QUELQUES DÉFINITIONS
► Les compléments alimentaires sont des denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal. Ils constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés. Ils sont commercialisés sous forme de doses (gélules, pastilles, comprimés, sachets de poudre, ampoules ou flacons) (Directive 2002/46/CE L.183/51,2002). Le terme « nutriments » englobe les vitamines et les minéraux et les oligo-éléments et celui de « substances à but nutritionnel ou physiologique » désigne les substances chimiques possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques, ce qui exclut les substances possédant des propriétés exclusivement pharmacologiques.
► Les produits diététiques de l’effort adaptés à une dépense musculaire intense sont définis comme des « produits alimentaires répondant aux besoins nécessités par un effort physique particulier ou effectué dans des circonstances spéciales ». Ils se distinguent des denrées alimentaires de consommation courante par leur composition particulière et leur objectif nutritionnel particulier. Ces produits suivent la réglementation des denrées destinées à une alimentation particulière et ne font pas l’objet de dispositions spécifiques. En pratique, il existe souvent une confusion entre ces deux types de produits.
DES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES : POURQUOI ?
Bien s’alimenter est essentiel pour la forme et la performance : « Une bonne alimentation ne fait pas gagner, mais une mauvaise alimentation peut faire perdre ». Toutefois, l’alimentation du sportif n’est pas spécifique en dehors des situations d’exception où elle doit satisfaire des besoins physiologiques particuliers. La pratique sportive habituelle ne bouleverse pas les grands principes de l’équilibre alimentaire. Une alimentation suffisante, diversifiée, équilibrée et adaptée à la pratique sportive est à même de couvrir l’ensemble des besoins d’un sportif. Les aliments apportent tous les macro- et micronutriments nécessaires pour la pratique d’une activité physique soutenue et régulière. Il existe néanmoins des activités sportives à haut risque nutritionnel pouvant nécessiter des ajustements spécifiques (tableau 1). Les apports énergétiques adaptés aux dépenses sont fournis par une alimentation suffisante et diversifiée, sous forme de repas et de collations en majorant l’apport glucidique. Les besoins en protéines, en vitamines et en minéraux sont satisfaits ipso facto par l’augmentation des apports énergétiques. Il reste à maintenir un poids de forme et à prévenir d’éventuelles carences induites par un régime inadéquat.
QUI SONT LES CONSOMMATEURS DE COMPLÉMENTS ?
La consommation de compléments alimentaires dans le milieu sportif est une pratique qui s’est banalisée.
► Elle est culturelle dans les sports de force comme l’haltérophilie, les disciplines de force athlétique ou dans les pratiques de musculation et de culturisme où la consommation d’anabolisants est fréquente, sans optimisation du régime alimentaire. Elle est souvent le premier réflexe chez les jeunes pratiquants désireux d’obtenir rapidement des résultats oubliant que la prise d’anabolisants est sans intérêt si la consommation n’est pas suivie d’exercice physique.
► Dans les sports à catégorie de poids, le but est de maîtriser sa masse corporelle, afin d’être le plus lourd possible dans une catégorie de poids inférieure au poids usuel, en utilisant au besoin des produits amaigrissants présentés comme des « brûleurs de graisse ».
► D’autres sportifs, toutes disciplines confondues, considèrent les compléments comme un moyen d’augmenter la force et de repousser le seuil de perception de la fatigue. Pour beaucoup, les compléments alimentaires sont un équivalent de dopage autorisé, d’autant que certains produits ont une utilisation détournée.
LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
L’usage de produits additionnés à une alimentation souhaitable est fortement soutenu par la publicité et par les expériences individuelles de sportifs de haut niveau. Pourtant, les bénéfices allégués dans le milieu sportif, puissamment relayés sur la toile - diminution de la fatigue, sensation de bien-être, augmentation de la performance - ne sont bien souvent que la traduction d’un effet placebo. L’analyse objective des effets potentiels des compléments est décevante.
► L’évaluation standardisée d’une complémentation largement pratiquée ne se traduit au mieux que par des modifications physiologiques et des performances à la limite de la significativité. Il n’y a aucune certitude qu’une consommation de compléments à dose élevée soit exempte de risque pour la santé. Il est vraisemblable que la modification des habitudes alimentaires et d’hygiène de vie est aussi efficace que les compléments alimentaires. La supplémentation ne se justifie que dans les situations où il est nécessaire de compléter des apports jugés critiques par un médecin ou un diététicien.
