INTRODUCTION
Parce que les prescriptions d’antibiotiques dans des indications non validées ou sur des durées prolongées majorent le risque futur de résistances bactériennes, la Haute Autorité de santé (HAS) propose des fiches pratiques courtes sur les prescriptions de première intention (famille et durée) des 19 infections bactériennes les plus courantes en pratique de ville (1). La HAS standardise les prises en charge et les durées d’antibiothérapie.
Des cystites aux pyélonéphrites et aux urétrites, ces recommandations permettent de confirmer que la durée totale de l’antibiothérapie doit être limitée à 10 jours au maximum en ambulatoire.
LES CYSTITES
Les cystites représentent l’un des recours pour infection bactérienne les plus fréquents en médecine générale. Si la plupart des femmes présentent des infections vésicales simples, il est essentiel de prendre en compte des éventuels facteurs de risque afin d’adapter le traitement.
LES FACTEURS DE RISQUE DE COMPLICATION DES INFECTIONS URINAIRES
Ces facteurs de risque incluent la grossesse, toute anomalie organique ou fonctionnelle de l’arbre urinaire, l’insuffisance rénale sévère (débit de filtration glomérulaire < 30 ml/min), l’immunodépression grave, un âge supérieur à 75 ans ou supérieur à 65 ans avec au moins trois critères de Fried (perte de poids involontaire au cours de la dernière année, vitesse de marche lente, faible endurance, faiblesse/fatigue, activité physique réduite). Le diabète, de type 1 ou 2, n’est pas un facteur de risque de complication.
La cystite aiguë simple (aucun facteur de risque de complication)
Le diagnostic est clinique, associant une pollakiurie, des brûlures mictionnelles et des urgenturies. La présence d’une hématurie macroscopique est fréquente (30 %) et ne constitue pas un signe de gravité de l’infection. La réalisation d’un examen cytobactériologique des urines (ECBU) n’est pas systématique ; la recherche de leucocytes et nitrites positifs par réalisation d’une bandelette urinaire (BU) l’est en revanche.
En première intention, le traitement repose sur l’association fosfomycine-trométamol, 3 g en prise unique. En deuxième intention, il est possible de recourir au pivmécillinam (400 mg 2 fois par jour pendant 3 jours). Les autres antibiotiques ne sont pas indiqués.
L’ECBU n’est plus recommandé de façon systématique, sauf en cas d’évolution défavorable (persistance ou aggravation des signes cliniques après 3 jours ou de récidive précoce dans les 2 semaines).
La cystite aiguë à risque de complications (avec au moins 1 facteur de risque)
En présence de facteurs de risque, la réalisation d’une BU est systématique. En cas de positivité, un ECBU doit être prescrit.
L’ECBU est considéré comme positif si la leucocyturie est supérieure ou égale à 104/ml et la bactériurie supérieure ou égale à 103 UFC/ml pour Escherichia coli, Staphylococcus saprophyticus ou supérieure ou égale à 104 UFC/ml pour les autres bactéries. Il est inutile de traiter une colonisation urinaire (ECBU positif sans symptomatologie clinique), sauf chez les femmes enceintes ou en cas de chirurgie urologique programmée.
Si le traitement ne peut être différé, un traitement probabiliste avec adaptation secondaire systématique à l’antibiogramme doit être prescrit. En première intention, et en l’absence d’insuffisance rénale avec un débit de filtration glomérulaire < 45 ml/min ou de traitements itératifs, la nitrofurantoïne est le traitement de référence (100 mg 3 fois par jour pendant 7 jours). En deuxième intention, l’association fosfomycine-trométamol est recommandée (3 g en prise unique).
Si cela est possible (signes cliniques peu invalidants), un traitement différé adapté à l’antibiogramme doit être privilégié. Par ordre de préférence et selon l’antibiogramme, l’amoxicilline (1 g 3 fois par jour pendant 7 jours) est le traitement de première intention, suivi du pivmécillinam (400 mg 2 fois par jour pendant 7 jours), et, en troisième intention, la nitrofurantoïne (100 mg 3 fois par jour pendant 7 jours).
L’ECBU de contrôle n’est pas systématique sauf en cas d’évolution défavorable (persistance ou aggravation des signes cliniques après 3 jours ou récidive précoce dans les 2 semaines).
La cystite aiguë récidivante (au moins 4 épisodes pendant une période de 12 mois)
Le traitement curatif d’un épisode de cystite récidivante est identique à celui des cystites simples. La prévention des récidives et un bilan étiologique doivent être discutés idéalement avec un urologue. Il convient d’informer la patiente sur la notion d’apports hydriques suffisants, sur l’importance des mictions non retenues. Le transit intestinal doit être régulé et les spermicides évités.
