Gynécologie

L’ÉRUPTION POLYMORPHE DE LA GROSSESSE

Publié le 05/03/2021
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Nombreuses vergetures érythémateuses (flèche rouge) et éléments  maculo-papuleux avec halo périphérique (flèche verte).

Nombreuses vergetures érythémateuses (flèche rouge) et éléments maculo-papuleux avec halo périphérique (flèche verte).
Crédit photo : Dr Frances

L’éruption polymorphe de la grossesse est la dermatose la plus fréquente durant la gestation. Cliniquement, des éléments maculo-papuleux, un prurit et la présence de vergetures suffisent à poser le diagnostic. Elle disparaît après la grossesse. Des antihistaminiques et dermocorticoïdes peuvent améliorer le confort de la patiente.

Virginie, 23 ans, vient consulter car depuis quelques jours, elle présente un prurit important aussi bien diurne que nocturne, qui est centré sur l’abdomen.
Elle est très inquiète car elle va bientôt accoucher (35 SA), et ce stress est majoré par le fait qu’il s’agit de sa première grossesse. Cliniquement, on note des vergetures apparues à la fin du 2e trimestre de la grossesse, et des lésions maculo-papulaires bordées par un cercle qui semble dépigmenté (cliché 1). Virginie nous montre un bilan biologique qu’un confrère lui avait prescrit car il suspectait une pathologie hépatique. Ce bilan (NFS, créatinine, ionogramme, bilan hépatique, glycémie, TSH) est normal. Compte tenu des éléments cliniques observés, nous pouvons poser le diagnostic d’éruption polymorphe de la grossesse.

INTRODUCTION
Cette dermatose, qui porte également le nom de papules et plaques urticariennes prurigineuses (PUPPP = pruritic urticarial papules and plaques of pregnancy), est la dermatose gestationnelle la plus courante : on la rencontre chez près de 0,5 à 1 % des femmes enceintes, dont 50 à 70 % au décours de la première grossesse.

ÉTIOLOGIE
De nombreuses interrogations demeurent sur la genèse de cette dermatose. Il semble que plusieurs facteurs puissent l’induire :
Des facteurs hormonaux.
Un chimérisme périphérique (dépôt d’ADN fœtal au niveau cutané) qui serait à l’origine d’une majoration de la vascularisation cutanée, et des lésions au niveau du collagène générant des réactions immunitaires. Ce phénomène surviendrait au décours de la première grossesse, et s’atténuerait lors des grossesses suivantes du fait d’une possible immunisation.
Une prolifération en fibroblastes du fait de l’action de facteurs hormonaux placentaires.
La distension abdominale rapide majorée en fin de grossesse favoriserait les dommages au niveau du tissu conjonctif. En parallèle, au niveau du collagène, l’exposition antigénique induirait l’éruption, et favoriserait également le développement de stries abdominales.

SYMPTOMATOLOGIE
Le prurit est un élément cardinal qui est objectivé dans 80 % des cas. Il peut précéder (entre 1 semaine et 15 jours) l’apparition des manifestations cutanées très polymorphes. Plusieurs types de lésions cutanées sont classiquement décrits : de type 1 avec des plaques œdématiées ayant l’aspect d’une urticaire ; de type 2 avec papules ou macules érythémateuses ; de type 3 qui associe les deux formes précédentes.
Cependant, d’autres manifestations cutanées peuvent être également répertoriées.
Ainsi, on peut objectiver des vergetures discrètement érythémateuses.
Il est également possible de mettre en évidence des lésions maculo-papuleuses ayant, en cocarde avec un halo périphérique de couleur blanche, des lésions pustuleuses ou excoriées.
Les lésions débutent au niveau de l’abdomen dans 90 % des cas (elles épargnent le pourtour de l’ombilic), et peuvent aussi concerner le visage, les paumes et les plantes des pieds, les fesses et la racine des membres.
Attention, un prurit survenant au 3e trimestre de grossesse doit faire évoquer une éventuelle cholestase gravidique qu'il est important de rechercher.

DIAGNOSTIC
Il est surtout clinique, mais il est possible en cas de doute d’effectuer une biopsie cutanée.
L’examen anatomopathologique est peu spécifique car superposable à celui de la pemphigoïde de la grossesse. Il permet d’objectiver des lésions centrées sur l’épiderme (spongiose ou parakératose) et un infiltrat dermique inflammatoire lymphohistiocytaire.
On retrouve en immunofluorescence directe des dépôts granulaires de C3, d’IgM ou d’IgA au niveau de la jonction dermo-épidermique dans 30 % des cas.

ÉVOLUTION ET PRISE EN CHARGE
Cette dermatose disparaît le plus souvent dans le mois qui suit l’accouchement, et n’a pas tendance à survenir lors d’une 2e grossesse (moins de 5 % des cas).
Il est possible par ailleurs de prescrire des antihistaminiques et des corticoïdes en topique.
Enfin, il est important d’expliquer à la patiente que cette dermatose n’a aucun impact sur la santé de son futur nouveau-né.

 

BIBLIOGRAPHIE

1. Machet L, Vaillant L, Acker O, Armingaud P. Dermatologie en gynécologie obstétrique. Ed. Elsevier Masson 2006.

2. Taylor D, Pappo E, Aronson IK. Polymorphic eruption of pregnancy. Clinics in Dermatology 2016 ; 34 (3) : 383-391.

3. Brandao P, Sousa-Faria B, Marinho C, et al. Polymorphic eruption of pregnancy : Review of literature. Journal of Obstetrics and Gynaecology 2017 ; 37 (2) : 137-140.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Thomas Cavaillhès (interne en médecine générale à Montpellier), Thomas Besson (externe à Montpellier), Victoria Granier (externe à Nîmes).

Source : lequotidiendumedecin.fr