Immunologie

LE BILAN ALLERGOLOGIQUE DANS L'ALLERGIE RESPIRATOIRE

Publié le 03/04/2009
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L'allergie est impliquée dans 70 % des asthmes de l'adulte et 80 % des asthmes de l'enfant. Par ailleurs la rhinite allergique est la maladie allergique la plus fréquente avec une prévalence de l’ordre de 25 à 30 % en population générale. L'optimisation du diagnostic d'allergie passe par une bonne connaissance des tests cutanés et sanguins, de leur intérêt et de leurs limites.

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Les multiples facettes de l'allergie respiratoire ne facilitent pas la mise en évidence de l'origine allergique. Les recommandations françaises et européennes, la nomenclature des actes de biologie médicale, si elles freinent nos demandes d'examens biologiques, tendent surtout à rationaliser le diagnostic de l'allergie.

LES OUTILS DIAGNOSTIQUES

Le diagnostic de l'allergie respiratoire repose soit sur les tests cutanés, soit sur les tests sériques in vitro avec les tests multi allergéniques qui dépistent une sensibilisation vis-à-vis d’un panel d’allergènes et les IgE spécifiques individuelles qui précisent le ou les allergènes en cause.

Les tests cutanés :

- Les "pricks tests".

Ils restent la méthode de référence dans l'allergie respiratoire, les IDR ne sont pratiquement plus réalisées en dehors du bilan de l'allergie médicamenteuse ou aux venins d'hyménoptères. Ils sont fiables, simples, sans danger, peu douloureux et peu onéreux.  Une piqûre est faite au travers d'une goutte d'allergène -extrait commercial standardisé ou aliment natif- déposée sur la peau au niveau de l'intérieur du bras ou du dos ; on peut tester dans la même séance une vingtaine d'allergènes, et le résultat est lu après 15-20 minutes.

Ces tests ne sont valables que dans des conditions strictes de qualité, avec réalisation d'un témoin positif vérifiant que la peau est normalement réactive (on utilise généralement l'histamine ou le phosphate de codéine qui dégranule les mastocytes de la peau) et d'un témoin négatif pour s’assurer que la peau ne réagit pas aux produits diluant les allergènes ; les antihistaminiques doivent être arrêtés avant la réalisation du test pendant une période variable selon les molécules (cf. encadré).

Les prick tests ne font pas courir de risques avec en particulier pas de risque de choc anaphylactique pour les prick tests aux pneumallergènes. Ils peuvent être réalisés très tôt dans la vie, contrairement à certains a priori, la peau étant réactive chez 80 % des nourrissons dès les 6 premiers mois. Du fait de leur excellente sensibilité (› 95%), les prick tests constituent le gold standard dans le bilan de l'allergie respiratoire ; leur valeur prédictive négative est excellente, leur spécificité est liée au clinicien et à leur interprétation par rapport à l'histoire clinique !

- Il faut distinguer les prick tests, qui explorent l'hypersensibilité immédiate IgE médiée, des "atopy patch tests" qui étudient l'hypersensibilité retardée médiée non par les IgE mais par les lymphocytes T ; ils n'entrent pas dans le cadre de l'allergie respiratoire et sont réservés à l'exploration de l'eczéma de contact et exceptionnellement de l'allergie alimentaire.

Les tests sanguins :

- Les tests multiallergéniques à réponse globale binaire.

Ils recherchent la présence d'IgE spécifiques vis-à-vis d'un mélange d'allergènes, qu'il s'agisse de pneumallergènes avec le classique Phadiatop®, le plus ancien et le mieux évalué ou de trophallergènes. Les tests concernant les trophallergènes les plus courants de l’enfant ne sont utiles qu'avant 3 ans. Ces tests globaux sont sensibles et spécifiques, avec une concordance de 95 % avec les tests cutanés ; leur valeur prédictive restant cependant dépendante de leur composition, de rares faux négatifs sont possibles en cas d'allergie à des allergènes inhabituels. Ils permettent un dépistage de première intention de l'allergie très utile pour le médecin généraliste.

- Les tests multiallergéniques avec identification des allergènes (type CLA®…).

