INTRODUCTION
L’asthme, qui touche 10 % des enfants, est l’affection chronique la plus fréquente en pédiatrie. Il concerne, à l’école, plusieurs enfants par classe. Le diagnostic d’asthme de l’enfant est clinique, étayé par des examens complémentaires simples mais indispensables.
La radiographie thoracique systématique concourt au diagnostic différentiel, l’étude de la fonction respiratoire met en évidence l’hyper-réactivité bronchique. L’atopie familiale ou personnelle est un facteur de persistance de l’asthme qu’il faut diagnostiquer et prendre en compte dans la prise en charge.
La gestion de la crise impose que le patient et sa famille soient en possession d’un plan d’action personnalisé (PAP) écrit.
L’asthme persistant léger et modéré de l’enfant est du ressort d’une prise en charge par le médecin traitant. L’éducation thérapeutique (ETP) de la famille et l’attention portée au contrôle de l’environnement sont essentielles. Les modalités du traitement de fond seront adaptées selon la tranche d’âge et aux AMM des médicaments.
Une consultation de recours est nécessaire en cas de doute diagnostique, de réponse insuffisante au traitement et/ou de passage au palier d’asthme persistant sévère nécessitant des examens et des thérapeutiques du ressort du pneumo-pédiatre.
ASTHME DU NOURRISSON
De 0 à 3 ans, c’est la tranche d’âge définie par la Haute Autorité de santé lors de l’établissement des recommandations en 2009 (1).
→ Définition : elle est clinique et se définit comme tout épisode dyspnéique avec sibilants qui s’est reproduit au moins trois fois depuis la naissance. Cette définition peut être nuancée pour le « deuxième épisode sifflant » dans un contexte d’atopie personnelle ou familiale, dans lequel un test avec deux bouffées de bêta-2 mimétiques de courte durée d’action (BDCA) a un effet positif, selon les nouvelles recommandations pour la bronchiolite aiguë de l’enfant de moins de 12 mois (2, 3).
Clinique et diagnostic
→ Clinique : des épisodes de dyspnée sifflante récidivants et à prédominance nocturne. Signes intercurrents : essentiellement de la toux sèche quinteuse, nocturne et/ou à l’effort – jeux ou rire – récidivante, parfois accompagnée de wheezing.
→ Diagnostic : il est confirmé par :
• la normalité de l’état général : courbe staturo-pondérale correcte, pas de cassure prolongée.
• la radiographie thoracique obligatoire pour affirmer le diagnostic : sa normalité est un critère indispensable pour établir le diagnostic positif et éliminer les diagnostics différentiels. La découverte d’une anomalie sur le cliché thoracique nécessite des examens complémentaires.
• l’efficacité du traitement anti-asthmatique d’épreuve.
→ Le contexte atopique :
• À rechercher par l’interrogatoire, familial (asthme et rhinite allergique chez les parents et dans la fratrie) et/ou personnel, allergie alimentaire (aux protéines du lait de vache, etc.), coryza spasmodique.
• À l’examen clinique par la présence d’une dermatite atopique. Le contexte d’atopie conditionne le profil évolutif de la maladie.
• Le bilan allergologique non systématique est indiqué en cas de contexte familial ou personnel d’atopie. Les tests cutanés (TC) d’allergie réalisables à tout âge selon l’indication. Le dosage des IgE spécifiques ne peut être demandé en première intention. À défaut des TC, les multitests allergéniques (MTA) pour les pneumallergènes (Phadiatop® notamment) sont disponibles. En cas de positivité, l’enquête allergologique doit être poursuivie (4).
→ L’avis du pneumo-pédiatre est parfois nécessaire pour éliminer un diagnostic différentiel ou procéder à des examens complémentaires.
