QUE FAIRE DEVANT UNE ÉRUPTION ?

LA PEMPHIGOÏDE BULLEUSE

Publié le 09/12/2016
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Avec une incidence annuelle de 3 patients/100  000, la pemphigoïde bulleuse est la plus fréquente des dermatoses bulleuses auto-immunes.
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Crédit photo : Dr P.Senet

Cette patiente de 85 ans consulte pour un prurit d’aggravation progressive depuis 6 mois. Depuis 1 mois, il existe une éruption sur les faces latérales du cou, le tronc et les membres, évoluant par poussées, sans rémission entre les poussées (voir photos 1 et 2). Son traitement régulier associe ibésartan/hydrochlorothiazide, warfarine ; en cas de douleur arthrosique, elle prend ponctuellement du paracétamol et du diclofénac. Elle vit avec son mari, est en bon état général. Elle est apyrétique. L’examen physique ne retrouve pas d’autre anomalie. Elle a apporté les résultats d’une NFS sur laquelle vous remarquez une hyperéosinophilie à 2 000/mm3.

DES CRITÈRES DIAGNOSTIQUES BIEN DÉFINIS

Le diagnostic de pemphigoïde bulleuse (PB) est clinique :
– Âge > 70 ans.
– Absence de cicatrices atrophiques.
– Pas de prédominance sur la tête et le cou.
– Pas de lésion muqueuse.
Au moins 3 critères sur 4 sont nécessaires. La valeur prédictive positive est alors de 97 %. Il existe évidemment des formes trompeuses : formes localisées (prétibiales ; dyshidrosiformes), des formes touchant le visage ou atteignant les muqueuses.
Le diagnostic est confirmé par une biopsie : histologie sur la bulle et immunofluorescence directe sur la peau péribulleuse retrouvant des dépôts d’IgG et de C3. 70 % des patients présentent des anticorps circulants anti-membrane basale, mais ce n’est pas un marqueur d’évolutivité. L’hyperéosinophilie est fréquente.
 

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PLUSIEURS DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS

L’association prurit plus hyperéosinophilie peut faire évoquer une gale, une dermatite atopique, une toxidermie ou encore un lymphome cutané.
Il existe évidemment d’autres éruptions bulleuses : autres dermatoses bulleuses auto-immunes, impétigo, épidermolyse staphylococcique, toxidermie.

LE TRAITEMENT PAR DERMOCORTICOÏDES

En première intention, on prescrit des dermocorticoïdes de classe I qui sont appliqués partout, sauf sur le visage.
Le schéma classique utilise le clobétasol en crème : 40 g/j pendant 1 mois, puis 20 g/j pendant 1 mois, puis 10 g/j pendant 2 mois, puis 10 g tous les 2 jours pendant 4 mois, puis 10 g 2 fois par semaine pendant 4 mois. Un tube de Dermoval® pèse 100 grammes.
Avec ce traitement local « classique », la mortalité à 1 an de la PB modérée est la même qu’avec le traitement oral (de l’ordre de 30 %), pour une iatrogénie moindre. Dans la PB extensive, la mortalité à 1 an est de 24 % sous traitement localn contre 41 % avec le traitement oral.
Il existe un schéma allégé : 1 application par jour le premier mois, puis tous les 2 jours pendant 1 mois, puis 2 fois par semaine pendant 1 mois, puis 1 fois par semaine le 4e mois. La dose quotidienne est de 10 g (formes localisées), 20 g (PB diffuse pauci-bulleuse : moins de 10 nouvelles bulles parjour) ou 30 g (PB diffuse multibulleuse : plus de 10 nouvelles bulles par jour). Avec le schéma allégé, l’efficacité clinique et la morbimortalité sont identiques au protocole classique, mais le risque de rechute à 1 an est supérieur : 47 % contre 36 %.

SURVEILLER LE PATIENT TRAITÉ

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Une dose quotidienne de 10 g de clobétasol n’impose pas de surveillance particulière. Par contre, à partir de 20 g/j, les risques généraux de la corticothérapie apparaissent et justifient une surveillance du poids, de la TA, de la glycémie, de l’état cardio-vasculaire et de l’amyotrophie. Il existe un risque d’insuffisance surrénale aiguë à l’arrêt du traitement. Localement, il existe un risque d’atrophie cutanée : peau sèche et fragile, purpura, dermabrasions (voir photo 3). Ces effets secondaires peuvent participer à une mauvaise compliance, cause fréquente de rechute. De même, la décroissance posologique trop rapide est source de rechute. La corticodépendance, redoutée, est beaucoup plus rare.

Dr Julie Van Den Broucke (médecin généraliste), d’après les communications des Drs Patricia Senet, service de dermatologie, Hôpitaux universitaires Paris Est et Marc Bayen, (CNGE).

Source : lequotidiendumedecin.fr