Ils sont plus sophistiqués dans la mesure où ils donnent des signaux pouvant orienter vers certains allergènes. Ils ne sont pas pour autant plus performants que les tests multiallergéniques globaux, nécessitent une bonne connaissance en allergologie pour les interpréter, et le nombre de signaux risque surtout d'ancrer le patient dans l'idée qu'il est "allergique à tout". Pour le CLA® où il existe 2 tests différents pour l'allergie respiratoire et l'allergie alimentaire, il est indispensable de préciser. Par ailleurs ils sont moins sensibles et moins spécifiques que les IgE sériques unitaires.

- Les IgE spécifiques unitaires.

On dispose d'une centaine d'allergènes susceptibles d'être étudiés en théorie, mais ces tests sont moins spécifiques et sensibles que les tests cutanés, les résultats sont plus longs à obtenir…et coutent plus chers. Dans la mesure où le nombre d'IgE spécifiques est limité à 5, ils n'offrent qu'une représentation parcellaire du panel d'allergènes auxquels le patient est sensibilisé par rapport aux 20 allergènes des tests cutanés, et ils ne représentent pas un bon moyen de dépistage de l'allergie. Par contre ils sont indiqués en cas de discordance entre la clinique et les tests cutanés, et leur quantification est utile avant d'entreprendre une désensibilisation et pour établir une hiérarchie dans les allergènes responsables en cas de multisensibilisation. Leur dosage est maintenant très encadré par la nomenclature des actes de biologie médicale de 2003 ainsi que par les recommandations nationales et européennes.

La Haute Autorité de santé a défini les indications des dosages des IgE totales et spécifiques dans le diagnostic et le suivi des maladies allergiques : ils ne peuvent être demandés qu'après réalisation des pricks tests si on envisage une immunothérapie spécifique ou en cas de discordance avec l'histoire clinique, ou si les tests cutanés sont ininterprétables ou irréalisables (impossibilité d'arrêter le traitement antihistaminique en cours et/ou eczéma extensif, éloignement géographique…etc.). On ne peut demander que 5 dosages d'IgE spécifiques, au-delà ils ne sont plus remboursés, et il n'est pas possible de cumuler avec un test multiallergéniques ni avec le dosage des IgE totales.

- Les IgE totales.

L'augmentation des IgE est inconstante chez l'atopique (70 % des cas) et se rencontre dans d'autres contextes cliniques. Leur dosage n'a plus d'indication en allergologie en dehors de l'enfant de moins de 3 ans ou avant l'instauration d'un traitement par anticorps monoclonal chez l'asthmatique ou la suspicion d'une aspergillose broncho-pulmonaire allergique est suspectée (A).

La recherche d'une éosinophilie › 400/mm3 n'a plus sa place car elle n'est absolument pas spécifique du terrain atopique.

Les tests de provocation

Il sont difficiles à réaliser et non dénués de risques. Ils ne sont guère prescrits dans le diagnostic de l'allergie respiratoire, en dehors de situations bien particulières d'allergies professionnelles qui relèvent souvent de l'hyperspécialité en cas d'allergie aux produits issus de l'industrie.

Savoir interpréter les résultats

Le diagnostic de l'allergie respiratoire repose sur la concordance entre l'histoire clinique et les prick-tests et/ou les tests sanguins. La positivité des tests cutanés ou des IgE spécifiques témoigne d'une sensibilisation, et ce n'est que leur corrélation avec l'histoire clinique qui permet d'affirmer l'allergie.

QUAND DEMANDER UN BILAN ALLERGOLOGIQUE ?


Dans l'asthme

Le bilan allergologique doit être systématique dans l'asthme, où l'allergie représente un facteur essentiel dans la sévérité de la maladie, ses exacerbations et le remodelage bronchique. En pédiatrie, il existe une relation claire entre l'allergie et la persistance ultérieure des manifestations allergiques respiratoires.

- Chez l'adulte, on testera des pneumallergènes domestiques –acariens (Dermatophagoïdes pteronyssinus et D. farinae), phanères animales, blattes, moisissures (Aspergillus, Alternaria et Cladosporium sont les plus fréquemment incriminées)-, des pollens -graminées, herbacées (ambroise, armoise, plantain), bouleau, cyprès…etc.- et certains allergènes moins classiques en fonction des données cliniques, du mode de vie et des caractéristiques locorégionales.

- Chez l'enfant de moins de 5 ans, on étudiera aussi les allergènes alimentaires, lait de vache, œuf, poisson et éventuellement arachide. Au-delà de cet âge il est par contre exceptionnel qu'un allergène alimentaire soit impliqué dans une allergie respiratoire.

