La syphilis primaire se caractérise par un chancre, souvent ignoré chez les femmes du fait de sa localisation. Le diagnostic est sérologique, et le traitement repose sur la pénicilline G en dose unique.
Josette, 72 ans, vient suite aux recommandations de son mari car depuis quelques jours, ce dernier a remarqué la présence de « lésions herpétiques » au niveau des grandes lèvres. Josette, qui est coutumière de cette virose, souligne que cette fois, elle a beaucoup de chance car la « poussée herpétique » n’est pas douloureuse. Compte tenu de cet élément qui nous interpelle, nous effectuons un examen clinique révélant une lésion unique bien limitée et érythémateuse au niveau d’une grande lèvre (cliché 1). Il existe aussi une adénopathie inguinale de 2 cm avec, tout autour, des petits ganglions. Nous pratiquons alors un bilan biologique d’infection sexuellement transmissible. L’aspect de la lésion et de la positivité de la sérologie (TPHA positif et VDRL négatif) permet d’établir le diagnostic de chancre syphilitique. Malheureusement, cette patiente présentait aussi une sérologie VIH positive, ce qui nous a conduit à l’orienter vers une unité d’infectiologie.
INTRODUCTION
La syphilis est une infection sexuellement transmissible due à un spirochète (Treponema pallidum) qui est une bactérie hélicoïdale en vrille transmissible, dans 95 % des cas par voie sexuelle.
Alors que vers la fin du 20e siècle, cette infection avait quasiment disparu, au début du 21e siècle une recrudescence du nombre de cas a été observée. En fait, cette augmentation serait surtout liée à certaines pratiques sexuelles masculines : 79 % des cas observés surviennent chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH).
On note, depuis 2015, une stabilité du nombre de cas chez les HSH, mais une légère augmentation du nombre de contaminations chez les hétérosexuels et bisexuels. Enfin, dans près d’un tiers des cas, une co-infection avec le VIH est mise en évidence.
SYMPTOMATOLOGIE
La première manifestation cutanée de la syphilis primaire est le chancre, qui apparaît après une incubation qui varie entre 10 jours et 3 mois. Le chancre est une ulcération peu profonde dont les bords sont bien limités. Sa forme est le plus souvent arrondie ou ovalaire et sa couleur est rouge ou rose. Cette lésion repose sur une base qui est indurée. Ce qui est pathognomonique est l’absence de douleur du chancre.
Sa taille varie entre 5 et 20 mm, et dans près de 75 % des cas, il est unique.
On le retrouve le plus souvent :
• Chez l’homme au niveau du sillon balano-préputial (en feuillet de livre), au niveau du méat de la verge (battant de cloche), du gland, et rarement au niveau testiculaire.
• Chez la femme, il est mis en évidence au niveau de la région vulvaire (petites et grandes lèvres), le vagin, le col utérin, et plus exceptionnellement au niveau d’un mamelon. Souvent le chancre féminin n’est pas diagnostiqué du fait de sa localisation.
• Pour les deux sexes, il est possible d’observer un chancre anorectal, au niveau de la bouche (lèvres amygdales, langue), ou même au niveau d’un doigt (aspect de panaris).
Les chancres peuvent être géants, bourgeonnants, et peuvent être surmontés d’une croûte. Ils disparaissent le plus souvent au bout d’un mois.
On observe aussi au niveau inguinal une adénopathie satellite de grande taille avec un bouquet de petits ganglions (le « préfet de l’aine ») 4 à 8 jours après l’apparition du chancre. L’adénopathie n’est pas inflammatoire, et est observée unilatéralement ou bilatéralement.
DIAGNOSTIC
L’examen direct au microscope, suite à un prélèvement, se révèle difficile et peu pratique.
Pour avoir la certitude diagnostique, on réalise une sérologie. Actuellement, seule la sérologie spécifique (TPHA : Treponema pallidum Hemagglutination Assay) est demandée en première intention car elle se positive précocement (entre le 7e et le 10e jour).
En cas de positivité, les laboratoires d’analyse complètent cette recherche par une sérologie non spécifique (VDRL : Venereal Disease Research Laboratory test) qui se positive entre le 10e et 15e jour.
Si le THA est positif et le VDRL positif, il s’agit d’une syphilis active ou récemment guérie. Si le THA est positif et le VDRL négatif, il s’agit d’une syphilis précoce (chancre), une syphilis guérie, ou une syphilis tertiaire très évoluée. Ces résultats sont à interpréter en fonction de la clinique.
TRAITEMENT
La syphilis primaire se traite par une pénicilline retard (benzathine-pénicilline G) à raison d’une dose unique de 2,4 millions unités. Chez les sujets allergiques, on préconise la doxycycline (200 mg par jour sur 14 jours). Un contrôle sérologique est recommandé les 3e et 6e mois, et à 1 et 2 ans pour s’assurer de l’absence d’une recontamination.
Bibliographie
1. Bessis D. Manifestations dermatologiques des maladies infectieuses, métaboliques et toxiques. Ed. Springer 2008.
2. Mokni M, Dupin N, Del Giudice P. Dermatologie infectieuse. Ed. Elsevier Masson 2014.
3. Shmaefsky B. Syphilis. Ed. Infobase Publishing 2004.
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