Les entorses de la cheville représentent environ 20 % de tous les traumatismes sportifs et constituent le motif de consultation le plus fréquent en traumatologie. Elles concernent tous les sports, quel que soit le niveau, et surviennent surtout dans les sports collectifs avec sauts et changements d’appui. Dans la plupart des cas (environ 80 % des cas), il s’agit d’une entorse du ligament collatéral latéral de la cheville (1,2).
PHYSIOPATHOLOGIE ET CLASSIFICATIONS
-› Les traumatismes de la cheville en inversion (associant flexion plantaire de la cheville, varus de l’arrière-pied et rotation médiale du médio-pied) sont les principaux pourvoyeurs d’entorses du ligament collatéral latéral. Dans cette position, il peut se produire une lésion isolée du ligament talo-fibulaire antérieur (LTFA) qui est le seul ligament tendu. Un traumatisme en varus forcé sur une cheville en position neutre ou en flexion dorsale entraînera une lésion à la fois du ligament calcanéo-fibulaire (LCF) et du LTFA. La lésion isolée du LCF est rare car sa résistance à la rupture est trois fois supérieure à celle du LTFA ; ainsi en cas de rupture du LCF, le LTFA est déjà rompu. L’importance des lésions dépend de la force du traumatisme, allant de la simple élongation ligamentaire à la rupture complète (le plus souvent en plein corps) du LTFA puis du LCF et enfin du ligament talo-fibulaire postérieur (LTFP) (4). Ensuite, en fonction de la position de la cheville et de la force appliquée, des lésions associées pourront survenir comme :
- La déchirure antérieure plus ou moins étendue de la capsule de l’articulation talo-crurale ;
- L’ouverture de la gaine des tendons fibulaires, surtout en cas de rupture du LCF ;
- Les fractures ostéochondrales du dôme du talus, localisées à la partie antéro-latérale du dôme du talus, consécutives à la subluxation antéro-latérale du talus ;
- Les lésions en miroir, par compression, situées à la partie postéro-médiale de l’articulation de la cheville (impaction ostéochondrale du dôme du talus, fracture de l’apophyse postérieure du talus ou de lésion capsulo-ligamentaire postérieure pouvant être à l’origine d’un syndrome de conflit postérieur de cheville).
-› Globalement, les entorses du ligament collatéral latéral sont classées en trois stades de gravité, basés sur l’extension des lésions ligamentaires et le retentissement fonctionnel (5) :
1) Dans les entorses de stade I, il existe une élongation isolée du LTFA sans rupture complète. Le patient se présente avec un œdème modéré antérolatéral parfois associé à un hématome. Il existe un point douloureux à la palpation du LTFA. La mobilité de l’articulation tibio-talienne est conservée ou peu limitée. Aucune laxité n’est mise en évidence et l’appui complet est le plus souvent possible. Le retentissement fonctionnel des entorses de stade I est modéré et une reprise des activités sportives est possible après 10-15 jours.
2) Les entorses de stade II impliquent une atteinte ligamentaire plus importante avec rupture complète du LTFA et rupture partielle ou élongation du LCF. À l’examen, on retrouve un œdème avec une ecchymose et une zone douloureuse de toute la zone antérolatérale de la cheville. La mobilité est souvent réduite. Il n’y a pas ou peu de laxité. L’appui monopodal est impossible.
3) Dans les entorses de stade III, il y a une rupture du LTFA, du LCF et de la capsule avec une rupture possible au niveau du LTFP. On retrouve un œdème et une ecchymose diffus et douloureux de toute la partie latérale de la cheville. Une laxité peut être mise en évidence à l’examen mais cela dépend de l’importance de l’œdème et du relâchement musculaire lors de la réalisation des tests.
DIAGNOSTIC
-› La démarche diagnostique devant une « entorse de cheville » doit être rigoureuse pour permettre de différencier un traumatisme bénin d’une réelle rupture ligamentaire dont l’évolution naturelle sans traitement est très souvent défavorable. De plus, l’examen clinique devra permettre d’évaluer la gravité de l’entorse et de détecter les lésions associées. C’est l’examen clinique 4 ou 5 jours après le traumatisme de la cheville qui reste le plus efficace et le plus utile pour la détection avec précision d’une rupture ligamentaire récente : sa sensibilité est de 98 % et sa spécificité de 84 %.