Prise en charge
→ Le traitement de la crise ne diffère pas chez le nourrisson de celui de l’enfant plus grand. Il repose sur l’utilisation d'un bêta-2 mimétique de courte durée d’action avec une chambre d’inhalation, selon le protocole défini dans le PAP écrit, remis à la famille. La bonne compréhension et la bonne utilisation du PAP nécessite une ETP des familles.
→ Le traitement de fond :
Le but du traitement de fond est d’obtenir le « contrôle » de la maladie. Les indications et l’adaptation du traitement chez le nourrisson dépendent du contexte clinique et de l’évaluation de la sévérité de la maladie.
L’asthme viro-induit du nourrisson avec des épisodes sifflants séparés par un intervalle libre sans symptômes et rémission durant les mois d’été, chez un enfant gardé en collectivité, aurait un pronostic de guérison précoce.
En revanche, il existe un risque de persistance en cas d’antécédents atopiques familiaux et personnels, avec des symptômes intercurrents à type de toux nocturne et à l’effort, et des manifestations y compris pendant l’été, et une sensibilisation allergénique. La multi-sensibilisation précoce est associée à un risque de persistance et/ou de rechute et d’exacerbations sévères dans l’enfance (5). Dans un contexte d’atopie, l’atteinte fonctionnelle respiratoire risque de perdurer.
- La sévérité est évaluée en fonction de la fréquence des exacerbations et des symptômes inter-critiques, et de l’importance du traitement de fond nécessaire pour obtenir le contrôle de l’asthme.
- Le contrôle est estimé sur les symptômes survenus dans les quatre semaines précédant la consultation (TAB. 1).
- Chez l’enfant, l’objectif du traitement est le contrôle total.
Le traitement de fond vise à obtenir le contrôle sans effets indésirables des médicaments. Lorsque les corticostéroïdes inhalés (CSI) sont débutés, ils doivent être poursuivis au moins trois mois pour en analyser l’effet. L’augmentation du traitement de fond (step up) et sa diminution (step down) se font en fonction du contrôle. La sévérité de la maladie est de préférence évaluée après une période de prise en charge ayant permis d’obtenir le contrôle avec le traitement minimal : asthmes intermittent, léger, modéré ou sévère, selon un consensus international (GINA 2019 (6)).
• Palier 1, asthme intermittent : bêta-2 mimétique de courte durée d’action (BDCA) à la demande.
• Palier 2, asthme persistant léger : corticostéroïde inhalé (CSI) à faible dose (TAB. 2) avec chambre d’inhalation. La prescription du montélukast (antagoniste des leucotriènes (ALT)) peut être discutée pour le traitement de fond, soit en association de 6 à 24 mois soit seul après 2 ans, en raison de son action anti-inflammatoire complémentaire.
• Palier 3, asthme persistant modéré : doubler les doses de CSI, et/ou associer ALT ou prendre un avis spécialisé.
• Palier 4, asthme sévère : avis spécialisé dans tous les cas.
Avant toute augmentation du traitement de fond, il faut s’assurer :
- du bon diagnostic,
- de la bonne technique de prise du médicament,
- réévaluer les facteurs de risque dans l’environnement : tabac, allergènes, etc.
Réévaluer après chaque modification au bout de 2 à 3 mois, ne pas hésiter à diminuer le traitement de fond pour minimiser ses effets secondaires en recherchant la dose minimale efficace.
→ Les médicaments
Des bronchodilatateurs de courte durée d’action (BDCA) en aérosol doseur (AD) (salbutamol, AMM à tout âge) avec chambre d’inhalation. Deux bouffées par prise.
Des corticostéroïdes inhalés (CSI) en aérosol doseur (fluticasone AMM pour un âge > 1 an, budésonide à tout âge) avec chambre d’inhalation (TAB. 2).
À signaler, les associations fixes CSI/BDLA (bêta-2 mimétique de longue durée d’action) n’ont pas l’AMM pour cette tranche d’âge.
