INTRODUCTION
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent en France (16 % des cancers et 28 % des cancers chez l’homme), mais il n’est responsable que de 10 % des décès par cancer chez l’homme et de 3 % des décès toutes causes confondues. La plupart des cancers de la prostate ont une évolution lente, et seules les formes susceptibles d’impacter le pronostic vital justifient un traitement. Ainsi, la prise en charge doit tenir compte du pronostic évolutif de la maladie et du contexte de survenue. L’objectif principal de la surveillance active (SA) est d’éviter un traitement non justifié par une faible agressivité tumorale. Entre 2017 et 2019, 12,8 % des patients atteints d’un cancer de la prostate ont été pris en charge en surveillance active dans le département de l’Hérault (1).
DÉFINITIONS
Il est nécessaire de commencer par définir le sujet et en particulier le comparatif surveillance médicale active versus abstention-surveillance.
L’objectif de la surveillance active est de différer le traitement à un stade tumoral plus évolué mais qui reste dans la fenêtre de curabilité. Cette approche ne diminue pas les chances de guérison.
L’objectif de l’abstention-surveillance est de ne traiter qu’à la phase symptomatique les patients dont l’espérance de vie est limitée. Il ne s’agit que d’un traitement palliatif.
SURVEILLANCE MÉDICALE ACTIVE : CRITÈRES DE SÉLECTION
Seuls les cancers à faible risque évolutif relèvent de la SA. Les critères de sélection sont cliniques, biologiques, morphologiques et histologiques.
Clinique, biologie et imagerie
• Un toucher rectal anormal a été associé à un risque significatif de progression (2). Ainsi, la surveillance active ne peut être proposée pour un stade tumoral > T2a.
• Le taux de PSA est corrélé au stade tumoral et à l’extension métastatique. La plupart des auteurs considèrent qu’un taux de PSA > 10 ng/ml et/ou une densité de PSA < 0,15 (rapport PSA/volume prostatique) n’est pas compatible avec une surveillance active en raison d’un volume tumoral élevé (3).
• L’IRM est l’examen de référence pour le bilan d’extension locorégional de la maladie. Les pathologies volumineuses et/ou agressives sont plus fréquemment associées à des signaux anormaux.
La présence d'anomalies sur les différentes séquences d'IRM permet d'établir le score Pirads (Prostate Imaging Reporting And Data System), qui est corrélé à la probabilité d'avoir un cancer cliniquement significatif. Le score Pirads s’échelonne de 1 à 5 en fonction du risque encouru (cf. tableau 1). Le compte-rendu de l’IRM mentionne la lésion la plus volumineuse et/ou la plus suspecte, et décrit un éventuel franchissement capsulaire (4, 5).
Apport de la biopsie
Seules les biopsies confirment le diagnostic de cancer de prostate et définissent l’agressivité tumorale. La technique du prélèvement est conditionnée par le résultat de l’IRM. La sélection des patients éligibles pour une SA est améliorée par la réalisation de douze biopsies randomisées réparties en sextant et la réalisation de biopsies sur les zones classées Pirads 3 ou plus (6, 7).
L’agressivité des formes histologiques peut être évaluée par le score de Gleason, qui définit cinq grades morphologiques cotés de 1 à 5 en fonction de la ressemblance avec le tissu prostatique normal. Le grade 5 correspond à la présence de cellules indifférenciées. Le score de Gleason est obtenu en additionnant les deux grades histologiques des formes les plus représentées. Ainsi, plus le score est élevé, plus la tumeur est agressive.
Pour une meilleure reproductibilité et une meilleure corrélation avec les données actuelles, il a été recommandé en 2005 de ne plus utiliser le score de Gleason mais la classification de l’Isup, qui permet de mieux identifier les formes agressives pour un score de Gleason équivalent. Ainsi, à score égal de 7, les formes Isup 3 sont plus agressives que les formes Isup 2 puisque les cellules de grade 4 sont dominantes dans la tumeur.
La classification de l’Isup a été validée par des études multicentriques (7) (cf. tableau 2).