-› L’interrogatoire va permettre de préciser le mécanisme du traumatisme, les antécédents sur cette cheville et certains signes en faveur d’une rupture ligamentaire. La notion de craquement audible lors du traumatisme ne permet pas de faire la différence entre lésion ligamentaire bénigne ou rupture. L’intensité de la douleur doit être précisée : en cas de rupture ligamentaire le patient doit généralement stopper toute activité alors qu’en l’absence de rupture, le patient peut généralement poursuivre ses activités. De même concernant l’évolution de l’œdème : généralement, en cas de rupture ligamentaire, l’œdème est d’apparition immédiate alors qu’en l’absence de rupture l’œdème apparaît plus tardivement.
-› L’examen physique doit également rechercher des éléments en faveur d’une rupture ligamentaire. La douleur à la palpation du LTFA n’est pas spécifique. En revanche, l’absence de douleur signifie qu’il n’y a pas de rupture ligamentaire. L’hématome antéro-latéral est un bon signe de rupture ligamentaire (Se : 86 % ; Sp : 68%). L’existence d’un tiroir talien antérieur (recherché genou fléchi à 90° et avec une bonne relaxation du patient) et la sensation d’un ressaut lors de sa réduction sont très évocatrices de rupture du LTFA (Se : 74% ; Sp : 77%). L’association d’une douleur à la palpation du LTFA, d’un hématome et d’un tiroir talien antérieur signe quasiment la rupture ligamentaire (Se : 98% ; Sp : 84%). L’examen clinique doit éliminer une fracture (palpation des malléoles, de la base du cinquième métatarsien et de l’os naviculaire) et rechercher des lésions associées (rupture de la gaine des tendons fibulaires, fractures ostéochondrales du dôme talien) (7).
L’IMAGERIE
-› La réalisation de clichés radiographiques (incidence de cheville de face, de face à 30° de rotation médiale et de profil) après une entorse du ligament collatéral latéral de la cheville n’est pas systématique. Ils ne doivent être réalisés qu’en cas de suspicion de fracture selon les critères d’Ottawa (8) :
- Patient de plus de 55 ans ;
- Impossibilité de reprendre l’appui et de faire 4 pas ;
- Douleur à la palpation des malléoles (sur la pointe ou sur le bord postérieur sur 6 cm) ;
- Douleur à la palpation de la base du cinquième métatarsien ou de l’os naviculaire.
-› Les clichés en stress (varus forcé et tiroir antérieur) n’ont aucun intérêt dans le diagnostic et l’évaluation des entorses récentes en raison de leur grande variabilité et leur faible reproductibilité. De plus, il n’y a aucune corrélation entre la laxité observée lors d’une rupture ligamentaire récente et le développement d’éventuels symptômes chroniques (laxité, douleur) (9,10).
L’IRM et l’échographie permettent de montrer avec précision les lésions des ligaments collatéraux en distinguant les ruptures complètes ou partielles, les distensions ou les épaississements. Ces examens ont cependant souvent tendance à sous-estimer l’importance de la rupture ligamentaire. Par ailleurs, ces examens permettent de mettre en évidence un épanchement articulaire, une lésion chondrale, un œdème osseux, une avulsion ostéo-chondrale ou une lésion tendineuse. Pourtant, malgré la précision offerte par ces examens, leur utilisation dans le cadre des entorses récentes de la cheville n’apporte aucune supériorité par rapport à l’examen clinique et radiographique simple puisque les lésions observées ne modifient pas le traitement et ne représentent pas actuellement des facteurs prédictifs de l’évolution et du résultat à long terme (11, 12, 13).
LE TRAITEMENT
Bien que l’entorse du ligament collatéral latéral de la cheville soit l’un des traumatismes sportifs les plus fréquents, le traitement optimal reste controversé. Plusieurs études ont confirmé que l’absence de prise en charge après une entorse de la cheville majorait le risque de survenue de séquelles (instabilité, douleurs) (14, 15, 16). De même, l’immobilisation (botte plâtrée) ne devrait plus être utilisée, même pour les entorses graves, en raison des mauvais résultats obtenus comparés à ceux rapidement obtenus après traitement fonctionnel (17, 18, 19). Il semble que la mobilisation et la reprise de l’appui précoces associées à une rééducation proprioceptive représentent le meilleur traitement des entorses latérales récentes de la cheville (y compris les entorses de stade III) en termes de reprise des activités (professionnelles et sportives) et de résultats fonctionnels à moyen ou long terme (10, 14, 20).
