Dermatologie

LE CARCINOME ÉPIDERMOÏDE DU PÉNIS

Publié le 06/06/2022
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Le carcinome épidermoïde du pénis est une néoplasie rare qui se caractérise par une symptomatologie peu bruyante, le plus souvent uniquement dermatologique, au début de son développement. Le bilan pré-thérapeutique doit rechercher une atteinte ganglionnaire.

Crédit photo : Dr Frances

Nous voyons en urgence Manuel, 64 ans, qui a des difficultés pour uriner.
Il explique avoir, depuis plus d’un an, une lésion papuleuse au niveau de la verge, dermatose qui persiste malgré différents traitements administrés par plusieurs confrères auprès desquels il s’est confié. En fait, ce patient n’a jamais voulu se faire examiner et les collègues ont prescrit dermocorticoïdes et antifongiques sans avoir une idée précise de sa problématique.

Compte tenu de la situation, et balayant toute pudibonderie, nous l’avons examiné.

À notre grande surprise, il présente une formation bourgeonnante très importante au niveau du gland et du prépuce, à l’origine de la symptomatologie du patient du fait d’une obstruction partielle du méat urinaire.

Nous avons effectué une biopsie et avons placé une sonde urinaire pour éviter toute rétention urinaire. Ce patient, présentant un carcinome épidermoïde du pénis, a été adressé rapidement à un urologue.

INTRODUCTION

La pathologie néoplasique du pénis est rare (1 cas/100 000 hommes).

Parmi les tumeurs observées au niveau de cette localisation, le carcinome épidermoïde est le plus fréquent (95 % des cancers du pénis).

Plusieurs facteurs favorisent sa survenue :

• le manque d’hygiène locale, situation aggravée chez les hommes ayant un phimosis, qui impacte grandement tout acte d’hygiène à ce niveau,
• l’infection due à HPV 16 et 18, qui est retrouvée pour le carcinome épidermoïde dans près de 40 % des cas,
• les infections génitales répétées et les traitements immunosuppresseurs (surtout chez les patients ayant eu une greffe) contribuent à cette transformation maligne,
• l’absence de circoncision : il est admis que la réalisation d’une circoncision dans l’enfance joue un rôle protecteur.

Le plus souvent, ce cancer concerne les patients de plus de 65 ans.

SYMPTOMATOLOGIE

Ce carcinome se développe préférentiellement au niveau du gland (plus de 48 % des cas) mais aussi du prépuce (21 % des cas). Le sillon balanopréputial et le fourreau sont moins souvent concernés.

Sur un plan clinique, cette néoplasie peut être au départ peu symptomatique avec une infiltration des corps caverneux du pénis.

Cependant, on peut objectiver la présence d’une lésion sanguinolente, l’existence de douleurs ou de décharges électriques, une odeur désagréable des urines, un placard ulcéré ou leucoplasique, la présence d’une zone érythémato-papuleuse.

Bien entendu, comme dans notre situation, l’évolution de cette néoplasie donne parfois une obstruction du méat urinaire à l’origine d’une anurie.

L’examen clinique doit également rechercher d’éventuelles adénopathies inguinales.

DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE

Pour poser le diagnostic de carcinome épidermoïde, il est impératif d’effectuer une analyse anatomopathologique de la lésion suspecte.

Un bilan pré-thérapeutique : une échographie et un scanner pelvien doivent également être réalisés afin de rechercher une extension de ce processus néoplasique.

Le traitement est avant tout conservateur pour les lésions limitées (on pratique dans ce cas une posthectomie, en cas d’atteinte du prépuce par exemple).

Dans le cas d’un envahissement des corps caverneux, après avoir effectué une IRM pour évaluer l’importance de l’atteinte, un traitement chirurgical associé à une curiethérapie (fils d’iridium) peuvent être effectués.

Si des adénopathies inguinales sont identifiées, la prise en charge est différente. Cette découverte est en faveur de l’existence de micrométastases nécessitant une lymphadénectomie inguinale totale.

En parallèle, en cas d’extension ganglionnaire étendue, il est possible de réaliser une chimiothérapie (ce carcinome est cependant peu chimiosensible) couplée à une radiothérapie. Le pronostic est d’autant plus sombre que l’atteinte ganglionnaire est objectivée (mortalité de 55 % des cas au bout de 5 ans).

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Dr Neil Metcalf (médecin généraliste, programme Hippokrates, York, UK), Widad Gallaf (interne en médecine générale à Montpellier), Madeleine Stoumen (externe à Montpellier)

BIBLIOGRAPHIE
1. Hall A. Atlas of male genital dermatology. Ed. Springer 2019.
2. Dauendorffer JN, Ly S. Dermatologie génitale masculine et féminine. Ed. Elsevier Masson 2021.
3. Rigaud J. Carcinome épidermoïde du pénis. Correspondances en Onco-Urologie 2014 ; 5 (4) : 151-153


Source : lequotidiendumedecin.fr