L’agressivité de la tumeur est également conditionnée par l’architecture tumorale. Ainsi, le carcinome cribriforme et le carcinome intraductal sont des facteurs pronostiques péjoratifs indépendants du score Isup (8).
Le nombre de biopsies positives est associé au volume tumoral. La présence de plus de trois biopsies positives et/ou de plus de 50 % d’atteinte tumorale par biopsie correspond à une charge tumorale significative (7).
Ainsi, une surveillance active n’est envisageable qu’en cas d’adénocarcinome non agressif (Isup 1, absence de tumeur intraductale ou cribriforme), de faible volume tumoral (moins de trois biopsies positives et moins de 50 % d’atteinte par biopsie, stade T1c-T2a), révélées par une élévation de PSA < 10 ng/ml et une densité de PSA < 0,15.
MODALITÉS DE SURVEILLANCE
Les modalités de surveillance varient d’une étude à l’autre et ont été récemment modifiées par l’apport de l’IRM (10). L’objectif est de déterminer une progression tumorale qui pourrait compromettre le pronostic des patients.
La surveillance repose sur les mêmes critères que ceux qui ont été utilisés pour sélectionner les patients éligibles à une SA. La plupart des protocoles de suivi reposent sur un dosage de PSA semestriel, une évaluation clinique annuelle, une IRM à 1 an qui précède un contrôle biopsique systématique (7).
L’absence de tout critère évolutif confirme l’inclusion en SA. Un traitement curatif est indiqué dans le cas contraire.
Par la suite, la périodicité et les modalités de surveillance sont adaptées au contexte médical. Le dosage semestriel du PSA et le suivi clinique annuel constituent les éléments de base de la surveillance. Une IRM est réalisée tous les ans en cas de lésion visible, ou tous les 2 ans dans le cas contraire. Elle précède toute biopsie de contrôle. Une biopsie est systématique après un an de suivi, et d’autres seront discutées par la suite en cas de progression biologique ou envisagées à titre systématique tous les 3 ans (7) (cf. tableau 3).
Les critères de sortie de la SA
Une progression du cancer survient chez 9 % des patients par année de surveillance active (10). La probabilité de sortie du protocole diminue avec l’âge, et augmente avec le délai de surveillance (3 % à 1 an, 15 % à 2 ans, 23 % à 3 ans et 35 % à 5 ans) (2).
Les « principaux » critères d’arrêt de la SA sont :
• biologiques (progression du PSA et/ou accélération de sa vélocité : 18 à 44 % des cas),
• cliniques et/ou histologiques (30 à 55 % des cas),
• liés à une demande du patient (6 à 20 % des cas),
• liés à une autre cause (3 % des cas) (2, 6, 7).
La progression des lésions IRM est associée à l’existence d’un cancer significatif et peut être considérée comme un facteur d’interruption d’une SA (9).
Un traitement actif est indiqué dans 19 % des cas dans l’année qui suit l’inclusion en SA.
RÉSULTATS ONCOLOGIQUES
La survie spécifique des patients sélectionnés pour une SA ne diffère pas significativement de celle des patients traités par radiothérapie ou chirurgie (99,4 % à 5 ans et 98,8 % à 10 ans). La mortalité globale entre SA et traitement actif est comparable (10).
Cependant, le taux de progression est plus élevé chez les patients surveillés que chez les patients traités (progression de 22,9 p 100 000/an en cas de SA versus 9 p 100 000/an après radiothérapie et 8,9 p 100 000/an après chirurgie) (11). Cette différence est surtout constatée chez les patients jeunes et à faible comorbidité, mais elle est à mettre en balance avec l’absence d’effets secondaires (urinaires, sexuels ou digestifs) liés à un traitement actif (11). Avec un suivi médian de 5 ans, le risque de progression métastatique est faible (moins de 1 %) (7). u
Dr Christophe Avancès (urologue, oncologue, cabinet Urogard, 340, avenue de Codols, 30900 Nîmes)
BIBLIOGRAPHIE
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