La canneberge peut être proposée en prévention des cystites récidivantes à E. coli, à la dose de 36 mg/j de proanthocyanidine. Chez les femmes ménopausées et après avis gynécologique, des œstrogènes peuvent être prescrits en application locale.
Si les infections sont particulièrement fréquentes (au moins un épisode par mois), une antibioprophylaxie peut être proposée après réalisation d’un ECBU initial. Deux traitements peuvent être proposés en première intention : soit l’association fosfomycine-trométamol (3 g en prise unique tous les 7 jours au maximum ou dans les 2 heures précédant ou suivant le rapport sexuel en cas de cystites post-coïtales), soit le triméthoprime (150 mg par jour, 1 fois par jour maximum, au coucher ou dans les 2 heures précédant ou suivant le rapport sexuel en cas de cystites post-coïtales). Le cotrimoxazole est un traitement de deuxième intention (400 mg/80 mg par jour à prendre au coucher ou dans les 2 heures précédant ou suivant le rapport sexuel en cas de cystites post-coïtales).
La nitrofurantoïne est contre-indiquée, les fluoroquinolones et bêta-lactamines doivent être évitées.
LA COLONISATION URINAIRE ET LA CYSTITE CHEZ LA FEMME ENCEINTE
La survenue d’une éventuelle infection urinaire est très surveillée lors d’une grossesse. Chez les femmes sans risque antérieur d’infection urinaire, une bandelette urinaire (BU) mensuelle doit être réalisée à partir du 4e mois de grossesse. Si cette BU est positive (leucocytes et/ou nitrites positifs), alors un examen cytobactériologique des urines (ECBU) doit être réalisé.
Chez les femmes à risque antérieur d’infection urinaire (uropathie sous-jacente organique ou fonctionnelle, diabète, antécédents de cystite aiguë récidivante), un ECBU est réalisé à la première consultation de suivi de grossesse, puis tous les mois à partir du 4e mois.
La colonisation urinaire chez la femme enceinte
Chez les femmes enceintes, on parle de colonisation urinaire lorsqu’il existe une bactériurie ≥ 105 UFC/ml monomicrobienne sans manifestations cliniques associées, quel que soit le niveau de leucocyturie.
Le traitement doit être adapté aux résultats de l’antibiogramme : il ne débute donc qu’à la réception des résultats (pas de traitement probabiliste, donc). Plusieurs lignes de traitements sont détaillées dans les recommandations de la HAS. L’amoxicilline (1 g 3 fois par jour pendant 7 jours) est le traitement de première intention, le pivmécillinam (400 mg 2 fois par jour, pendant 7 jours) représente une alternative de deuxième intention, l’association fosfomycine-trométamol (3 g en prise unique) et le triméthoprime (300 mg par jour pendant 7 jours, à éviter avant 10 semaines d’aménorrhée) suivent dans les ordres de choix de prescription.
Un ECBU de contrôle doit être prescrit 8 à 10 jours après l’arrêt du traitement, puis un ECBU mensuel est nécessaire jusqu’à l’accouchement.
La cystite aiguë de la femme enceinte
La réalisation d’un ECBU est impérative en cas de cystite aiguë chez une femme enceinte. L’interprétation des résultats doit être rigoureuse : l’ECBU est considéré comme positif si la leucocyturie est supérieure ou égale à 104/ml et la bactériurie supérieure ou égale à 103 UFC/ml pour Escherichia coli, Staphylococcus saprophyticus et supérieure ou égale à 104 UFC/ml pour les autres bactéries.
Un traitement probabiliste doit être débuté sans attendre le résultat de l’antibiogramme : fosfomycine-trométamol (3 g en prise unique) en première intention, pivmécillinam (400 mg 2 fois par jour pendant 7 jours) en deuxième intention.
En cas d’échec ou de résistance (c’est-à-dire que l’antibiotique probabiliste n’est pas adapté au résultat de l’antibiogramme), l’amoxicilline (1 g 3 fois par jour pendant 7 jours) constitue le traitement de première intention, le triméthoprime (300 mg par jour pendant 7 jours, à éviter avant 10 semaines d’aménorrhée) vient en deuxième intention, la nitrofurantoïne (100 mg 3 fois par jour pendant 7 jours) en troisième intention, et le cotrimoxazole (800 mg/160 mg 2 fois par jour pendant 7 jours, à éviter avant 10 semaines d’aménorrhée) ou l’association amoxicilline + acide clavulanique (1 g 3 fois par jour pendant 7 jours) en quatrième intention.
Un ECBU de contrôle doit être réalisé 8 à 10 jours après l’arrêt du traitement, puis mensuellement jusqu’à l’accouchement.