• Le mode d’administration
La chambre d’inhalation avec masque est la modalité de choix pour la prise des médicaments inhalés avant l’âge de 3 ans. Une démonstration doit être faite au cabinet ou à la pharmacie. Les chambres métalliques ou en plastique anti-électrostatique doivent être choisies. L’enfant doit être bien installé, respirant en volume courant 5 à 10 fois : secouer le produit, attendre que l’enfant avec le dispositif soit en place, délivrer une seule bouffée à la fois, secouer le spray avant chaque bouffée. Ensuite, il convient de rincer le visage et la bouche à l’eau après les CSI. Il faut laver régulièrement la chambre avec du produit vaisselle et laisser sécher sans rincer pour supprimer l’électrostatisme.
La prescription des CSI et/ou bêta-2 mimétiques en nébulisations relève d’un avis spécialisé dans l’asthme non contrôlé.
• L’adaptation et le suivi
L’ETP comprend l’explication et la démonstration aux parents de la prise des médicaments, la délivrance d’explications sur le rôle du traitement de fond et la réponse aux inquiétudes sur les risques d’effets secondaires (minimes).
Il est en particulier important d’informer et d’agir sur l’environnement, le tabagisme passif, etc.
Les parents doivent recevoir un PAP écrit indiquant les symptômes précurseurs et la conduite à tenir en cas d’exacerbation de l’asthme, et n’avoir pas de réticence à administrer précocement les bêta-2 mimétiques de secours « dès qu’il tousse ». Ils doivent connaître les facteurs qui risquent de déclencher une crise (exemple : « dès que le nez coule ») pour pouvoir l’anticiper, et savoir quand il faut recourir à un avis médical.
L’enfant doit être revu un à deux jours après une exacerbation, et un mois plus tard, puis suivi tous les 3 à 6 mois. Les examens sont plus rapprochés en cas de mauvais contrôle et de modification du traitement de fond.
ASTHME DE L’ENFANT DE 4-5 ANS
La plupart des données concernant le nourrisson sont valables pour l’enfant de 4-5 ans (âge préscolaire).
Les différences concernent :
• Le phénotype : dans cette tranche d’âge, l’asthme allergique devient très majoritaire. Il faut en tenir compte pour le bilan, qui comporte systématiquement la recherche des sensibilisations allergéniques, et pour les indications du traitement de fond avec un besoin de suivi prolongé.
• Le mode d’administration des traitements par aérosol doseur passe dès que possible à la chambre d’inhalation avec embout buccal plus efficace.
• Les associations fixes CSI/BDLA ont une AMM à partir de 4 ans. Leur indication peut être discutée au palier 3 : asthme persistant modéré, en balance avec une augmentation de la dose de CSI et/ou un avis spécialisé.
• Une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) est possible par différentes méthodes : pléthysmographie, oscillations forcées, interruptions de débit, courbe débit volume avec écran incitatif avec un opérateur entraîné.
PRISE EN CHARGE D’UNE CRISE D’ASTHME
Les signes de gravité de la crise d’asthme sont à évaluer en fonction des normes de l’âge par la fréquence respiratoire (FR) et la fréquence cardiaque (FC). Une FR normale/mn est :
• Crise légère : Sibilants et toux, essoufflement avec FR subnormale, sans détresse respiratoire (DR), activité normale, SaO2 > 92 %.
• Crise modérée : FR augmentée, mise en jeu des muscles respiratoires accessoires, parole gênée, FC < 200 bpm 0-3 ans ; et < 180 bpm 3-5 ans, SaO2 > 92 %.
• Crise grave : chez l’enfant, possible silence auscultatoire, DR franche, FR augmentée selon l’âge, activité impossible et trouble de l’élocution, FC > 200 bpm 0-3 ans ; et > 180 bpm 3-5 ans, chute de la TA, SaO2 < 90 %. Appel du 15 pour transférer aux urgences.