En cas d'allergie respiratoire avant 3 ans, les recommandations sont plus nuancées. S'il n'y a pas de limite inférieure d’âge pour réaliser des investigations allergologiques lorsque la situation clinique le justifie, il ne peut être question de les demander chez tout les petits enfants qui sifflent ou toussent. On les réservera aux terrains atopiques (parents allergiques, association à une dermatite atopique), aux manifestations respiratoires récidivantes, persistantes, ou sévères. Les trophallergènes ont une responsabilité non négligeable à cet âge, par contre il est exceptionnel d'être allergique au pollen avant 3 ans, et on testera surtout les acariens et les poils de chat, de chien ou autre animal domestique.

Dans la rhinite allergique

La situation est différente dans la rhinite allergique. Il n'est pas envisageable de tester systématiquement 30 % de la population ; la décision intégrera la symptomatologie clinique, la réponse au traitement mais aussi la demande du patient. Dans une rhinite et/ou rhinoconjonctivite intermittente typique, où l'allergie au pollen est évidente, l'attitude logique est de prescrire un traitement d'emblée sans passer par un bilan allergologique. Celui-ci devient indispensable si la symptomatologie s'aggrave, réagit moins bien au traitement, si la "saison" persiste plus longtemps et qu'apparaissent des signes d’asthme.

On peut aussi être amené à demander ce bilan parce que le patient souhaite connaître la cause de son allergie et aller plus loin vers des mesures d'éviction ou une immunothérapie spécifique. Les allergènes responsables sont les mêmes que ceux impliqués dans l'asthme. Dans ce cas les tests multiallergéniques d'orientation ne sont pas utiles et on pratique directement les tests cutanés ou les IgE spécifiques si on envisage la désensibilisation. Si la clinique est moins caractéristique et que l'allergie n'est qu'une des options étiologiques parmi d'autres devant des infections rhino-sinusiennes récidivantes, le test multiallergénique permettra d'affirmer ou d'infirmer l'hypothèse allergique.

Le suivi du patient allergique

Il n'y a aucun intérêt à réitérer un bilan allergologique pour évaluer l'efficacité de l'immunothérapie spécifique : celle-ci ne permet jamais de négativer les tests. Par contre, on le renouvellera si l'évolution clinique est défavorable, asthme persistant au cours de l'enfance, rhinite intermittente devenant permanente ou s'associant à un asthme, afin de dépister l'apparition de nouvelles sensibilisations.

LE BILAN ALLERGOLOGIQUE EN PRATIQUE

Il est évident que toute prescription doit être précédée d’un interrogatoire et d'un examen minutieux à la recherche de signes ou symptômes en faveur d’un processus allergique

En médecine générale, le praticien se trouve schématiquement face à 2 situations:

- l'allergie est très suspecte : s'il s'agit d'un asthme, le patient doit être adressé à un allergologue pour une évaluation des facteurs allergiques de sa maladie ; en cas de rhinite ou de conjonctivite, si la symptomatologie clinique ou la demande du patient l'imposent, les pricks-tests doivent être réalisés en première intention, éventuellement complétés par le dosage des IgE spécifiques.

- la clinique est compatible avec l'allergie (rhinite ou toux chronique, infections broncho-pulmonaires, rhino-sinusiennes mais aussi pharyngolaryngées ou otites moyennes aigues récidivantes) : il est intéressant de prescrire un test multiallergénique de dépistage de l'allergie respiratoire associé, chez l’enfant petit, à 1 test de dépistage de l’allergie alimentaire. Ceci permettra ou non de confirmer la piste de l'allergie et de poursuivre le bilan en conséquence.

Pour suivre les recommandations des diverses sociétés savantes, la recherche des IgE spécifiques échappe dans la grande majorité des cas au médecin généraliste, qui ne peut demander des IgE que s'il a une compétence en allergologie et a pratiqué les tests cutanés ou si ces derniers ne sont pas réalisables…ou que le patient les refuse.


Dr Maia Bovard-Gouffrant (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr), sous la responsabilité scientifique du Pr Alain DIDIER (Pneumologie, Hôpital LARREY, 24 chemin de Pouvourville - TSA 30030 - 31059 Toulouse Cedex 9. Mail : didier.a@chu-toulouse.fr)

Source : Le Généraliste: 2484