► L’usage des compléments alimentaires (tableau 2) est réglementé (décret du 20 mars 2006). On distingue différents types de compléments destinés au sportif, selon leur finalité.
► Dans certains cas il s’agit de véritables compléments, dans d’autre il s’agit plutôt de produits diététiques.
– Produits dits « pour sportifs » : boissons énergétiques, poudres de protéines.
– Aliments alléguant des effets bénéfiques pour la santé ou l’amélioration des fonctions physiologiques (alicaments).
– Suppléments nutritionnels : complexes multivitaminés et minéraux.
– Aliments ayant des propriétés nutritionnelles particulières (germe de blé, levure diététique, spiruline, gelée royale, etc.).
Les substances qui ont pour objectif proclamé d’augmenter la masse musculaire ou de réduire la masse grasse ont fait l’objet d’une expertise récente de l’Anses à la suite du signalement d’effets indésirables (1).
Les substances anabolisantes
► Les substances censées augmenter la masse musculaire sont très utilisées dans les sports de force et par les body sculpteurs. Les protéines rapides du lactosérum et lentes comme la caséine possèdent l’allégation « protéines contribuant à l’augmentation de la masse musculaire ». Les concentrés d’acides aminés indispensables à chaîne ramifiée, l’arginine et la glutamine entrent dans la composition de cette famille de produits, avec des concentrations et des formulations très diverses.
► La créatine, surmédiatisée, est utilisée sous forme de capsules, de tablettes ou de poudre, souvent à des doses massives. La prise de compléments protéiques et de créatine pourrait aggraver les atteintes du taux de filtration glomérulaire.
Les « brûleurs de graisse »
La réduction de la masse grasse par la consommation de « brûleurs de graisse » est recherchée dans les sports de poids et par les culturistes. Certaines substances ont la réputation d’avoir ce type de propriété. Il en est ainsi de la L-carnitine, de la choline, de la phényléthylamine ou de substances issues de plantes comme la caféine ou la théobromine. Les mécanismes sont multiples et plus souvent centraux que périphériques. Autorisés, mais non exempts de risque, ces produits sont déconseillés aux enfants, aux adolescents, aux femmes enceintes ou aux sujets psychologiquement fragiles.
Les substances interdites
Plusieurs d'entre elles ont la faveur des sportifs. Certaines entrent frauduleusement sur le territoire, sans l’élaboration de compléments alimentaires dits « adultérés ». La plupart sont facilement disponibles sur Internet.
► Parmi les produits non conformes à la réglementation, les stéroïdes anabolisants androgènes sont largement consommés pour augmenter la masse musculaire. La déhydroépiandrostérone ou DHA a la particularité de ne pas être interdite en tant que substance de complément alors qu’elle figure sur la liste des figures dopantes.
► Les substances ayant un effet sur la masse grasse sont pratiquement toutes interdites. Citons les stimulants de type amphétaminique, dont l’effet anorexigène est bien connu, la sibutramine ou encore le dinitrophénol (DNP) qui a la propriété d’inhiber la phosphorylation oxydative de l’ATP, ce qui accroît la production de chaleur et détermine une perte de poids. Interdit depuis longtemps en raison d’effets indésirables graves (cataracte), il garde des adeptes dans les milieux culturistes.
► Le clenbutérol, substance d’usage vétérinaire utilisée de façon détournée par les culturistes du fait de sa réputation de « brûleur de graisse » et ses propriétés anabolisantes, est un bêta-agoniste responsable de tremblements, de tachycardie et d’insomnie exacerbés par la consommation de boissons alcooliques.
Les substances ayant un bénéfice incertain
La complémentation consiste souvent à ingérer à des doses supraphysiologiques dites pharmacologiques des substances contenues naturellement dans les aliments au prétexte de démultiplier leurs effets bénéfiques ou de « détoxifier » l’organisme (vaste programme !). Il existe peu de preuves que des mégadoses de vitamines, de minéraux ou de microconstituants soient bénéfiques pour la santé ou majorent l’efficience énergétique. La part incantatoire outrepasse la réalité des faits et des effets. La spiruline est un bel exemple de distorsion entre croyance et réalité. Cette microalgue qui connaît un grand succès au rayon des compléments alimentaires chez les sportifs comme chez monsieur tout-le-monde est un concentré remarquable de vitamines, de fer, d’antioxydants, d’oligo-éléments et de protéines auquel on attribue des vertus étonnantes. Le dossier scientifique de cette nouvelle star des boissons énergétiques est pourtant bien maigre et en tout cas insuffisant pour en faire un complément alimentaire du sportif.