Traitement chirurgical
Il n’existe pas actuellement de place évidente pour la réparation chirurgicale lors d’une entorse récente de la cheville (10). Même si le traitement chirurgical permet d’obtenir de meilleurs résultats que le traitement fonctionnel après entorse récente de la cheville (en termes de douleurs résiduelles, laxité, sensation d’instabilité et reprise sportive au même niveau), ceci doit être mis en balance avec le délai de récupération plus long, la raideur de cheville, le risque de complications et le coût socio-économique propres au traitement chirurgical si bien qu’il est actuellement impossible d’affirmer que la prise en charge chirurgicale est meilleure que le traitement fonctionnel (21, 22). Et, en cas d’échec du traitement fonctionnel, avec notamment une laxité résiduelle, un traitement chirurgical peut être réalisé avec de très bons résultats, même plusieurs années après l’entorse initiale.
Traitement fonctionnel et rééducation
Après un traitement fonctionnel associant mobilisation, reprise précoce de l’appui et rééducation proprioceptive, les résultats cliniques sont bons dans 70 à 90 % des cas alors que 10 à 30 % des patients vont développer des symptômes d’instabilité chronique ou de douleur (30, 34). Le traitement fonctionnel permet une reprise plus rapide des activités sportives sans altérer le résultat fonctionnel à long terme (23). Le principe du traitement fonctionnel et de la rééducation est basé sur la récupération de la mobilité de la cheville sans perte de la proprioception, le plus vite possible, dès que la phase douloureuse aiguë est passée.
-› Le traitement fonctionnel après entorse récente du ligament collatéral de la cheville peut être divisé en 4 phases :
1- La phase initiale,
2- La rééducation précoce,
3- La rééducation tardive,
4- La phase finale.
La durée de chaque étape est variable et dépend des capacités de récupération et de cicatrisation de chaque individu.
1- La phase initiale est focalisée sur la lutte contre l’œdème avec le principe RICE (Rest, Ice-cooling, Compression, Elevation). Ce protocole classique, associé à un traitement anti-inflammatoire, est très efficace sur le contrôle de l’œdème et la diminution de la douleur dans la semaine qui suit le traumatisme (24). Il est cependant difficile de savoir si ce protocole (et notamment la cryothérapie) permet une rééducation plus rapide et un retour aux activités professionnelles et sportives plus précoce (25). La reprise de l’appui complet, sous couvert d’une attelle, est effectuée le plus vite possible pour éviter la perte de coordination neuro-musculaire, essentiellement au niveau des fibulaires. Il existe plusieurs modèles d’attelles rigides ou semi-rigides dont le rôle principal est de limiter le mouvement d’inversion de la cheville, ce qui permet la reprise immédiate de la marche sans béquille et progressivement des activités sportives. Ces attelles sont plus efficaces que le strapping sur la stabilité, l’œdème et la reprise des activités. En outre, elles exposent à moins de complications cutanées (26, 27, 28).
2- Lors de la phase de rééducation précoce, le but est la récupération des amplitudes de l’articulation de la cheville (en passif et en actif, avec étirement de la chaîne musculaire postérieure), la reprise du déroulement du pas (avec appui complet) et surtout la récupération du contrôle sensori-moteur de la cheville. Cette coordination neuro-musculaire des fibulaires est, en effet, diminuée immédiatement après une entorse de cheville et une rééducation proprioceptive (avec travail progressif de l’équilibre en appui bipodal puis unipodal, avec puis sans attelle) est nécessaire pour éviter le risque de survenue d’instabilité résiduelle. Cette phase dure plusieurs semaines et le patient est autorisé à reprendre ses activités sportives progressivement avec l’attelle (29, 30).
3- La phase suivante consiste en une intensification de la rééducation proprioceptive en insistant sur le renfort musculaire, le travail de l’endurance, le contrôle sensori-moteur de la cheville et l’augmentation progressive des activités sportives.
4- La phase finale débute environ 2 mois après l’entorse et correspond à la reprise de toutes les activités sportives, y compris le saut et les sports avec pivot. L’attelle doit être conservée pendant toute la période de rééducation pour diminuer le risque de récidive d’entorse et elle sera retirée progressivement à la phase finale (31).
SEQUELLES D’ENTORSE DU LIGAMENT COLLATERAL LATERAL DE LA CHEVILLE
Un taux élevé de douleurs résiduelles est rapporté après une entorse récente du ligament collatéral latéral de la cheville avec, à long terme, une restriction des activités chez environ un tiers des patients. Le développement de douleurs résiduelles après un traumatisme de la cheville en supination est lié à la pathologie initiale engendrée par le traumatisme.
