LES CANCERS CUTANÉS, DU DIAGNOSTIC AU TRAITEMENT

Publié le 06/12/2019
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Considérant la fréquence de ces tumeurs – 60 000 nouveaux cas par an, et parfois leur gravité, il est important de savoir distinguer les trois grands types de cancers cutanés. Grâce avant tout à l’examen clinique.

Avec près de 60 000 nouveaux cas par an en France, les cancers de la peau sont parmi les plus fréquents des cancers. Il existe deux grands types de cancers cutanés : les carcinomes, se développant aux dépens des kératinocytes comprenant les carcinomes basocellulaires (70 %) et épidermoïdes (20 %), et aussi les mélanomes (10 %).

Ces cancers cutanés surviennent majoritairement chez des sujets de phototype clair ayant eu une exposition solaire importante. Les autres facteurs de risque sont l’exposition à des produits chimiques tels que l’arsenic ou les goudrons, une exposition aux rayons X ou une immunodépression.

LE CARCINOME BASOCELLULAIRE

Une patiente de 63 ans se présente avec une lésion indolore au-dessus de la lèvre supérieure, évoluant depuis 2-3 ans et s’étendant progressivement (photo 1).

Il s’agit d’un carcinome basocellulaire (CBC). Il constitue le cancer cutané le plus fréquent (150 nouveaux cas/100 000 habitants/an en France). Le CBC est caractérisé par la présence d’une lésion papuleuse ou nodulaire, ferme translucide, dite « en perle » (photo 2). Cette lésion est généralement asymptomatique (et en particulier indolore) et augmente progressivement de taille. Elle n’a par contre pas de risque d’extension métastatique. Le risque principal du CBC est son extension locale dans les tissus de voisinage. Son traitement repose sur l’exérèse chirurgicale.

LE CARCINOME ÉPIDERMOÏDE

Une patiente de 79 ans se présente avec une lésion infiltrée de la tempe de 6 cm de diamètre, ulcérée, avec un fond bourgeonnant saignant facilement au contact (photo 3). La biopsie confirme le diagnostic de carcinome épidermoïde.

Le carcinome épidermoïde est une tumeur moins fréquente que le carcinome basocellulaire (30 nouveaux cas/100 000habitants/an en France). Il survient souvent chez des sujets plus âgés (au-delà de 60 ans) et surtout sur des zones exposées chroniquement au soleil (face et dos des mains). Cliniquement, son aspect est celui d'une tumeur irrégulière recouverte de croûtes à bords inflammatoires à base indurée ulcérovégétante le plus souvent indolore, s'étendant progressivement. Le traitement repose majoritairement sur l’exérèse chirurgicale. La radiothérapie peut y être associée dans les formes agressives.

Le carcinome épidermoïde naît souvent à partir de lésions précancéreuses et en particulier des kératoses actiniques (KA). Cliniquement, celles-ci se présentent comme des taches rouges, kératosiques, rugueuses, ne guérissant pas spontanément, survenant sur des zones photo-exposées (photo 4).

Le traitement de première intention de la kératose actinique est la cryothérapie (application d'azote). En cas de kératoses actiniques multiples, confluentes ou récidivantes, il est logique de traiter l'ensemble de la zone atteinte (champ de cancérisation) par un traitement médical : 5-Fluorouracile-Efudix®, Imiquimod-Aldara®, Ingénol mébutate-Picato®. Ces traitements sont souvent itératifs au fur et à mesure des années et ont pour but de limiter la fréquence de survenue des kératoses actiniques, et leur évolution vers un carcinome épidermoïde.

LE MÉLANOME

Un patient de 53 ans, informaticien de profession, se présente avec une lésion pigmentée inhomogène qui l’inquiète sur la face antérieure de la jambe (photo 5). Le diagnostic de mélanome est avancé à l’examen clinique.

Le diagnostic du mélanome est clinique. Il nécessite un examen de l’ensemble de la peau du patient avec un bon éclairage. Ce diagnostic doit être précoce pour être efficace, car un mélanome dépisté précocement est de meilleur pronostic. Aucun critère clinique n’est absolu, mais un certain nombre de signes cliniques permettent de définir une lésion suspecte. La principale difficulté consiste à différencier un nævus cliniquement atypique d’un mélanome débutant.

Les lésions suspectes sont :

soit une lésion pigmentée différente des autres nævi du sujet étudié (théorie du « vilain petit canard »). En effet, chez un même sujet les nævi ont en général tous à peu près le même aspect ;

soit une lésion pigmentée présentant un ou plusieurs des caractères suivants :

– asymétrie,

– bords irréguliers, encochés, en carte de géographie,

– couleur inhomogène,

– diamètre supérieur à 5 mm,

– évolutivité : il s’agit de la caractéristique la plus importante, en effet une lésion dont l’aspect se modifie (changement de taille, de couleur, de forme) doit être considérée comme suspecte de mélanome.Les mélanomes sont en général des lésions asymptomatiques, il n’y a ni prurit ni douleur.

→ Il existe quatre formes anatomo-cliniques de mélanome :

La plus fréquente (60 à 70 % des mélanomes) est le mélanome à extension superficielle (ou superficial spreading melanoma [photo 5]). Il se caractérise par une première phase de progression horizontale qui peut être longue, la lésion est alors pigmentée, irrégulière, polychrome mais sans relief. La phase d’extension secondaire verticale se manifeste par l’apparition d’un nodule.

Le mélanome nodulaire (15 à 20 % des mélanomes) a d’emblée une croissance verticale et cliniquement la lésion est rapidement palpable.

Le mélanome de Dubreuilh se caractérise par la longueur de sa phase initiale non invasive. Il représente environ 5 à 10 % des mélanomes. Il concerne essentiellement les sujets de plus de 60  ans et siège presque exclusivement au niveau facial sur une peau photo exposée. Il se présente comme une macule pigmentée, inhomogène.

♦ Le mélanome acrolentigineux se caractérise par sa localisation exclusive aux extrémités (5 % des mélanomes). Il se présente comme une lésion pigmentée inhomogène, palmaire ou plantaire, associée parfois secondairement à un nodule ulcéré.

→ Les principaux facteurs de risque de mélanome sont :

♦ phototype I ou II selon la classification de Fitzpatrick (peau claire, cheveux blonds ou roux, yeux clairs, éphélides),

♦ nombre élevé de nævi (> 100),

♦ nombre élevé de nævi atypiques (> 10),

♦ antécédent personnel de mélanome,

♦ antécédent familial de mélanome,

♦ coups de soleil dans l’enfance ou expositions solaires brutales et intenses,

♦ immunodépression.

Pour en savoir plus

– Actualisation des recommandations de prise en charge du mélanome stade I à III. 2016. SFD et INCa.
– Recommandations de l’ANAES sur la prise en charge du carcinome basocellulaire de l’adulte. Ann Dermatol Venereol. 2004;131(6-7 Pt 2):661-756.
– Prise en charge diagnostique et thérapeutique du carcinome épidermoïde cutané (spinocellulaire) et de ses précurseurs. Recommandations. 2009 SFD.

 

D’après les communications du Pr Gaëlle Quereux, service de dermatologie au CHU de Nantes, et du Dr Marc Bayen, médecin généraliste, Lille, CNGE.

Source : lequotidiendumedecin.fr