Tout antécédent de chimiothérapie doit être considéré comme un facteur de risque cardio-vasculaire (CV). Pour le médecin, l'enjeu n'est pas celui de la prise en charge CV, qui reste classique, mais de suspecter le rôle de la chimiothérapie devant un événement CV et de rechercher des atteintes passées inaperçues (voir encadré E1).
TOUTES LES CHIMIOTHÉRAPIES SONT POTENTIELLEMENT CARDIOTOXIQUES
« Le terme de thérapie ciblée rasure faussement; elle ciblent effectivement une seule voie de signalisation mais au niveau de tous les tissus, y compris non tumoraux », explique le Pr Athul Pathak. Or le tissu cardiaque est très différencié et ses capacités régénératives sont faibles; les lésions induites se cumulent et lorsqu'elles dépassent les possibilités de réparation, elles aboutissent à la mort des cardiomyocytes puis à la dysfonction tissulaire, d'où les principales conséquences que sont l'HTA et la dysfonction ventriculaire.
› Globalement, on sait que le sunitinib favorise l'insuffisance cardiaque et l'HTA, le trastuzumab et les anthracyclines l'IC, le 5FU la coronaropathie, le bevacizumab l'HTA et la cardiopathie, les anti-angiogéniques l'HTA et la cardiopathie hypertensive ; la vincristine est impliquée dans des neuropathies autonomes cardiaques et des complications thrombo-emboliques veineuses. Les anticorps monoclonaux peuvent entraîner des hypotensions d'ordre immunoallergique équivalant à un choc septique et les inhibiteurs de la tyrosine kinase ou de l'histone deacetylase des allongements du QT.
› Néanmoins, il est illusoire de vouloir dresser un catalogue des corrélations entre les médicaments utilisés et leurs conséquences CV : les modèles expérimentaux sont inadaptés au repérage d'une toxicité cardiovasculaire ; les essais cliniques excluent généralement les personnes à risque CV et ne sont pas assez puissants pour dépister des effets cardiovasculaires rares. « Les conséquences cardiovasculaires peuvent prendre de multiples aspects, accompagnés de complications extravasculaires qui compliquent la donne; ce sont les données de la pharmacovigilance et les études post-AMM qui font progresser dans la connaissance de cette iatrogénie. Ils sont tous cardiotoxiques jusqu'à preuve du contraire et toute chimiothérapie pour cancer expose à un risque CV », poursuit le spécialiste. Chaque agent a sa toxicité propre et potentialise celle des autres ; la radiothérapie aggrave la iatrogénie cardiaque ainsi que les états de dénutrition ou d'inflammation chronique.
› Le bilan cardiovasculaire doit être réalisé avant toute chimiothérapie et tout événement CV, qu'il soit attendu ou non, doit donner lieu à une évaluation CV globale pour rechercher les autres complications potentielles.
LES TABLEAUX CLINIQUES LES PLUS CLASSIQUES
› Le risque d'insuffisance cardiaque est plus faible avec les nouvelles chimiothérapies que sous anthracyclines et il est généralement réversible. Il est difficile de prédire précocement la cardiotoxicité. Toutes les techniques d'exploration du VG – échocardiographie, scintigraphie ou IRM – se valent à condition de recourir toujours à la même pour ne pas sur- ou sous-estimer l'atteinte cardiaque. Le dosage de la troponine ou du BNP n'a aucun intérêt pour prédire la toxicité et n'est demandée que devant une symptomatologie clinique. Les tests de provocation sont utiles pour dépister des gens à risque. « Le facteur prédictif majeur est l'existence d'une iatrogénie cardiaque antérieure, d'antécédents CV personnels ou familiaux, de facteurs de risque, un âge inférieur à 15 ans ou supérieur à 60 ans, la radiothérapie, le statut nutritionnel », insiste le Pr Pathak.
Les stratégies de cardio-protection par cardioxan et dexrazoxan par exemple sont inopérantes car elles bloquent aussi l'action du médicament au niveau de la cellule cancéreuse. En revanche, en cas de facteurs de risque, l'oncologue peut agir en modifiant les schémas thérapeutiques; ainsi la stratégie IL2 puis interféron est moins toxique que l'inverse. Il faut parallèlement contrôler les facteurs de risque et les éléments d'aggravation classique (ischémie, HTA, arythmie). Toute modification de la FEVG amène à prescrire un IEC/ARA2 et/ou un bêtabloquant.
› L'HTA est la deuxième grande complication. Sont surtout incriminés les Ac monoclonaux humanisés comme le bavacizumab, les petites molécules inhibant la tyrosine kinase, sunitinib et sorafenid. Les anti-angiogéniques provoquent une augmentation de la PA en réaction à la raréfaction capillaire ; l'HTA est systolo-diastolique, d'installation rapide; elle est potentiellement sévère avec atteinte majeure des organes-cibles. Le traitement est classique mais ne doit pas comporter d'inhibiteurs du CYP 3 et 4 (verapamil, isoptine, diltiazem) qui sont bloqués par les petites molécules. On utilise le plus souvent ICa ou anti-SRA. Des thromboses sont associées dans 1 à 10% des cas mais ne doivent pas être traitées par antiagrégants vu le risque de saignement sur des vaisseaux fragilisés chez un hypertendu.
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