Cas clinique

Le rhumatisme palindromique

Publié le 24/05/2024
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Le rhumatisme palindromique est un rhumatisme inflammatoire intermittent considéré par certains comme précurseur de la polyarthrite rhumatoïde. Cliniquement, on observe une atteinte oligo ou mono-articulaire inflammatoire évoluant par poussées brèves avec des phases de rémission. Le diagnostic est surtout clinique. Le traitement n’est pas consensuel.

Présence de remaniements d’origine arthrosique au niveau acromio-claviculaire

Présence de remaniements d’origine arthrosique au niveau acromio-claviculaire
Crédit photo : Pierre Frances

Bernard, 62 ans, vient nous consulter car depuis une semaine il a des douleurs inflammatoires importantes et insomniantes au niveau de son épaule droite.

Cliniquement on retrouve un œdème à ce niveau, et des douleurs à la mobilisation.

Un bilan radiographique a été effectué qui met en évidence quelques remaniements dégénératifs acromio-claviculaire (cliché). Parallèlement les examens sanguins n’objectivent aucune anomalie particulière, excepté une CRP à 245.

En 3 jours la symptomatologie a disparu suite à l’administration d’un anti-inflammatoire, et la CRP s’est normalisée en 1 semaine.

Trois mois plus tard il revient car il présente des douleurs intenses au poignet gauche avec œdème à l’origine d’une impotence fonctionnelle totale. Une nouvelle prescription d’anti-inflammatoire, et un bilan biologique plus complet ont été effectués.

À l’issue de ce bilan, le diagnostic d’arthrite palindromique est posé, compte tenu du tableau clinique, de la positivité des Ac anti-CCP et de la présence d’un syndrome inflammatoire (CRP à 198).

INTRODUCTION

Le rhumatisme palindromique (RP) a été décrit pour la 1ère fois aux États-Unis en 1928 par Philip Hench. Du Grec palindromos, « qui revient sur ses pas », cette appellation décrit la tendance de cette affection à réapparaître du fait de poussées intercurrentes.

Si de récentes études invitent à considérer le RP comme une maladie à part entière, pour certains auteurs cette pathologie doit plutôt être assimilée à une forme avortée de polyarthrite rhumatoïde (PR).

La présence d’anticorps FR et anti-CCP ainsi que celle d’une synovite lors des poussées est en faveur d’une évolution future de cette pathologie vers une authentique PR. Par ailleurs, la mutation du gène MEFV est retrouvée chez certains patients ayant un RP, tout comme dans la PR, ce qui mène à penser qu’il y existe un mécanisme auto-inflammatoire inhérent au RP.

SYMPTOMATOLOGIE

Sur un plan clinique le RP se caractérise par des poussées mono ou oligo-articulaires, très inflammatoires, et spontanément régressives en 2-3 jours, sans séquelle ni anomalie radiographique.

Les articulations préférentiellement touchées dans le RP, le sont aussi dans la PR, ce qui plaide en faveur d’une identité immunogénétique superposable. En revanche le RP se distingue de la PR par le fait qu’il entraîne peu d’atteintes extra-articulaires.

En imagerie, le RP donne une inflammation extra-capsulaire remarquable à l’échographie lors des poussées, souvent sans synovite visible, ce qui contraste fortement avec la PR.

ÉVOLUTION

Dans une étude de cohorte finlandaise, au-delà de 20 ans de suivi, 2/3 des patients ayant un RP avaient finalement développé une PR. Globalement, dans les études observationnelles rétrospectives la proportion de patients atteins de RP évoluant vers une PR varie de 10 à 66 %, selon les critères d’inclusion, la durée de suivi, la mise en place ou non d’un traitement.

PRISE EN CHARGE

Les traitements conventionnels utilisés dans la PR comme le méthotrexate, le léflunomide et les biothérapies n’ont pas été suffisamment étudiées et concluantes dans le cadre du RP, et la corticothérapie ne semble pas non plus efficace chez la plupart des patients.

La colchicine et les anti IL-1, déjà utilisés dans la fièvre méditerranéenne familiale sont efficaces dans le RP séronégatif.

EN CONCLUSION

Les connaissances concernant le RP demeurent incomplètes et il n’y a pas de consensus clair sur ses rapports avec une PR, ainsi que sur sa prise en charge.

À l’avenir, l’un des enjeux pour cette pathologie consistera à établir des critères diagnostiques précis pouvant faire l’objet d’une classification. Il serait aussi nécessaire de pouvoir contrôler la maladie en diminuant la fréquence des poussées, leurs conséquences fonctionnelles et ainsi prévenir l’évolution vers une PR si le patient présente des risques.

Bibliographie :

(1) Mankia K, Emery P. Palindromic rheumatism as part of the rhumatoïde arthritis continuum. Nature Reviews. Rheumatology 2019;15(11):687-95.

(2) Sanmarti R, Haro I, Canete JD. Palindromic rheumatism : a unique and enigmatic entity with a complex relationship with rheumatoid arthritis. Expert Review of Clinical Immunology 2021;17(4):375-84.

(3) Vayssade M, Tatar Z, Soubrier M. Rhumatisme palindromique. La Revue de Médecine Interne 2013;34(1):47-52.


Source : Le Quotidien du Médecin