Parasitologie

L'ASCARIDIOSE

Publié le 19/04/2019
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L’ascaridiose est la parasitose tropicale la plus fréquente. En Europe, la contamination est pauci-parasitaire, et souvent la clinique reste asymptomatique. Le traitement repose sur les antihelminthiques classiques.
L'ASCARIDIOSE

L'ASCARIDIOSE
Crédit photo : CLOUDS HILL IMAGING LTD/SPL/PHAN

Michel, 69 ans, consulte pour des anomalies du transit. Elles sont apparues deux semaines plus tôt. À cette époque, il a observé un ténesme : impression d’avoir envie d’aller fréquemment à la selle, mais sans exonération fécale. Il a été surpris par l’évacuation d’un ver de grande taille (près de 25 cm) lors de son dernier passage aux toilettes ; ver qu’il nous a apporté (cliché 1). En fait, il s’agit d’un parasite intestinal : Ascaris lumbricoides.

L’ascaridiose est une helminthiase (nématode) intestinale, la plus fréquente du monde, et s’observant uniquement chez l’humain. Le quart de la population du globe est infesté et on déplore près de 60 000 décès chaque année. Dans 80 % des cas, l’ascaridiose se rencontre dans les pays où l’hygiène se révèle insuffisante. Cependant, elle reste cosmopolite. Une plus grande prévalence est observée en zone tropicale car les conditions climatiques (chaudes et humides) permettent le développement des œufs.

LE CYCLE PARASITAIRE

Les ascaris vivent dans l'intestin grêle, où les femelles pondent des milliers d'œufs éliminés avec les selles.

Entourés d’une double coque, ces œufs ont une grande résistance dans le milieu extérieur. La contamination humaine se produit par ingestion de fruits ou légumes contaminés et mal préparés contenant ces œufs. Par la suite, la larve contenue dans l’œuf est libérée dans l’intestin. Elle en traverse alors la paroi par le biais de la veine porte ou du mésentère, et arrive au niveau du foie. Ensuite, après plusieurs mues, elle gagne par voie sanguine l’alvéole pulmonaire dont elle finit par traverser la paroi pour gagner la partie supérieure de l’arbre bronchique ; son but étant de rejoindre le carrefour aéro-digestif. À ce niveau, les larves sont dégluties et arrivent jusqu’au jéjunum. C’est alors qu’elles deviennent adultes, et les femelles commencent à pondre huit semaines après la contamination.

Ces helminthes adultes, le plus souvent de couleur blanc-rose, ont une taille impressionnante (entre 15 cm et 35 cm). La durée de vie de ce parasite est comprise entre 1 et 2 ans.

CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES

Dans les pays européens, du fait d’un pauci-parasitisme, l’infestation est le plus souvent asymptomatique. Les premières manifestations cliniques peuvent être observées lors de la migration parasitaire au niveau des poumons. On note alors une toux parfois hémoptoïque et sèche, avec une fébricule et des opacités radiologiques fugaces. C’est le classique syndrome de Löffler.

À la phase d’état, lorsque le parasite a gagné l’intestin, on peut objectiver des troubles du transit à type de diarrhées parfois sanglantes, des nausées, des douleurs abdominales.

Il est également possible d’observer des manifestations neuropsychiatriques (troubles du sommeil, irritabilité, comitialité).

→ Des complications, essentiellement par mécanisme obstructif, sont exceptionnelles en France : appendicite, occlusion intestinale (en cas d’infestation massive), perforation intestinale, étranglement herniaire, pancréatite aiguë, cholécystite.

LE DIAGNOSTIC

→ À la phase larvaire, il repose sur la clinique. Avec la mise en évidence du syndrome de Löffler au cours duquel la radiographie pulmonaire montre un infiltrat diffus des champs pulmonaires. À la biologie, une hyperéosinophilie s’installe dès la première semaine de l’infestation et devient maximale au bout du 20e jour.

→ À la phase d’état, on peut retrouver (comme dans notre cas) le parasite au niveau des selles ou lors des vomissements.

→ L’examen parasitologique des selles retrouve facilement les œufs (la quantité d’œufs pondus est importante : près de 200 000 par femelle et par jour).

Les œufs sont très caractéristiques. Ils ont une taille allant de 50 à 75 µm de long, de 40 à 60 µm de large et sont mamelonnés. Dans certains cas exceptionnels, l’helminthe est observé grâce à une échographie abdominale.

LE TRAITEMENT

→ On utilise les traitements antihelminthiques classiques (voir encadré).

→ Bien entendu, les actions préventives doivent être une priorité :

– Respect de l’hygiène des mains lors de la manipulation de denrées et après le passage aux toilettes

– Nettoyage des fruits et légumes avant consommation

– Programme de récupération et de traitement des eaux usées dans les pays en voie de développement

– Lutte vis-à-vis du péril fécal (interdiction d’engrais d’origine humaine et développement de latrines dans les zones dépourvues).

Les choix thérapeutiques

• Flubendazole (Fluvermal®). 1 cp de 100 mg ou 1 cuillère mesure deux fois par jour durant 3 jours.
• Albendazole (Zentel®). 1 cp en dose unique de 400 mg ou 1 cuillère mesure en dose unique.
• Pyrantel (Combantrin®). 1 cp ou 1 cuillère mesure pour 10 kg en une prise unique.

Bibliographie

1- Bourrée P, Bisaro F. Diarrhées parasitaires. Presse Médicale 2007 ; 36 : 706-716.

2- Gentilini M, Caumes E, Danis M, et al. Médecine tropicale. Ed. Flammarion Médecine-Sciences Lavoisier 2012.

3- Dold C, Holland CV. Ascaris and ascariasis. Microbes and Infection 2011 ; 13 : 632-637.

4- ANOFEL. Parasitologie et Mycologie médicales. Guide des analyses et pratiques diagnostiques. Ed. Elsevier Masson 2017

Pierre Frances (médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer), Célia Ponce de Léon (MG, Banyuls-sur-Mer) Quentin Chevrier (biologiste, Saint-Laurent-de-la-Salanque), Guilhem Mayoral (biologiste, Saint-Laurent-de-la-Salanque) Sara Grangetto (interne en MG)

Source : lequotidiendumedecin.fr