À propos de quelques compléments en vogue
Créatine : méfiance et illusions
La créatine, dérivé aminé présent dans les fibres musculaires, contribue à l’apport énergétique musculaire et à la contraction musculaire. Elle est apportée par les protéines animales et peut être synthétisée dans le foie afin de maintenir un taux circulant adapté aux besoins. Transformée en phospho-créatine dans le muscle, elle apporte une partie de l’énergie pour répondre aux efforts intenses et brefs. La supplémentation en vogue auprès des body-sculpteurs et des athlètes est de l’ordre de 20 à 30 g de créatine/jour pendant plusieurs semaines, soit l’équivalent de 4 kg de viande par jour et 10 fois le taux de renouvellement naturel. L’essentiel de la charge en créatine n’est heureusement pas absorbé et est éliminé dans les selles puisque la capacité d’absorption intestinale culmine à 1 g/j. En dépit de quelques travaux ayant entretenu l’illusion, les effets musculaires sont limités par la capacité du muscle à fixer la créatine et à la phosphoryler. L’allégation dont elle bénéficie mentionne sa capacité « d’améliorer les capacités physiques en cas de séries successives d’exercices très intenses de courte durée ». Elle a la réputation de prévenir les crampes musculaires.
• La plupart des études récentes ont souligné l’inefficacité d’une supplémentation en créatine tant sur la puissance maximale développée, que sur les sensations de fatigue musculaire ou la récupération. Les recherches sur des efforts de longue durée n’ont pas mis en évidence un gain de performance. Les données concernant la toxicité sont plus consistantes : toxicité rénale, troubles du métabolisme calcique, pathologies cardiovasculaires, sans compter la possibilité de contamination par des produits dopants ou par des contaminants animaux pour la créatine d’origine illicite.
La caféine
Présentée par exemple sous la forme de gel, elle peut être associée à des glucides. Une dose comprise entre 3 et 6 mg de caféine par kg de poids avant l’effort semble optimale. Ses bénéfices seraient supérieurs chez le sportif entraîné.
• L’efficacité de la caféine semble réelle dans les efforts longs. Elle agirait en bloquant les récepteurs à l’adénosine. Elle retarderait la survenue de la fatigue et faciliterait l’utilisation des lipides à des fins énergétiques. Elle augmenterait la force musculaire maximale en stimulant un plus grand nombre de fibres musculaires. Elle n’est pas dénuée d’effets secondaires : tachycardie, hypertension artérielle, tremblements, agitation, exacerbation de l’anxiété.
La carnitine
Elle permet le passage des acides gras dans la matrice mitochondriale et favorise donc leur oxydation dans le cycle de Krebs avec, en théorie, une perte de poids, une économie du glycogène musculaire pendant l’effort et une meilleure oxygénation musculaire. Les résultats objectifs contrastés sont à mettre en balance avec un risque d’hypoglycémie qui va à l’encontre de la performance. L’usage de la carnitine n’est pas recommandable.
Les produits de l’effort
Ils apportent des nutriments essentiels au cours de l’activité physique. Sous forme de boisson combinant l’eau, les glucides et le sodium, ils évitent les désagréments liés à la déshydratation et retardent l’hypoglycémie consécutive à un effort prolongé. la présence d’autres éléments comme les vitamines du groupe B et C, les minéraux (magnésium, potassium) de protéines et/ou de caféine semblent améliorer leur efficacité. La présence de vitamine B1, qui participe à l’assimilation glucidique, est obligatoire en France. Les aliments solides et semi-solides de l’effort complètent l’apport glucidique sous forme de gels et de barres énergétiques. Il ne s’agit pas véritablement de compléments alimentaires.
Les produits d’attente
Les boissons d’attente ont vocation à être consommées pendant les 90 minutes qui précèdent le début de l’échauffement. Elles font partie de la préparation nutritionnelle d’une compétition. Leur objectif est de maintenir un bon niveau d’hydratation pour débuter dans de bonnes conditions l’épreuve à venir, d’optimiser les réserves en glycogène et de lutter contre le stress en installant un climat serein. Il s’agit habituellement d’une boisson composée de jus de fruit et/ou de miel visant à assurer un apport en glucides - et plus particulièrement en fructose dont l’assimilation est lente - et en potassium.
