J’EXPLIQUE
• L'aphte est la première cause d’ulcération de la muqueuse buccale. Le plus souvent, il s’agit d’une aphtose simple (1 à 3 aphtes, ≤ 10 mm). Les aphtes sont “géants” quand ils dépassent 10 mm. L’aphtose est “herpétiforme” quand 20 à 100 lésions millimétriques confluent ou réalisent une miliaire. À partir de 3 poussées/an d’aphtes multiples (≥ 3), on parle de “stomatite aphteuse récurrente”.
• Le plus souvent, l’aphtose – simple ou récurrente – est unipolaire, idiopathique, et les poussées se raréfient après l’adolescence.
• Il s’agit parfois d’une aphtose bipolaire (orale + génitale) voire tripolaire (orale + génitale + anale).
J’INFORME
• L’aphtose est réactivée par certains contacts alimentaires (noix, fraises, épices, gruyère, crustacés), les événements de vie stressants, des médicaments (AINS et aspirine, captopril et ramipril, bêtabloquants, méthotrexate, acide alendronique, isotrétinoïne, proguanil, anti-EGFR…). Les aphtes ont une prédominance féminine, avec une influence des contraceptifs hormonaux, des règles et de la grossesse. • Le sevrage tabagique est une période propice aux aphtes, par perte de l’effet vasoconstricteur du tabac.
• La pathogénie de l’aphtose buccale récidivante serait à la fois immunitaire et microbienne.
JE PRESCRIS
• Pas de traitement de référence. Non traité, l’aphte vulgaire guérit spontanément en 8-14 jours, contrairement à l’aphte géant (10-40 j).
• L’acide trichloroacétique a longtemps été utilisé, mais il expose au risque de brûlure voire de nécrose muqueuse.
• Les bains de bouche antiseptiques (chlorhexidine…) ne soulagent pas plus que le placebo et déséquilibrent la flore buccale commensale.
• Chez l’adulte, la lidocaïne visqueuse apporte une anesthésie à court terme, sans raccourcir la durée d’évolution. Toute prise alimentaire solide ou liquide dans les 2 heures qui suivent l’application est interdite en raison du risque de fausse route et de morsure [6]. Il ne faut pas dépasser 3 applications par jour, car la lidocaïne est résorbée plus rapidement et en plus grande proportion par la muqueuse lésée (risque inotrope négatif sur le myocarde et toxicité neurologique).
• Les bains de bouche à l’aspirine (1 sachet de 1 g 3 fois par jour) ou au sucralfate (2 sachets 3 fois par jour), ou autres pansements digestifs sont hors AMM mais fréquemment utilisés dans la prise en charge symptomatique des lésions buccales douloureuses [7].
• La dexaméthasone en pommade n’est pas disponible en France (il existe des comprimés de bêtaméthasone à sucer, non remboursés). Six jours de traitement [5] permettraient de diminuer significativement la taille des aphtes, l’intensité douloureuse et leur durée (6 jours vs 7 avec la pommade placebo), sans passage sanguin. Les auteurs de cette étude [5] n’occultaient pas la possibilité que la pommade elle-même, Dr Julie Van Den Broucke (médecin généraliste, Paris) Bibliographie disponible sur legeneraliste.fr indépendamment du principe actif, soit bénéfique via son effet protecteur.
• En cas de lésions très douloureuses et/ou multiples, comme dans l’aphtose herpétiforme, une corticothérapie orale (prednisone 0,5 mg/Kg/jour per os pendant 5-7 jours) permet une cicatrisation rapide.
• La colchicine pourrait être utilisée en prévention secondaire de la stomatite aphteuse récurrente invalidante [4], après avis spécialisé.
• Dans tous les cas, il faut maintenir une hygiène dentaire correcte. Le dentifrice ne doit pas contenir de lauryl sulfate (tensio-actif moussant), reconnu comme irritant pour les muqueuses. Le dentiste recherchera des foyers infectieux, facteurs de stimulation immunitaire.
J’ALERTE
• Une aphtose bipolaire impose d’évoquer une maladie de Behçet [11] en recherchant : pseudo-folliculites cutanées, hypersensibilité aux points d’injection, uvéite antérieure, atteinte neurologique ou articulaire, phlébite superficielle, terrain génétique HLA B5 ou origine ethnique.
• L'aphtose complexe (au moins 3 aphtes récurrents) est parfois inaugurale d'une MICI ou d'une maladie coeliaque. Elle peut aussi révéler une carence (fer, folates, vitamine B12, PP, zinc).
• Une ulcération buccale chronique et indolore doit faire éliminer un carcinome épidermoïde.
• Une aphtose ne répondant pas à un traitement symptomatique justifie une NFS pour éliminer une agranulocytose. Des ulcérations de la langue associées à des céphalées et une claudication massétérienne chez un patient de 60 ans évoquent « un Horton jusqu’à preuve du contraire ».
• L’aphtose peut rentrer dans le cadre d’une infection VIH, chronique (ulcérations aphtoïdes > 1 mois) ou en primo-infection. Une ulcération à base indurée évoque une syphilis primaire.
JE RENVOIE SUR LE WEB
www.ameli.fr/assure/sante/themes/aphte/ traitement-medical
BIBLIOGRAPHIE
1- Collège National des Enseignants de Dermatologie. Item 343 : Ulcération ou érosion des muqueuses orales et/ou génitales. Disponible sur http://campus.cerimes.fr/dermatologie/enseignement/dermato_43/site/html…
2- Coulon, Jean-Pol, Piette. Aphtes, aphtose buccale récidivante et maladie de Behçet. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 2015 ; 22-050-N-10. Disponible sur https://www.researchgate.net/publication/268373045_Aphtes_aphtose_bucca…
3- Malard O, Beauvillain de Montreuil C, Tessier MH Billet J. Muqueuse buccale : atlas des pathologies non cancéreuses. La Revue du Praticien Médecine Générale 2015 Mai ; 29 (941) : 373-8
4- Katz J, Langevitz P, Shemer J, Barak S, Livneh A. Prevention of recurrent aphthous stomatitis with colchicine: an open trial. J Am Acad Dermatol 1994 Sep ; 31(3 Pt 1):459-61. Recurrent aphthous stomatitis (RAS) is a common disorder with hitherto unsatisfactory drug therapy
5- Liu C, Zhou Z, Liu G, et al. Efficacy and safety of dexamethasone ointment on recurrent aphthous ulceration. Am J Med 2012 ; 125:292-301
6- La Revue Prescrire. Aphrose buccale commune. Premiers choix Prescrire, actualisation juillet 2017. Rev Prescrire 2017 ; 37 (409) : 854
7- Réseau ARESPA, CHU de Besançon. Soins de bouche : rôle infirmier. 2009. Disponible sur http://www.soinspalliatifs-fc.fr/pdf/telecharge/Plaq_Soins-de-bouche_20…
8- Peglion A. Classification clinique des érosions et ulcérations : quand le chirurgien-dentiste doit-il s’inquiéter ? Thèse pour le doctorat en chirurgie dentaire. 2013, faculté de Chirurgie Dentaire de Nice. Disponible sur https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00916573/document
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