→ Gestion de la crise pour l’enfant (PAP) et/ou au cabinet :
■ BDCA : 1 bouffée/2 kg jusqu’à 10 bouffées avec chambre d’inhalation avec masque ou embout buccal (aussi efficace que les nébulisations) ; renouveler toutes les 20 minutes jusqu’à amélioration pendant 1 heure.
■ O2 si disponible.
■ Au bout d’une heure :
• Si la crise persiste :
– poursuivre BDCA AD avec chambre d’inhalation + corticostéroïdes oraux (CSO ) +/- bromure d’ipratropium,
– adresser l’enfant aux urgences.
• Si l'état s'est amélioré, SaO2 > 94-98 % :
– retour à domicile avec poursuite de BDAC pendant 3 à 5 jours.
– avec CSO prednisolone 1 à 2 mg / kg (sans dépasser 40 mg) à poursuivre 3 à 5 jours, si crise modérée,
– le doublement de la dose CSI en traitement de fond pendant 15 jours peut être discuté.
■ Dans tous les cas, il faut revoir l’enfant 2 à 5 jours après pour analyser les causes de la crise, revoir si le PAP a été compris, s’il faut le modifier, s’il faut adapter le traitement de fond, et reprendre les bases de l’ETP. Envisager une autre visite au bout de 2 à 3 mois.
■ Chaque exacerbation doit faire revoir le processus d’adaptation du traitement de fond et incite à rapprocher les examens de surveillance en s’aidant de l’évaluation de la fonction respiratoire.
EN RÉSUMÉ
Le diagnostic d’asthme de l’enfant doit être étayé par des examens complémentaires : radiographie thoracique, bilan allergologique en fonction du contexte d’atopie avant 3 ans, puis pour tous au-delà et EFR à partir de 4 ans.
Les corticostéroïdes inhalés peuvent être prescrits dès le diagnostic d’asthme, en raison de leur efficacité sur l’inflammation bronchique ; ils diminuent le risque d’exacerbations. Le traitement de fond est ajusté par paliers en fonction du contrôle de la maladie.
L’asthme est dit contrôlé quand il n’a pas de symptôme ni diurnes, ni nocturnes, avec une fonction respiratoire normale. Chez l’enfant, l’objectif est le contrôle total.
La famille doit être impliquée dans le traitement et doit connaître les situations à risque et la manière d’y réagir avec la mise en place d’un plan d’action personnalisé écrit.
La surveillance de la clinique et de la fonction respiratoire doit être planifiée et modulée en fonction des ajustements du traitement de fond et de la survenue d’exacerbations.
Le suivi s’appuie si nécessaire sur un avis spécialisé pour les examens complémentaires et/ou les avis de recours.
Bibliographie
1. HAS Synthèse des Recommandations professionnelles 2009.Asthme de l’enfant de moins de 36 mois : diagnostic et prise en charge et traitement en dehors des épisodes aigus. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2009-05/asthme_de_…
2. HAS Fiche outil Novembre 2019. Prise en charge du premier épisode de bronchiolite aigue chez le nourrisson de moins de 12 mois. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/hascnpp_br…
3. HAS: Recommandations de bonne pratique. Novembre 2019 Prise en charge du premier épisode de bronchiolite aigue chez le nourrisson de moins de 12 mois. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-11/hascnpp_br…
4. Tetu L., Didier A. Exploration allergologique de l’asthme. EMC (Elsevier Masson SAS Praris) Pneumol 6-039-a-41, 2009.
5. Just J. Les phénotypes de l’asthme chez l’enfant et l’adolescent. Rev Fr Allergol. 2020 in press.
6. GINA 2019 Global Strategy for Asthma Management and Prevention Updated 2019. https://ginasthma.org/wp-content/uploads/2019/06/GINA-2019-main-report-…
7. Marguet C. pour le GRAPP Prise en charge de la crise d’asthme de l’enfant (nourrisson inclus). Recommandations. Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 427- 439.
Liens d'intérêts
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