Les produits de récupération
Ces produits ont vocation à intervenir durant la phase métabolique qui suit l’effort afin de « recharger les batteries ». Il s’agit principalement de boissons visant à favoriser la synthèse des protéines musculaires lésées durant l’effort, à faciliter la reconstitution des stocks de glycogène hépatique et musculaire et à couvrir le coût énergétique de l’anabolisme post-effort. Ces produits (surtout des boissons) ne faisant pas l’objet d’une réglementation spécifique sont indiqués à la fin des entraînements intensifs et prolongés, à la fin d’une épreuve sportive longue ou en phase de préparation physique intensive. L’objectif affiché est de diminuer le temps de récupération et de régénération tissulaire. Les propositions commerciales sont nombreuses. Les formules associent dans des proportions variées des protéines (à hauteur de 30 % de la teneur calorique), des glucides, des antioxydants (vitamine C et zinc), et divers micronutriments (vitamines B impliquées dans le métabolisme énergétique) et minéraux tels que le magnésium qui a la réputation de diminuer la fatigue musculaire, le calcium qui contribue au bon fonctionnement musculaire, le potassium et le sodium qui sont perdus dans la sueur… Parmi de nombreuses autres offres « post-effort », citons les marques Isostar®, Eafit® ou Lactel® dont la composition est conforme avec l’objectif d’optimisation du temps de récupération tout en contribuant à la réhydratation.
LA PRESCRIPTION DES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES
Il n’y a pas d’indication de compléments alimentaires sans optimisation préalable de l’hygiène alimentaire. Des signes d’appel fonctionnels comme la fatigue et des anomalies du bilan biologique comme une diminution de la ferritinémie – qui semble assez fréquente – peut justifier la prescription de vitamines B et de fer. La prescription peut aussi être justifiée par le besoin exprimé par le sportif de consommer un complément à des fins énergétiques ou pour améliorer les performances. Il s’agit d’une demande d’ordre psychologique plus que physiologique qu’il vaut mieux ne pas contrarier pour désamorcer la recherche de produits illicites. Le risque de consommer un complément alimentaire contenant un produit interdit est faible mais réel. Seule la norme AFNOR 94 001 permet de certifier l’absence de substance interdite (2). Dans tous les cas, il faut donc conseiller des compléments vendus en pharmacie (proposés notamment par Merck, Ménarini, Isoxan ou Bion).
LE RÔLE DU MÉDECIN
Quelle que soit la discipline sportive, aucun argument scientifique n'encourage la prise de compléments alimentaires, dès lors que l’hygiène de vie, notamment alimentaire, est optimisée par un encadrement qualifié. Si sportifs et accompagnants sont persuadés que la diététique sportive est devenue incontournable, celle-ci ne se borne pas à l’ingestion de compléments aux effets plus ou moins fantasmés, à la lutte contre les kilos superflus ou à la poursuite d’un remodelage corporel.
Le médecin joue un rôle dans l’accompagnement des sportifs, en dispensant des recommandations judicieuses, en mettant en garde contre les potions magiques et les produits sulfureux que tout un chacun peut se procurer par des canaux licites ou non. Il fournit également une information autorisée et pertinente quant à la réalité des effets revendiqués sur la performance par les compléments. Il est de son devoir de prescrire des compléments sans danger et vendus en pharmacie, dès lors que le sportif en réclame avec insistance ou que son bilan clinique ou biologique le justifie, après avoir rappelé les grands principes d’hygiène de vie et souligné qu’il n’y a pas d’anabolisant efficace sans exercice physique soutenu.
Enfin, il lui appartient de dépister les cas où la prise de compléments est un équivalent de dopage (3), d’exercer une nutrivigilance, de reconnaître la sensibilité particulière des sujets à certaines substances comme la caféine et de signaler d’éventuels effets indésirables.
Références
1- Anses. Compléments alimentaires destinés aux sportifs. Rapport d’expertise collective. Novembre 2016.
2- Afnor. Compléments alimentaires et autres denrées alimentaires destinés aux sportifs : bonnes pratiques de développement et de fabrication visant l'absence de substances dopantes (2012).
3- Geyer H et al., Analysis of non hormonal nutritional supplements. Int J Sports Med 2004 25 124-129.
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)