LES PYÉLONÉPHRITES
La pyélonéphrite aiguë simple (aucun facteur de risque de complication)
Cliniquement, un diagnostic de pyélonéphrite aiguë doit être évoqué devant une lombalgie (spontanée ou à la palpation/percussion) généralement unilatérale, irradiant vers le pelvis, associée à une fièvre. Parfois, des signes digestifs peuvent être au premier plan. La réalisation d’une bandelette urinaire (BU) est systématique, et en cas de positivité, un ECBU est nécessaire. En revanche, il n’est pas indiqué de réaliser des hémocultures ou d’autres examens biologiques. Une échographie rénale est souhaitable dans les 24 premières heures en cas de pyélonéphrite hyperalgique ou d’évolution défavorable après 72 heures d’antibiothérapie.
Le traitement est fondé sur une antibiothérapie en deux temps : un traitement probabiliste mis en place dès la prise en charge et en l’attente de l’ECBU, puis, dans un second temps, un traitement adapté à l’ECBU (traitement de relais).
Un traitement probabiliste en attendant l’antibiogramme (débuté immédiatement après réalisation de l’ECBU) est indiqué : en première intention et en l’absence de traitement par quinolone dans les 6 mois précédents, une fluoroquinolone par voie orale est de mise (ciprofloxacine : 500 mg 2 fois par jour ou lévofloxacine : 500 mg par jour). En deuxième intention ou en cas de prise de fluoroquinolones dans les 6 mois, il est possible de prescrire des céphalosporines de 3e génération par voie parentérale : ceftriaxone (IM, IV) (1 g par jour ou 2 g par jour si signes de gravité ou patient obèse : IMC > 30).
Le traitement de relais prend en compte la notion de désescalade (molécule active avec le spectre le plus étroit). Par ordre de préférence, la HAS conseille l’amoxicilline (1 g 3 fois par jour pendant 10 jours), le cotrimoxazole (800 mg/160 mg 2 fois par jour pendant 10 jours), l’association amoxicilline-acide clavulanique (1 g 3 fois par jour pendant 10 jours), la ciprofloxacine (500 mg 2 fois par jour ou lévofloxacine 500 mg 1 fois par jour ou ofloxacine 200 mg 2 fois par jour pendant 7 jours), le céfixime (200 mg 2 fois par jour pendant 10 jours) ou la ceftriaxone (1 g à 2 g par jour pendant 7 jours).
Une réévaluation clinique doit être systématique à 72 heures afin d’adapter le traitement à l’ECBU. En cas d’évolution clinique défavorable, le traitement sera adapté aux premiers résultats d’ECBU et un nouvel examen des urines sera prescrit.
La pyélonéphrite aiguë à risque de complication (sans signe de gravité)
L’existence d’au moins un facteur de risque de complication doit inciter à une surveillance rapprochée. La réalisation d’une BU, et, en cas de positivité, d’un ECBU, doit être associée à un bilan biologique (CRP, créatinine). Un uroscanner est indiqué, le plus souvent en urgence, et au plus tard dans les 24 heures. En cas de contre-indication, une échographie rénale peut être proposée.
Le traitement antibiotique, probabiliste ou de relais est comparable à celui de la pyélonéphrite simple, sans signe de gravité, pour une durée de 10 jours si l’évolution est rapidement favorable. Une réévaluation clinique à 72 heures est impérative sans ECBU de contrôle si l’évolution est favorable.
L’URÉTRITE ET LA CERVICITE
Les agents infectieux le plus fréquemment en cause en France sont Neisseria gonorrhoeae et Chlamydia trachomatis (seuls ou associés). En présence de signes d’urétrite ou de cervicite, un prélèvement bactériologique conventionnel et une PCR sont indispensables avant tout traitement antibiotique. Une recherche des autres infections sexuellement transmissibles (IST) doit être associée.
Le traitement antibiotique probabiliste associe un traitement antigonococcique par ceftriaxone (1 g IM ou IV en une seule injection) ou en cas de contre-indication aux bêta-lactamines une antibiothérapie guidée par l’antibiogramme, et un traitement anti-Chlamydia par doxycycline (200 mg par jour per os en 2 prises pendant 7 jours) ou azithromycine (1 g per os en prise unique).
Une consultation de contrôle est nécessaire à J3 en cas de persistance des symptômes. Elle permet d’adapter le traitement à l’antibiogramme si nécessaire. La consultation de contrôle à J7 est systématique afin de contrôler la guérison clinique, de procéder au retour des résultats du bilan d’IST et à des conseils de prévention.
Dr Isabelle Catala (rédactrice), Dr Audrey Pichon (urologue, hôpital André-Mignot, Le Chesnay-Versailles)
BIBLIOGRAPHIE
1. Choix et durées d’antibiothérapie préconisées dans les infections bactériennes courantes. Recommandation de bonne pratique HAS, 15 juillet 2021.
2. E Pilly infectiologie ECN. https://www.infectiologie.com/UserFiles/File/formation/ecn-pilly-2020/e…
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