Douleurs latérales
Une instabilité latérale chronique survient dans moins de 10% des cas après entorse aiguë de la cheville et peut être responsable de douleurs latérales chroniques. Dans d’autres situations la douleur latérale résiduelle peut être due à une avulsion ancienne pseudarthrosée (pointe de la malléole latérale, apophyse latérale du talus), à une entorse de la syndesmose négligée ou à une instabilité sous-talienne (probablement sur-estimée) (30).
Douleurs antéro-latérales
Le syndrome du sinus du tarse (dont l’incidence exacte demeure inconnue mais qui apparaîtrait environ 2 fois sur 3 après des traumatismes de la cheville en supination) est responsable de la plupart des douleurs antéro-latérales résiduelles. Il existe une association étroite entre les entorses du ligament collatéral latéral de la cheville et les lésions du sinus du tarse ; les lésions du complexe ligamentaire latéral après traumatisme en supination s’étendent très souvent aux insertions capsulaires taliennes antérieures et au sinus du tarse (qui comprend des structures ligamentaires, du tissu adipeux, des vaisseaux et des branches nerveuses) aboutissant à une inflammation locale chronique. Les douleurs sont aggravées par l’activité et les mouvements de supination et de pronation. Le traitement conservateur classique de l’entorse permet de faire disparaître les douleurs du syndrome du sinus du tarse mais souvent une infiltration de corticoïdes dans le sinus du tarse est nécessaire et permet d’obtenir la guérison dans plus de 2/3 des cas (33, 34). En cas d’échec, une intervention est nécessaire et consiste en une résection du tissu fibreux et inflammatoire au niveau du sinus du tarse, ce qui permet d’obtenir une amélioration significative dans environ 90% des cas. Le traitement arthroscopique semble particulièrement intéressant dans cette situation car il permet de réaliser un bilan lésionnel avec précision et expose à moins de complications que le traitement à ciel ouvert (douleurs résiduelles, difficultés cicatricielles) (35).
Des douleurs antéro-latérales plus distales peuvent apparaître également en cas de fracture avulsion du cuboïde ou en cas de retard de consolidation ou de réelle pseudarthrose de fracture de la base du cinquième métatarsien.
Douleurs antéro-médiales
Après une entorse de cheville, environ 60% des patients présentent des douleurs antéro-médiales de la cheville, en rapport avec des lésions chondrales médiales (partie médiale du dôme talien ou du pilon tibial, facette articulaire de la malléole médiale). Ces lésions peuvent être à l’origine de corps étrangers ou de la formation d’ostéophytes responsables d’une synovite antéro-médiale et d’un conflit antérieur de cheville. Plus rarement, la douleur antéro-médiale peut être en rapport avec une fracture ou une avulsion de l’os naviculaire.
Douleurs postéro-médiales
Les douleurs postéro-médiales (péri et rétro-malléolaires médiales) sont le plus souvent dues à des lésions du ligament deltoïde. Il peut s’agir d’une fracture parcellaire ou d’une avulsion de la malléole médiale responsable de douleurs prolongées et d’œdème médial. Les lésions du faisceau profond du ligament deltoïde (sans lésion osseuse) peuvent également être à l’origine de douleurs postéro-médiales persistantes avec formation de calcifications et épaississement fibreux douloureux du complexe ligamentaire collatéral médial.
Douleurs postérieures
Lors du traumatisme en varus équin forcé de la cheville il existe, en même temps que les lésions ligamentaires collatérales latérales, des lésions postérieures par compression des structures osseuses et capsulo-ligamentaires postérieures (marge postérieure du pilon tibial, apophyse postérieure du talus (ou os trigone), ligament transverse, ligament inter-malléolaire postérieur, ligament talo-fibulaire postérieur). Ce mécanisme de compression peut engendrer des fractures parcellaires (fracture de l’apophyse postérieure du talus ou de l’os trigone) et surtout des lésions des tissus mous avec inflammation et fibrose cicatricielle responsables d’un conflit postérieur de cheville.
Douleurs postéro-latérales
Les douleurs postéro-latérales persistantes après entorse de cheville doivent faire rechercher des lésions des tendons fibulaires dans leur trajet rétro-malléolaire. Il faut distinguer les tendinopathies des fibulaires (péritendinite, tendinopathie fissuraire ou nodulaire, rupture partielle) et l’instabilité des fibulaires.
