ses patients, il a beaucoup plus souvent à conseiller à la famille d’un patient ou au patient lui-même, d’envisager une mesure de protection. Le médecin devra aussi informer ses patients de la nouvelle possibilité d'un mandat de protection future. Ses conseils seront également très utiles pour "préparer" les parents d'enfants handicapés, qui ont toujours du mal à admettre qu'à la majorité de leur enfant, ce dernier devient légalement responsable, alors qu’il ne l'est pas mentalement et que sa protection passe par une curatelle ou une tutelle. Un autre conseil encore utile sera d'informer, à bon escient, les parents d'enfant handicapés de la possibilité d'organiser la prise en charge de leur enfant après leur décès.
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