Douleurs profondes de l’articulation de la cheville
Les douleurs profondes tibio-taliennes mécaniques persistant plusieurs semaines (plus de 6 semaines) après une entorse de cheville sont très évocatrices de lésions ostéochondrales du dôme du talus. Il peut s’agir de lésions antéro-latérales à type de fractures ou d’avulsions par mécanisme de cisaillement dans la gouttière talo-fibulaire lors du traumatisme en inversion, avec parfois libération de corps étrangers ostéo-chondraux responsables de blocages et de synovite. Plus souvent, il s’agit de lésions postéro-médiales par impaction responsables d’œdème osseux et de lésion de la plaque sous-chondrale évoluant vers l’ostéonécrose et la géode, dont l’évolution est lente et le retentissement clinique très variable. Il s’agit le plus souvent de patients présentant des douleurs profondes de l’articulation tibio-talienne, aggravées par l’activité ou le sport, persistantes ou survenant plusieurs mois après l’épisode d’entorse. L’examen clinique est pauvre et la palpation ne retrouve généralement pas de point douloureux précis.
INSTABILITE CHRONIQUE LATERALE DE CHEVILLE
Définitions et diagnostic
L’instabilité chronique est la principale séquelle dont se plaignent les patients après une entorse de cheville (sa prévalence est estimée entre 20 et 40%). Il faut bien distinguer l’instabilité (symptôme subjectif ressenti par le patient) de la laxité de la cheville (objectivée par l’examen clinique). De nombreuses pathologies de la cheville peuvent provoquer une sensation d’instabilité sans aucune laxité ni aucun problème de contrôle neuro-musculaire : lésions ostéo-chondrales, conflit, corps étrangers, syndrome du sinus du tarse, instabilité des fibulaires.
Devant un tableau d’instabilité chronique de la cheville après entorse, après avoir éliminé les différentes pathologies susceptibles de provoquer des sensations d’instabilité, la principale difficulté est de pouvoir distinguer l’instabilité fonctionnelle et l’instabilité sur laxité chronique. L’instabilité fonctionnelle survient chez 10 à 30% des patients après entorse du ligament collatéral latéral de la cheville. Il s’agit d’un syndrome clinique au cours duquel les patients se plaignent d’une gêne au niveau de la cheville avec dérobements et impossibilité de reprendre leurs activités sportives alors qu’il n’existe aucune laxité évidente à l’examen physique ou sur le bilan radiographique. Il semblerait que plusieurs facteurs soient impliqués dans le développement de cette instabilité fonctionnelle de la cheville tels les troubles de la proprioception, l’allongement du temps de réaction musculaire, les troubles de maintien de l’équilibre et la faiblesse musculaire qui surviennent après tout traumatisme de la cheville. Ce déséquilibre neuro-musculaire, à l’origine des troubles proprioceptifs, semble être la conséquence des lésions des mécanorécepteurs au niveau du ligament collatéral latéral et des tendons et muscles fibulaires (29, 36-42). Dans environ 10% des cas, il existe une laxité chronique latérale après entorse de cheville objectivée par un déplacement anormal du talus par rapport à la pince bimalléolaire à l’examen physique.
Les 2 principaux tests cliniques à la recherche d’une laxité latérale de la cheville sont le varus forcé et le tiroir antérieur (Voir figure 4 et figure 5).
- Le test en varus forcé est souvent difficile à réaliser et très peu reproductible avec une faible sensibilité et spécificité. S’il est réalisé en flexion plantaire, il évalue le ligament talo-fibulaire antérieur. S’il est réalisé en position neutre, il évalue à la fois le ligament talo-fibulaire antérieur et le ligament calcanéo-fibulaire.
- Le test de tiroir antérieur évalue essentiellement le ligament talo-fibulaire antérieur et doit être réalisé en légère flexion plantaire de cheville ; il ne s’agit pas d’un simple mouvement de translation postéro-antérieure mais d’un mouvement associant une translation et une rotation médiale, avec le ligament deltoïde agissant comme un centre de rotation (41). Malgré la bonne réalisation de ces tests, leur fiabilité reste faible ; ils ne permettent pas de quantifier avec précision l’étendue de la rupture ligamentaire et présentent un taux élevé de faux négatifs (dus aux contractures musculaires réflexes) (32, 43). Les clichés en stress (varus forcé et tiroir antérieur) sont les seuls moyens iconographiques permettant d’authentifier une laxité latérale anormale de la cheville. Cependant, il existe de grandes différences au niveau des valeurs mesurées, dues à des variabilités physiologiques (hyperlaxité, sexe, âge), techniques (contraintes manuelles ou instrumentales, type et durée de la contrainte exercée, force appliquée, utilisation d’anesthésie, position de la cheville) et méthodologiques (critères de mesures, reproductibilité des incidences et des mesures). Ceci explique les importants écarts de valeurs publiées à la fois pour les chevilles saines et celles traumatisées (43-46). Il n’existe donc pas de critère (valeurs seuils, technique, méthode de mesure) universellement reconnu pour la mesure du tiroir antérieur et du varus forcé ce qui représente la principale limite de ces clichés en stress (44, 45). C’est pourquoi les clichés en stress de la cheville doivent être envisagés uniquement en cas de symptomatologie clinique évocatrice de laxité latérale chronique pour laquelle les informations fournies par la mesure du tiroir antérieur et du varus forcé vont modifier la prise en charge thérapeutique. Il est admis pour le test en varus forcé (Voir figure 4) en position neutre qu’un angle supérieur à 15° (ou une différence de plus de 10° par rapport à l’autre côté) soit synonyme de rupture du ligament talo-fibulaire antérieur et du ligament calcanéo-fibulaire. Pour le test en tiroir forcé (Voir figure 5), on mesure la plus petite distance entre le rebord postérieur du pilon tibial et le dôme du talus ; une valeur de 10 mm (ou une différence de 5 mm par rapport à l’autre côté) est pathologique (43). L’échographie et l’IRM permettent d’obtenir des renseignements très précis sur l’état des ligaments traumatisés (aspect cicatriciel et épaissi, rupture, distension, absence de visualisation) qui peuvent aider dans le choix des techniques opératoires de reconstruction en cas d’instabilité chronique latérale avec laxité, mais ces examens ne mettent pas en évidence la laxité.
Traitement
Comme plus de la moitié des patients souffrant d’instabilité chronique de la cheville après entorse ne présentent aucune laxité latérale anormale, il est indispensable de toujours débuter le traitement d’une instabilité chronique par une rééducation fonctionnelle. Ce traitement vise à améliorer le contrôle neuro-musculaire de la cheville par un travail proprioceptif essentiellement des muscles fibulaires (permettant d’améliorer le temps de réaction neuro-musculaire, la force en éversion, l’équilibre musculaire et le contrôle postural). L’utilisation d’orthèses ou de strapping peut aider à l’amélioration de ce contrôle neuro-musculaire qui est le point le plus important dans le traitement de l’instabilité chronique latérale de la cheville (47-49).
En cas d’échec de la rééducation proprioceptive bien conduite pour instabilité chronique latérale de la cheville avec laxité anormale, une réparation chirurgicale peut être proposée. Il existe de nombreuses techniques chirurgicales de reconstruction du plan ligamentaire collatéral avec 2 grands groupes :
1- Les reconstructions anatomiques : suture directe des faisceaux (Broström, 1966) ou remise en tension capsulo-ligamentaire (Duquesnoy, 1980 ; Alghren, 1989) avec parfois renfort à l’aide du retinaculum des extenseurs (Blanchet, 1975 ; Gould, 1980 ; Saragaglia, 1985) ou du périoste fibulaire (Roy-Camille, 1986). =› Ces procédés permettent en théorie une réparation la plus anatomique possible, avec peu d’enraidissement tout en épargnant les tendons fibulaires. Les tissus cicatriciels retendus sont parfois de mauvaise qualité et un renfort périosté est souvent nécessaire pour obtenir de meilleurs résultats (50).
2- Les ligamentoplasties du plan ligamentaire collatéral latéral, avec de nombreuses techniques utilisant le court fibulaire (Watson Jones, 1952 ; Evans, 1953 ; Castaing, 1961 ; Christmann-Snook, 1969 ; Colville, 1994), le plantaire grêle (Anderson, 1985) ou le troisième fibulaire (Mabit, 1996).
=› Ces techniques présentent de nombreuses variantes pour reproduire de façon isométrique les différents faisceaux du plan ligamentaire collatéral de la cheville. Elles ont l’inconvénient d’utiliser les tendons fibulaires et présentent un risque d’enraidissement douloureux de l’articulation sous-talienne et tibio-talienne. Leurs résultats semblent stables à long terme (51).
Aucune technique chirurgicale (reconstruction anatomique versus ligamentoplastie) n’a fait la preuve de sa supériorité, de même qu’aucune technique chirurgicale n’a prouvé sa supériorité par rapport au traitement médical avec rééducation proprioceptive. En postopératoire, la rééducation précoce semble permettre d’obtenir de meilleurs résultats que l’immobilisation (52).
Mise au point
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